Don’t look up : le décryptage d’Oxfam

Sorti le 5 décembre 2021, le film Netflix Don’t look up : déni cosmique ne cesse de faire parler de lui. Il pourrait même devenir le film le plus visionné de tous les temps sur la plateforme !
Deux scientifiques, incarnés par Leonardo Di Caprio et Jennyfer Lawrence, se lancent dans un combat acharné pour alerter sur la gigantesque comète qu’ils ont découverte, et qui menace d’anéantir la vie sur terre. Une lutte qui n’est pas sans rappeler le combat de milliers d’ONG et de militants pour le climat… Oxfam a visionné le film, et vous livre son analyse !

En un mois, le film Don’t look up : déni cosmique, produit par Netflix et réalisé par Adam McKay, a été visionné plus de 250 millions d’heures sur la plateforme de streaming américaine. Un succès qui peut s’expliquer par le prestigieux casting du film : Jennyfer Lawrence et Leonardo Di Caprio y interprètent les deux personnages principaux, tandis que Meryl Streep occupe également un rôle de premier plan. Timothée Chalamet, Ariana Grande, Cate Blanchett ou encore Tomer Sisley viennent compléter cet impressionnant casting.

Au-delà des moyens alloués à cette superproduction, c’est surtout le thème de ce film qui fait réagir, interrogeant notre propre rapport à des trajectoires climatiques dramatiques annoncées… à moins que l’on décide de les regarder en face !

De quoi parle Don’t look Up ?

Kate Dibiasky (Jennyfer Lawrence) est doctorante en astonomie à l’Université du Michigan, sous la responsabilité du professeur Randall Mindy (Leonardo Di Caprio). En analysant des données d’un télescope, dans le cadre de son travail de recherche, Kate découvre l’existence d’une gigantesque comète qui se dirige tout droit vers la terre. D’une largeur d’environ dix kilomètres, cette comète pourrait détruire toute vie sur terre si elle venait à s’écraser… L’impact de la comète – que l’on nomme désormais Dibiasky – est prévu 6 mois plus tard, d’après les calculs des deux scientifiques.
Débute alors une course contre la montre pour changer le cours des choses ! Les deux scientifiques sonnent l’alerte auprès des autorités compétentes et se retrouvent rapidement face à la Présidente des Etats-Unis, incarnée par Meryl Streep. Plus préoccupée par sa côte dans les sondages que par les faits relatés par les deux scientifiques, la Présidente ne les prend pas au sérieux. Les deux scientifiques décident alors de mobiliser l’opinion publique à travers les médias, qui s’avèrent également incapables d’entendre ce qu’ils ont à dire.
Lorsque la Présidente décide enfin d’agir, c’est sur les conseils de son plus gros donateur, patron d’une immense entreprise qui n’est pas sans rappeler les géants de la tech. C’est à cette entreprise privée que le gouvernement américain confie la mission de faire exploser la comète, afin de récupérer et d’exploiter les matériaux précieux qui s’y trouvent…
Capture d'écran du film Netflix déni cosmique. Les scientifiques tentent d'alerter le gouvernement américain sur l'urgence de la situation.

Une satire du déni et de l’indifférence face à des enjeux climatiques majeurs

Des gouvernements qui ne prennent pas la mesure

Comme le montre Don’t Look Up, les gouvernements ne sont pas toujours en capacité d’entendre ce que les scientifiques ont à leur dire. Un état de fait qui s’est récemment illustré avec le rôle du Conseil scientifique auprès du gouvernement, pendant la pandémie de Covid.

Le parallèle est frappant sur la question du changement climatique. Alors que les travaux du GIEC constituent un consensus scientifique incontesté mondialement, les décideurs et décideuses publiques ne prennent pas en compte cette réalité dans leurs choix politiques. En août 2021, le dernier rapport de ce consortium de scientifique pointe très précisément la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique et la nécessité de changer radicalement de modèle de société pour limiter le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs. Pourtant, quasiment aucun gouvernement ne s’est engagé dans cette piste aujourd’hui.

Et le climat n’est pas le seul sujet de déni. La suppression de l’Impôt de Solidarité sur la Fortune (ISF) a agité le quinquennat d’Emmanuel Macron, au point que celui-ci promette “une évaluation objective”, en marge du mouvement des gilets jaunes. Après 3 évaluations successives, réalisées par les services de l’État, le constat est sans appel : la suppression de l’ISF n’a pas eu d’impact sur l’investissement productif en France ni sur le retour des exilés fiscaux. Pourtant, le gouvernement s’accroche: l’ISF tuerait la prospérité et provoquerait l’exil fiscal.

