Uni-e-s contre l’évasion fiscale

Si le Parlement européen a voté le 4 juillet 2017 en faveur du reporting pays par pays public, une mesure clé de transparence pour la lutte contre l’évasion fiscale des multinationales, le texte présente encore des failles, qui permettront aux entreprises de se soustraire à cette obligation.

L’évasion fiscale est un véritable problème dans la lutte contre la pauvreté. Elle prive chaque année les pays du monde entier, et notamment les pays en développement, de ressources essentielles pour garantir à tous l’accès à des services essentiels tels que la santé et l’éducation, ainsi que pour lutter contre les inégalités et la pauvreté. En France, les pertes fiscales liées à l’évasion fiscale sont estimées entre 60 et 80 milliards d’euros, soit l’équivalent du budget de l’éducation nationale. Pour cette raison, Oxfam mène depuis des années un combat contre l’évasion fiscale et se bat pour que des mesures de transparence fiscale soient approuvées à l’échelle nationale, européenne et internationale.

Un des outils phare de la lutte contre l’évasion fiscale est le reporting public pays par pays qui oblige les entreprises multinationales à rendre publiques les informations sur leurs activités et les impôts qu’elles payent dans chacun des pays où elles ont une acivité. L’objectif est de savoir si les entreprises paient leur juste part d’impôts ou si elles pratiquent l’évasion fiscale.

En mars 2017, nous avons publié le rapport « Banques en Exil », analysant pour la première fois les données issues du reporting pays par pays public des banques européennes, seul secteur pour lequel le reporting par pays public est en vigueur. Ce rapport révélait que certaines parmi les plus grandes banques européennes déclarent des profits dans les paradis fiscaux qui sont en réalité bien supérieurs au niveau de leur activité économique dans ces pays.

En 2016, la France avait été le premier pays à adopter, avec la loi Sapin 2, un reporting public pour les entreprises multinationales. Bien que perfectible sur de nombreux points, ce reporting représentait un premier pas important pour dissuader les multinationales d’échapper à l’impôt. En novembre 2016, le Conseil constitutionnel a porté un coup d’arrêt à cette dynamique positive, en censurant cette mesure sur des arguments très contestables juridiquement., cédant à la pression des intérêts privés.
Le 4 juillet 2017, le Parlement européen a adopté une mesure connue sous le nom de reporting pays par pays public. C’est une mesure importante de lutte contre l’évasion fiscale car elle oblige les entreprises multinationales à rendre publiques les informations sur leurs activités et les impôts qu’elles paient dans chacun des pays où elles ont une activité. Cependant, la directive inclut une clause de sauvegarde permettant aux entreprises multinationales de ne pas publier certaines informations, si elles déclarent que leur publication pourrait nuire à leurs affaires. Il y a donc une faille qui pourrait être exploitée par les entreprises pour continuer à cacher leurs stratagèmes fiscaux. Ainsi, ce pas en avant de la part du Parlement européen ne permettra pas pleinement de savoir si les entreprises paient réellement leur juste part d’impôts.

Malgré les scandales d’évasion fiscale tels que le Luxleaks et les Panama Papers, de nombreux eurodéputé-e-s semblent encore vouloir protéger les intérêts des multinationales au détriment de ceux des citoyens et des PME. Des centaines de milliers de citoyen-ne-s européens veulent pourtant que leurs gouvernements imposent plus de transparence aux multinationales afin de savoir si elles paient leurs impôts là où elles ont une activité réelle. Il appartient désormais aux États membres de ne pas mettre davantage des bâtons dans les roues de la transparence fiscale, sinon le système fiscal continuera de servir le profit des multinationales.

Cette demi-victoire est la preuve, s’il en fallait encore, que les lobbies des multinationales sont puissants. Et que s’unir pour les contrebalancer est essentiel ! Sans notre action, menée main dans la main avec le CCFD – Terre Solidaire, le texte adoptée par l’union européenne, quoiqu’incomplet, serait simplement inexistant !

Action face au parlement européen