L’aggravation des inégalités fait basculer des millions d’Européens dans la pauvreté

Oxfam analyse dans son nouveau rapport « Une Europe au service de la majorité, et non d’une élite » les niveaux dramatiques de pauvreté et d’inégalités en Europe. Plus qu’une fatalité, cette situation résulte selon l’organisation, de choix politiques.

Oxfam dénonce ainsi le rôle de l’austérité, l’inefficacité des systèmes fiscaux ou le poids des intérêts privés dans l’élaboration de politiques publiques en leur faveur et au détriment des populations les plus pauvres.

Entre 2009 et 2013, 7.5 millions de personnes supplémentaires ont été classées en situation de privation matérielle aigüe (1) dans l’Union européenne (UE). Elles comptent parmi les 123 millions de personnes risquant de sombrer dans la pauvreté et l’exclusion sociale – soit près d’un quart de la population de l’Union européenne –, dans un continent qui a vu son nombre de milliardaires passer de 2009 à 2013 de 99 à 342. La France à elle seule compte plus de 11 millions de personnes en risque de pauvreté ou d’exclusion sociale, un chiffre qui ne se réduit pas sur les dix dernières années. Elle connait également une des augmentations les plus importantes des inégalités des revenus disponibles entre 2005 et 2013.

Les données du rapport « Une Europe au service de la majorité, et non d’une élite » confirment les chiffres publiés plus tôt par le Fonds monétaire international, l’OCDE et d’autres organisations sur la façon dont l’accroissement des inégalités compromet la lutte contre la pauvreté.

Pour Manon Aubry, responsable de plaidoyer justice fiscale et inégalités à Oxfam France : « L’Europe est un continent riche et prospère et pourtant, la pauvreté et les inégalités sont en hausse – cette situation n’est pas une fatalité, elle résulte de choix politiques. Dans l’UE, la pauvreté ne relève pas d’un manque de ressources mais de la façon dont elles sont partagées ». D’après le Crédit Suisse, les 1 % des Européens les plus riches détiennent près d’un tiers des richesses du continent, alors que les 40 % les plus pauvres de la population se partagent moins de 1 % des richesses nettes totales de l’Europe.

 

Le rapport souligne surtout le rôle des politiques d’austérité ainsi que des systèmes fiscaux injustes et régressifs comme deux composantes motrices des inégalités en Europe. Les mesures d’austérité mises en place après la crise financière de 2007/2008 incluent des coupes dans les dépenses publiques, la privatisation des services publics et la dérégulation du marché du travail. Ces programmes font clairement peser la réduction du déficit public sur les épaules de la frange la plus pauvre et vulnérable de la population et sont lourds de conséquences pour les sociétés européennes.

Depuis 2008, en Irlande, la baisse des revenus et la montée du chômage ont exclu près de 250 000 personnes d’une couverture santé complémentaire. Au même moment, l’Irlande a réduit son budget santé de 12 %. Des systèmes fiscaux injustes et régressifs permettent l’évasion fiscale de milliards d’euros par les multinationales, faisant porter plus lourdement sur les seuls citoyens l’ensemble de la contribution fiscale. Le rapport révèle à ce titre les pratiques d’évasion fiscale d’EDF qui recourt à des filiales implantées dans d’autres pays pour réduire sa facture fiscale en France. Du Luxembourg à l’Irlande, en passant par la Belgique et les Pays-Bas, l’entreprise détenue majoritairement par l’Etat français, réalise en effet un grand chelem européen de l’évasion fiscale.

 « Les gouvernements doivent rééquilibrer notre système fiscal vers plus d’équité afin que les entreprises paient leur juste part d’impôts. Ils doivent aussi remettre en question les politiques d’austérité, réinvestir dans des services publics et garantir des salaires décents pour que les personnes les plus vulnérables arrêtent de subir les coûts de la crise financière » estime Manon Aubry.

