Davos 2017: huit personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale

Nouveau rapport sur les inégalités

Le rapport « Une économie au service des 99 % », publié aujourd’hui par Oxfam en amont de la rencontre annuelle de l’élite économique et politique à Davos, révèle que huit personnes détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de l’humanité.

Ce rapport illustre en détail comment les grandes entreprises et les individus les plus riches exacerbent les inégalités, en exploitant un système économique défaillant, en éludant l’impôt, en réduisant les salaires et en maximisant les revenus des actionnaires. Le rapport préconise un nécessaire changement de paradigme, vers une économie centrée sur l’humain, qui bénéficie à l’ensemble de la population, et non à une poignée de privilégiés seulement.

Nos économies concentrent les richesses aux mains d’une élite, aux dépens des couches les plus pauvres de la société qui sont majoritairement des femmes. Les plus fortunés accumulent ces richesses à un tel rythme que le premier « super-milliardaire » du monde pourrait voir son patrimoine dépasser le millier de milliards de dollars dans 25 ans à peine. Pour mettre ce chiffre en perspective, Oxfam a calculé qu’il faudrait débourser un million de dollars par jour pendant 2 738 ans pour pouvoir dépenser 1 000 milliards de dollars.

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France : « Il est indécent que tant de richesses soient concentrées dans les mains d’une si infime minorité, quand on sait qu’une personne sur dix dans le monde vit avec moins de 2 dollars par jour. Les inégalités relèguent des centaines de millions de personnes dans la pauvreté, fracturent nos sociétés et affaiblissent la démocratie. »

Le rapport s’appuie sur de nouvelles données plus précises sur la répartition des richesses dans le monde, en particulier en Inde et en Chine, qui indiquent que la moitié la plus pauvre de la population mondiale possède une part des richesses encore plus réduite. Sept personnes sur dix vivent dans un pays où les inégalités se sont accentuées au cours des trente dernières années. La France n’échappe pas à ce constat et ne marche plus vers l’égalité. En 2016, seuls 21 milliardaires possèdent autant que les 40 % les plus pauvres de la population française [1]. Et la tendance est à l’accroissement des écarts : alors que le niveau de vie mensuel moyen des plus riches a progressé de 272 euros de 2003 à 2014, celui des plus pauvres a diminué de 31 euros [2].

Parmi les moteurs de cette croissance exclusive, Oxfam dénonce la pression qui s’exerce sur les salaires partout dans le monde. Un PDG d’une entreprise du FTSE (les cent entreprises britanniques les plus capitalisées et cotées à la bourse Londres) gagne en un an autant que 10 000 ouvriers de l’industrie textile au Bengladesh [3]. Ces inégalités sont le résultat d’un partage toujours plus inégal de la valeur ajoutée : dans les années 1980, les producteurs de cacao recevaient par exemple 16% de la valeur d’une barre chocolatée, contre seulement 6 % aujourd’hui [4]. A l’inverse, les actionnaires voient leurs rémunérations en constante croissance : en France, les entreprises du CAC 40 ont par exemple distribué pour 55.7 milliards de dividendes en 2016, un chiffre presque équivalent à celui de 2007, avant la crise économique [5].

Les entreprises optimisent également leurs bénéfices, notamment en allégeant le plus possible leur charge fiscale, privant ainsi les Etats des ressources essentielles pour financer les politiques et les services nécessaires pour réduire les inégalités. Pour cela, elles recourent aux paradis fiscaux ou incitent les pays à proposer une fiscalité attrayante (allègements, exonérations et taux bas). Par exemple, le Kenya perd chaque année 1,1 milliard de dollars en exonérations fiscales accordées aux entreprises, soit près du double du budget de la santé, dans un pays où une femme sur 40 décède lors de l’accouchement [6]. En 2014, en compétition pour attirer un investissement de Samsung, l’Indonésie a proposé une exemption d’impôt sur les sociétés pour 10 ans, tandis que le Vietnam offrait 15 ans [7]. Cette course à la concurrence fiscale a entrainé une tendance à la baisse sans précédent des impôts  sur les sociétés : en 1990, le taux d’imposition légal moyen sur les sociétés au sein du G20 était de 40% ; en 2015, il n’était que de 28,7 % [8]. La France n’est pas en reste puisqu’elle vient d’abaisser son taux d’imposition sur les sociétés de 33 % à 28 % et qu’elle continue de multiplier les crédits d’impôts aux entreprises, qui coûtent à l’Etat français plus de 83 milliards d’euros par an [9].