Le gouvernement est pourtant de plus en plus esseulé dans cette position idéologique. Baisser les impôts des plus riches pour espérer voir la richesse ruisseler est un mythe: la Banque mondiale et le FMI en reviennent progressivement. Pour ces organisations pourtant à l’origine de la diffusion de l’idéologie du ruissellement: réduire les inégalités serait aujourd’hui plus efficace pour s’attaquer à la pauvreté, que viser la croissance des plus riches.

Lire la Tribune de Cécile Duflot et Lucas Chancel parue dans Le Monde le 22 janvier 2022 : « Les candidats à la présidentielle doivent sortir du déni des inégalités ».

Des médias grand public peu enclins à traiter les sujets climatiques ?

Dans le film, les scientifiques sont sidérés par le fait que leur sujet, qui devrait faire la Une de tous les médias de par sa gravité, soit éclipsé par les histoires de cœur d’une chanteuse populaire.

 

La réalité est très proche, comme l’explique Valérie Masson-Delmotte co-présidente du GIEC : en août 2021, le groupement de scientifiques sur le climat publie son rapport le plus crucial depuis les six dernières années, une véritable bombe qui aurait dû occuper tout l’espace médiatique et politique tant ses conclusions sont effarantes pour l’avenir de l’humanité. Le même jour, les médias sont saturés par l’arrivée de Lionel Messi au PSG, qui occupera le Une de tous les journaux et chaînes d’info en continue. Une info “divertissante” et beaucoup moins anxiogène que le rapport du GIEC.

Par ailleurs, les médias grand public abordent généralement la question de la préservation de notre planète sous l’angle des éco-gestes qui permettraient de préserver l’environnement en réduisant notre empreinte carbone personnelle. Si le fait d’adopter une consommation responsable va évidemment dans le bon sens, il faut garder à l’esprit que ce sont les grandes banques et les grandes entreprises qui ont aujourd’hui l’empreinte carbone la plus importante. Bien plus sympathiques auprès du grand public, ce sont pourtant les éco-gestes qui continuent d’être présentés régulièrement comme la solution au réchauffement climatique.

L’influence de l’économie dans les choix politiques

Le film met en scène la place des intérêts privés au cœur des décisions publiques, notamment à travers son personnage de Peter Isherwell, PDG d’une grande entreprise de téléphonie qui utilisera son influence direct sur la présidente pour défendre ses intérêts économiques, quitte à mettre en danger la survie de la planète.

 

Sur ce point, la réalité dépasse malheureusement la fiction. Les entreprises polluantes dépensent des millions chaque année en lobbying afin d’obtenir des réglementations moins protectrices pour les personnes et l’environnement et en greenwashing pour tromper les consommateurs.
A titre d’exemple, les cinq géants du pétrole  BP, Chevron, ExxonMobil, Shell et Total – ont dépensé 250 millions d’euro en lobbying pour affaiblir les lois climat au niveau européen.

En octobre 2021, un article de la revue Global Environmental Change révélait que Total était au courant des conséquences néfastes de ses activités extractives sur la planète depuis 1971, mais que l’entreprise a tout fait pour cacher ces vérités afin de continuer à s’enrichir.
Lors de la récente COP26, 503 lobbyistes du charbon, du pétrole et du gaz ont été accrédités. Un nombre plus élevé que la plus fournie de toutes les délégations de pays.

Tous ces exemples prouvent les liens de dépendances entre les intérêts privés et les pouvoirs publics, qui bloquent aujourd’hui toute prise de décision vraiment ambitieuse sur le climat.

Les limites de ce que montre Don’t look up

Une réalité plus nuancée

Contrairement au film où une comète va détruire toute l’humanité d’un seul coup, le réchauffement climatique est une menace plus lente et insidieuse. Alors que les conséquences se font ressentir partout dans le monde, les réponses ne sont pas aussi binaires que dans le film. Il n’y a pas un choix unique à faire qui permettra d’arrêter ou non le réchauffement climatique, mais de nombreuses décisions à prendre, actions à mener et chemins possibles. L’enjeu est, d’une part, de ralentir le rythme du changement climatique, en baissant nos émissions de gaz à effet de serre. Pour cela il faut décarboner nos systèmes économiques et sociaux. D’autre part, nous devons atténuer les effets du changement climatique qui sont déjà là et qui touchent plus durement les personnes les plus vulnérables.

