Analyse du programme d’Emmanuel Macron

Election d’Emmanuel Macron à la Présidence de la République : quelques débuts d’engagements sur lesquels s’appuyer, mais encore tellement à obtenir pour la solidarité internationale !

Engagements partiels sur l’aide publique au développement, un appui timide aux énergies renouvelables, aucune proposition visant à réguler la finance, des déclarations ambigües – voire inquiétantes – sur la taxe européenne sur les transactions financières, des mesures fiscales qui avantagent les plus riches…

Malgré l’adhésion d’une majorité de citoyen-ne-s aux demandes que nous portons sur ces différents sujets, le programme sur lequel Emmanuel Macron vient d’être élu Président de la République, ainsi que les engagements qu’il a pris au cours de la campagne, sont à cet égard largement insuffisants. Nous resterons donc plus mobilisés que jamais au cours des cinq prochaines années de mandat, et dès les prochains jours, pour porter l’agenda de la solidarité internationale, de la lutte contre les inégalités et de la justice climatique auprès du nouveau Président, et plus largement de la nouvelle équipe dirigeante.

Abaisser l’imposition des entreprises et des plus riches, supprimer une partie de l’impôt de solidarité sur la fortune : la justice fiscale, pour l’instant, n’est pas au rendez-vous. Face au secteur financier, celui qui a le plus profité de la mondialisation, Emmanuel Macron enfonce le clou : il refuse de s’engager clairement à la mise en place rapide d’une taxe européenne sur les transactions financières qui pourrait financer la solidarité internationale et souhaite revenir sur les timides garde-fous instaurés depuis la crise financière. Alors que les scandales d’évasion fiscale s’enchaînent, le nouveau Président devra aller au-delà de son programme sur ce sujet : ses engagements auprès d’Oxfam et de ses partenaires sur le fait de sanctionner les paradis fiscaux et de rendre la fiscalité des multinationales plus transparente grâce au reporting pays par pays sont bienvenus et devront rapidement être traduits en actes, mais il faudra également qu’il œuvre à définir une liste objective des paradis fiscaux.

Enfin, la lutte contre les inégalités se fait également dans les pays du Sud. Notamment suite au travail d’interpellation des ONGs, Emmanuel Macron s’engage désormais à affecter 0,55% du RNB à l’aide publique au développement en 2022 mais renvoie à 2025 (au-delà du terme de son mandat) l’atteinte de l’engagement de 0,7% pris par la France et maintes fois réaffirmé. Il lie également fortement l’aide au développement aux intérêts économiques français et à la politique migratoire.

Sur la lutte contre le changement climatique, le programme d’Emmanuel Macron est ambivalent. Sortir du charbon, interdire l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste, sortir des énergies fossiles d’ici à 2050 et assurer la sécurité alimentaire vont dans le bon sens. Sur le reste, Emmanuel Macron devra revoir son niveau d’ambition pour véritablement répondre aux attentes des Français-es en matière de transition énergétique : il veut certes développer les énergies renouvelables, mais ne s’est engagé jusqu’à présent sur aucun objectif chiffré, et ne parle pas des agro-carburants, des subventions aux énergies fossiles et climaticides, ou encore la nécessité de développer l’agro-écologie paysanne. Surtout : il n’a pris aucun nouvel engagement sur l’adaptation au changement climatique, et son financement, qui correspond pourtant à un engagement fort de la COP21.

Le respect des droits humains, au Nord comme au Sud, ne semblent pas prioritaires pour Emmanuel Macron. Certes, il rappelle le devoir d’accueil et de solidarité mais à y regarder de plus près, il ne prévoit que peu de mesures concrètes. Pire, certaines vont à l’encontre de nos valeurs. Il ne propose pas de visa humanitaire, veut une politique ferme de reconduite à la frontière des personnes en situation irrégulière, souhaite externaliser la politique migratoire aux frontières de l’Europe, et conditionner l’aide au développement au respect de cette dernière. Et pour le respect des droits des femmes au niveau international : il n’en fait pas mention dans son programme.

Enfin, pour réguler l’impact des multinationales sur les droits humains, ainsi que les grandes entreprises agricoles, on repassera : Emmanuel Macron s’en remet à la bonne volonté des entreprises et ne prend aucun engagement.

Le quinquennat qui s’annonce sera riche en défis pour la solidarité internationale. Les ONGs devront rester mobilisées pour porter les valeurs qui nous animent, afin que les décisions d’Emmanuel Macron, la politique gouvernementale et les législateurs n’aggravent pas des inégalités déjà profondes, mais portent le germe d’une France juste et solidaire.

Dans le cadre de la campagne Prenons le Parti de la Solidarité, Oxfam et ses partenaires ont réalisé une analyse des programmes des candidat-e-s à l’élection présidentielle à l’aune de nos 15 propositions pour une France solidaire dans le monde.