« Partout dans le monde, des femmes et des hommes sont laissés pour compte. Leurs salaires stagnent, alors que les grands patrons s’octroient des primes qui se chiffrent en millions de dollars. Leurs services de santé et d’éducation sont réduits pendant que les entreprises et les grandes fortunes se soustraient à l’impôt. Leurs voix ne sont pas entendues, alors que les gouvernements se mettent au diapason des grandes entreprises et des plus riches. »

« Les millions de personnes laissées de côté par nos économies défaillantes ont besoin de solutions, et non de boucs émissaires,s’insurge Manon Aubry. C’est pourquoi Oxfam propose une nouvelle manière de gérer nos économies avec bon sens afin que celles-ci servent le plus grand nombre, au lieu d’une petite minorité privilégiée. »

« Les gouvernements ne sont pas impuissants face aux forces du marché. Quand les responsables politiques arrêteront d’être obsédés par le PIB et se focaliseront sur l’intérêt de l’ensemble de leurs citoyen-ne-s, et non seulement d’une élite, un avenir meilleur sera possible pour toutes et tous. »

La France, pays des droits de l’Homme, se doit d’être exemplaire et d’amorcer ce changement de paradigme vers une économie centrée sur l’humain. Dans le cadre des prochaines élections présidentielle et législatives, les dirigeant-e-s qui s’apprêtent à être élu-e-s ont la responsabilité de s’attaquer aux inégalités et de réduire le fossé croissant entre riches et pauvres, en France et dans le monde.

Des mesures concrètes pour mettre un terme aux inégalités existent. Oxfam France appelle les citoyen-ne-s à interpeller les candidat-e-s aux prochaines élections [10] pour faire preuve d’une forte volonté politique et à s’engager pour :

•Mettre en place des politiques publiques plus justes, notamment:

  • une imposition des ménages plus juste socialement ;
  • une contribution effective de 0,7 % du budget de l’Etat en faveur de la solidarité internationale pour le développement des pays les plus pauvres.

•Encadrer et réguler les activités du secteur privé, notamment à travers :

  • la transparence fiscale des multinationales ;
  • une régulation de la spéculation financière.

•Faire respecter les droits humains, en France comme dans les pays du Sud, notamment à travers:

  • l’obligation pour les multinationales de respecter les droits humains et payer un salaire décent partout dans le monde
  • le respect des droits des femmes.

Contact

Eleonora Trementozzi : etrementozzi@oxfamfrance.org– 01 85 34 17 66 – 07 69 17 49 63 

Notes aux rédactions

Le Forum économique mondial (WEF) de Davos, en Suisse, se déroulera du 17 au 20 janvier 2017. Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam International, assistera à cet événement afin de souligner l’urgence de réduire les inégalités. Elle est disponible pour toute demande d’interview. Pour plus d’informations sur le Forum, voir www.weforum.org(en anglais).

Les documents suivants sont sont téléchargeables ici :

-Le rapport « Une économie au service des 99 % » : http://oxf.am/ZLEc

-La méthodologie utilisée pour établir les statistiques qui figurent dans le rapport : http://oxf.am/ZLaW

-Le résumé du rapport : http://oxf.am/ZLET

[1] Les 21 milliardaires français les plus riches sont, en ordre décroissant de leur patrimoine net :

Liliane Bettencourt : héritière de la marque de cosmétiques l’Oréal ; Bernard Arnault : propriétaire du groupe de luxe LVMH ; Serge Dassault : président du groupe aéronautique Dassault ; Francois Pinault : fondateur de Kering un des leaders mondiaux de l'habillement et des accessoires ; Alain Wertheimer et Gerard Wertheimer : propriétaires de Chanel et des cosmétiques Bourjois ; Xavier Niel : fondateur du fournisseur d’accès internet et opérateur mobile Free ; Emmanuel Besnier : PDG de Lactalis ; Jean-Claude Decaux : fondateur de la société JCDecaux ; Patrick Drahi : président-fondateur du consortium luxembourgeois Altice, principal actionnaire du groupe SFR, de Virgin Mobile; Vincent Bolloré : PDG du groupe Bolloré et à la tête des conseils de surveillance de Vivendi et du groupe Canal+ ; Pierre Bellon : fondateur et président d'honneur de Sodexo ; Carrie Perrodo, propriétaire et co-fondatrice du groupe pétrolier Perenco, Martin & Olivier Bouygues : respectivement PDG et Directeur général délégué du groupe Bouygues ; Michel Leclercq : fondateur de Decathlon ; Alain Merieux : fondateur de bioMérieux, leader mondial de la microbiologie ; Bernard Fraisse, fondateur de Fareva, important sous-traitant pharmaceutique ; Marie Besnier Beauvalot, une des héritières du groupe Lactalis ; Jean-Michel Besnier : un des héritiers du groupe Lactalis ; Jean Pierre Cayard : directeur de la Martiniquaise, spécialisée dans la fabrication et la distribution de vins et spiritueux ; Louis Le Duff : fondateur du Groupe Le Duff, qui regroupe des enseignes de restauration et d'alimentation telles que Brioche Dorée, Del Arte, Bridor, etc.