Le rapport sonne également l’alerte sur l’influence excessive d’une élite fortunée, de grandes entreprises et d’intérêts privés dans les orientations politiques tant au niveau national que communautaire. Leur mainmise sur les décisions politiques biaisent les politiques publiques pour servir leurs propres intérêts aux dépens de ceux qu’elles sont supposées servir, et intensifiant ainsi les inégalités économiques. Le débat sur la taxe sur les transactions financières (TTF) a ainsi entièrement été accaparé par les lobbies financiers. Oxfam estime que 73 millions d’euros ont été dépensés chaque année pour essayer d’influencer la Commission européenne sur les négociations TTF. Un chiffre dix fois plus élevé que le budget qu’y aurait consacré la société civile (7 millions d’euros) : pour une demande de rencontre initiée par la société civile, les décideurs européens en recevaient 40 des lobbyistes financiers.

« Pour combattre les inégalités et la pauvreté en Europe, nous devons réduire l’influence des plus fortunés, des lobbies et des puissants dans l’élaboration des politiques publiques en leur faveur aux dépens de la majorité des Européens. Une plus grande transparence serait déjà un signal important » souligne Manon Aubry.

Le rapport repose entre autres sur des tableaux de données qui montrent  le rôle des politiques publiques dans l’aggravation ou la réduction des inégalités. Ainsi, le système fiscal et social suédois est le plus progressif d’Europe, permettant de réduire les inégalités de revenus disponibles de 53 %. En comparaison, le système espagnol ne permet de réduire les inégalités que de 32 % et le système français de 40 %.

Contact

Caroline Prak
Responsable Communication et relations média
cprak@oxfamfrance.org
06 30 46 66 04

Notes aux rédactions

Lire ici le rapport "Une Europe au service de la majorité et non d’une élite"

Un tableau récapitulatif des principales données est disponible sur demande. Parmi ses données se trouvent des indicateurs sur les inégalités, des indicateurs de pauvreté, des indicateurs sur les inégalités de revenus marchands et disponibles ou l’impact des politiques publiques sur les inégalités de revenus qui montrent un visage disparate des inégalités en Europe :

  • Les inégalités de revenus disponibles (après impôts et transferts sociaux) sont les plus importantes en Bulgarie, Lettonie et Lituanie. Cependant, un nombre de pays dont la France et le Danemark, voient aussi une hausse des inégalités de ces revenus entre 2005 et 2013 ;
  • Les populations d’Allemagne, de Grèce et du Portugal connaissent les plus hauts niveaux d’inégalités de revenus avant prise en compte des impôts et transferts (telles que les prestations sociales) ;
  • Les taux de pauvreté parmi les personnes actives sont les plus hauts en Roumanie et en Grèce, mais ils augmentent partout ailleurs en Europe, y compris en France où ils ont augmenté de plus de 30% entre 2005 et 2013 ;
  • La différence des salaires hommes-femmes en Allemagne, en Autriche et en République tchèque sont les plus importantes en Europe ;
  • La différence de salaire entre les travailleurs et les équipes dirigeantes sont les plus fortes en Irlande et en Lettonie. La France se trouve dans la moyenne européenne, avec néanmoins des écarts de salaire plus importants qu’en l’Italie, Espagne ou encore Belgique.

(1) La situation de privation matérielle aigüe est définie par une situation de difficulté économique durable définie comme l'incapacité forcée à couvrir (plutôt que le choix de ne pas couvrir) au moins 4 biens ou activités de base dans une liste de 9 éléments: des dépenses imprévues, une semaine de vacances hors du domicile par an, un repas avec viande, volaille ou poisson un jour sur deux, le chauffage adapté du logement, l'achat de biens de consommation durables, tels qu'un lave-linge, un téléviseur couleur, un téléphone ou une voiture, les impayés (hypothèque ou loyer, factures d'électricité/d'eau/de gaz, achats à tempérament ou autres emprunts)

 

 

Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.