Au Ghana, encore des efforts à faire pour l’assurance maladie

En 2003, le Ghana a mis en place un régime national d’assurance maladie (NHIS) afin de fournir une couverture maladie universelle à l’ensemble de la population. En 2008, le gouvernement allait plus loin en instaurant la gratuité des soins pour les femmes enceintes et les enfants de moins de cinq ans dans le cadre du système d’assurance maladie. En avril 2011, Oxfam et des ONG ghanéennes ont publié une étude évaluant l’impact réel de cette nouvelle politique audacieuse de santé publique. Conclusions ? Malgré l’engagement du gouvernement ghanéen d’améliorer la santé de sa population, il reste encore beaucoup d’efforts à faire. En effet, loin d’atteindre les 66% proclamés par le gouvernement, le taux de couverture de cette assurance maladie publique avoisinerait plutôt… 18% de la population. Alors que chaque citoyen ghanéen contribue, à travers la TVA, au financement du NHIS, 82% de la population n’en bénéficie toujours pas !

Marame Ndour, responsable de plaidoyer santé pour Oxfam France fait le point avec Rosemary Akolaa, coordinatrice du plaidoyer santé d’Oxfam au Ghana. Marame Ndour : Rosemary, quelle est la situation au Ghana plusieurs mois après la publication de ce rapport ? Rosemary Akolaa : La publication de ce document a eu un impact important et plutôt positif. Nous avons vraiment frappé là où cela fait mal. Le gouvernement se sent dorénavant surveillé par la société civile. Les autorités et l’administration ghanéennes essaient sérieusement de mettre de l’ordre dans leur système et font un effort visible pour mieux informer le public sur ses droits ainsi que sur les démarches à faire pour bénéficier de l’assurance maladie. C’est incroyable, on voit maintenant plein de spots publicitaires à la télé, des jingles à la radio à propos du NHIS. M.N. : Votre vraie victoire, c’est que les autorités ont revu leurs chiffres à la baisse après la publication du rapport… R. A. : 35% de taux de couverture, c’est finalement le le nombre officiel qu’ils ont sorti ! C’est une vraie victoire pour nous car ils ont reculé. Ils ont été obligés de se rapprocher du taux de couverture réel et donc d’arrêter de chercher à avoir une reconnaissance qu’ils ne méritent pas. Ce taux de plus de 60% de couverture c’était une supercherie, de la poudre aux yeux ! _ Même si pour l’instant, les mesures prises tiennent beaucoup de la communication, le gouvernement commence à mettre de l’ordre dans le système d’assurance maladie. Par exemple, ils traquent les centres de santé et les cliniques qui gonflaient leurs chiffres, font des audits… Mais nous devons rester vigilants ! M.N. : Quels sont les problèmes rencontrés par les bénéficiaires ? R.A. : Le plus gros problème du système actuel, c’est que, comme Oxfam et des ONG ghanéennes le dénoncent dans ce rapport, la majorité de la population n’a pas accès à cette couverture maladie. Pour en bénéficier, il faut acheter une carte d’adhérent et la renouveler. Mais les plus démunis n’en ont pas les moyens. En outre, beaucoup sont illettrés et ne comprennent pas les démarches à faire, ne savent pas qu’il faut renouveler cette carte tous les ans. Je me souviens par exemple de Lucie Ayamba, une mère dont l’enfant était malade. Sa carte était périmée et ne pouvait pas être renouvelée immédiatement quand elle s’est rendue à l’hôpital. On lui a alors demandé 20 Cedis ghanéens (environ 10 euros) pour que son enfant soit examiné tout de suite. Lucie n’avait pas les moyens de débourser une telle somme. Elle a donc abandonné, et s’est tournée vers la pharmacie. Et c’est un vrai risque : en termes de qualité de soin, voir un médecin ce n’est pas du tout la même chose que de prendre un remède conseillé par des gens formés pour vendre des médicaments et non pour soigner. Un autre problème de taille est que les centres de santé n’appliquent pas ou très mal ces nouveaux mécanismes d’accès aux soins. Par exemple, une femme qui disposait d’une carte d’assurance maladie valide s’est vue refuser des soins pour son enfant gravement malade alors qu’il avait bien moins de cinq ans, et donc droit à des soins gratuits. Ce genre de dysfonctionnement crée une vraie défiance vis-à-vis du système du NHIS. D’autant plus qu’il y a aussi de gros progrès à faire dans la sensibilisation et l’implication du personnel de santé : l’attitude des infirmières par exemple est différente selon que le patient paie de sa poche ou pas. Les autres, on les regarde avec condescendance comme si ils quémandaient les soins. Le gouvernement doit rigoureusement veiller à l’application de la loi par les centres de santé mais aussi mieux former le personnel de santé afin qu’il puisse correctement accueillir et informer les bénéficiaires. La gratuité est un droit pour lequel ces gens paient chaque année une cotisation s’ils le peuvent mais aussi tous les jours à travers la TVA, ce n’est donc pas un cadeau qu’on leur fait ! Les autorités ne doivent pas oublier qu’elles sont tenues de tout faire pour que le système fonctionne réellement et pour tout le monde. M.N. : Les élections présidentielles auront lieu en décembre 2012. Qu’avez-vous prévu comme actions d’ici là ? R.A. : Nous allons bien sûr continuer à plaider pour la mise en place d’une vraie couverture maladie, en nous concentrant particulièrement sur l’accès des femmes aux soins et à l’éducation, indispensable pour pouvoir comprendre ses droits ou même simplement lire une prescription ! Nous nous battrons pour que le gouvernement adopte des mécanismes alternatifs de financement de la couverture maladie qui soient plus équitables. Nous sommes en train de travailler sur différents documents pour appuyer notre plaidoyer sur l’accessibilité des soins et sur les ressources humaines en santé notamment, pour montrer que la gratuité des soins est possible par des étapes simples, à condition que le système marche et qu’il y ait une réelle volonté politique. Propos recueillis et édités par Marame Ndour à Londres, le 15 décembre 2011.

Aller plus loin

ire le rappor (en anglais) – Voir la campagne Non assistance à mères en dange menée en 2010 par Oxfam France et notamment le eportage fait par Delphine Bedel, chargée de médias sur la campagne dans une maternité au Ghan. – En savoir plus sur [le travail d’Oxfam France sur les questions de santé->-sante-]