[2] Observatoire des inégalités: http://www.inegalites.fr/spip.php?article632

[3] Calculs par Ergon Associates d'après les données sur les rémunérations des PDG du High Pay Centre et d'après le salaire minimum d'un ouvrier bangladais auquel sont ajoutés les avantages types proposés aux salariés.

[4] Site Web Make Chocolate Fair: https://makechocolatefair.org/issues/cocoa-prices-and-income-farmers-0

[5] La Lettre Vernimmen, n°146 janvier 2017, http://www.vernimmen.net/

[6] TJNA et Action Aid Still Racing Toward the Bottom? Corporate Tax Incentives in East Africa Juin 2016 et Banque mondiale, 2015 Lifetime risk of maternal death (1 in: rate varies by country), http://data.worldbank.org/indicator/SH.MMR.RISK

[7] Prakarsa policy review (2015), Anticipating Tax War in the Asean economic integration era. http://foolsgold.international/app/uploads/2015/09/ASEAN-tax-wars.pdf

[8] M. Devereux et al. (2016), G20 Corporation Tax Ranking. Oxford University Centre for Business Taxation. Oxford. http://www.sbs.ox.ac.uk/sites/default/files/Business_Taxation/Docs/Publications/Policy_Pap ers/g20-corporation-tax-ranking-2016_0.pdf

[9] PLF 2017, Evaluations préalables des articles du Projet de Loi, p. 36, 37. http://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2017/pap/pdf/PLF2017_Eval.pdf

[10] Oxfam France, aux côtés d’Action Aid France, du CCFD-Terre Solidaire et du Secours Catholique, ont formulé une série de 15 recommandations à destination des candidat-e-s aux élections présidentielle et législatives de 2017. Ces recommandations visent à mettre la solidarité internationale au centre des débatshttp://solidarite2017.org

Les huit personnes les plus riches du monde sont, en ordre décroissant de leur patrimoine net :

1.     Bill Gates : américain, fondateur de Microsoft (patrimoine de 75 milliards de dollars)

2.     Amancio Ortega : espagnol, fondateur d’Inditex qui détient la chaîne de prêt-à-porter Zara (patrimoine de 67 milliards de dollars)

3.     Warren Buffet : américain, PDG et premier actionnaire de Berkshire Hathaway (patrimoine de 60,8 milliards de dollars)

4.     Carlos Slim Helu : mexicain, propriétaire de Grupo Carso (patrimoine de 50 milliards de dollars)

5.     Jeff Bezos : américain, fondateur, président et directeur général d’Amazon (patrimoine de 45,2 milliards de dollars)

6.     Mark Zuckerberg : américain, président, directeur général et cofondateur de Facebook (patrimoine de 44,6 milliards de dollars)

7.     Larry Ellison : américain, cofondateur et PDG d’Oracle (patrimoine de 43,6 milliards)

8.     Michael Bloomberg : américain, fondateur, propriétaire et PDG de Bloomberg LP (patrimoine de 40 milliards de dollars)

Les calculs d’Oxfam se fondent sur les données fournies par le Credit Suisse dans son Global Wealth Databook 2016 : http://publications.credit-suisse.com/tasks/render/file/index.cfm?fileid=AD6F2B43-B17B-345E-E20A1A254A3E24A5

Le patrimoine des plus grandes fortunes du monde a été calculé à l’aide du classement des milliardaires publié par le magazine Forbes en mars 2016 ( article archivé ici : https://www.geekwrapped.com/archive/forbes-billionaires-full-list-of-the-500-richest-people-in-the-world)

Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.