Le rôle des ONG dans ce rapport de force

Dans ce rapport de force pour tenter de faire émerger les sujets importants, les ONG jouent un rôle essentiel, assez peu mis en avant dans le film Netflix Don’t Look Up, en menant des études, en alertant les décideurs, mais aussi l’opinion sur ce qui se joue.

 

L’Affaire du Siècle est un parfait exemple de cette mobilisation. Lassées par du travail de plaidoyer qui ne porte pas les fruits espérés, par les mises en garde des scientifiques qui ne sont pas entendues, par les mobilisations citoyennes qui ne rencontrent aucun écho politique, par certains acteurs publics et privés qui continuent d’agir dans le mépris du réchauffement global des températures et des conséquences induites sur les humains et l’environnement, par des évènements climatiques extrêmes qui fragilisent de plus en plus les organisation humaines et sociales, 4 ONG ont décidé d’agir au nom de l’intérêt général et de lancer, en 2018, l’Affaire du Siècle, pour plus de justice sociale et climatique. Il s’agit d’un recours en carence devant le juge administratif français, pour démontrer que nos gouvernements successifs ont pris des engagements qu’ils n’ont pas tenu en matière de lutte contre les changements climatiques, ne vont pas suffisamment loin dans leurs ambitions, et de ce fait mettent en péril les droits fondamentaux des citoyen.ne.s.

Et cela fonctionne ! En février 2021, la décision du tribunal administratif va dans le sens des 4 ONG requérantes. La « carence fautive » de l’État – sa responsabilité – est reconnue, car ne respectant pas les engagements qu’il a pris en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour la première fois, un « préjudice écologique » est établi, résultant du non-respect des engagements climatiques pris.

En octobre 2021, la France est condamnée à réparer les conséquences de son inaction climatique. Chaque sortie de route sur la trajectoire climatique constitue à présent une faute qui doit légalement  être réparée. L’engagement des ONG et des 2,3 millions de citoyens qui ont signé la pétition de l’Affaire du Siècle a donc payé. L’État a jusqu’au 31 décembre 2022 pour réparer ce préjudice écologique.

Agir collectivement pour garder le cap de son engagement

Dans Don’t look up, les deux personnages principaux, qui poursuivent le même but, se retrouvent à gérer la pression de deux façons extrêmement différentes. Le scientifique incarné par Leonardo Di Caprio se retrouve pris dans un tourbillon médiatique, qui le détourne au fur et à mesure de son engagement initial. La doctorante Jennyfer Lawrence est quant à elle tellement affectée par la cause, qu’elle ne parvient pas à contenir ses émotions sur les plateaux télé, dont elle se retrouve bannie.

 

Don’t look up aborde en fond un des sujets majeurs de l’engagement : comment conserver au fil du temps un engagement fort et fondé, sans pour autant se retrouver trop affecté par la cause défendue.

Chez Oxfam, nous sommes persuadé-e-s que face au défi de l’urgence climatique et à l’inaction des dirigeant.e.s mondiaux, l’union fait l’action. Ces dernières années, les mouvements citoyens pour le climat, manifestations et grèves des jeunes, ont prouvé que le collectif permet d’avoir un impact et de se faire entendre des gouvernements. Plus encore, faire front ensemble permet de partager les idées qui donneront corps aux grandes mobilisations de demain, de nourrir les débats qui alimenteront les solutions pour bâtir un monde plus durable et d’être uni.e.s et fort.e.s. Ensemble, on garde le cap de son engagement. Dans la lutte contre les changements climatiques, militer collectivement est la clé pour un engagement positif !

Don’t Look Up, une illustration des défis que nous rencontrons

Pour faire bouger les lignes, Oxfam mène une action de terrain au niveau international. En France, nous produisons des rapports et des analyses que nous portons auprès des décideurs politiques, pour faire bouger les lignes.
Se confronter au déni de nos responsables politiques fait malheureusement partie des situations que nous rencontrons parfois. Dans cette partie, nous vous proposons un petit décryptage de la situation, sur certains de nos thèmes phares.

Le réchauffement climatique

En modifiant les équilibres naturels (températures, cycle de l’eau, courants marins et aériens…), le dérèglement climatique est responsable de perturbations importantes. Parmi les conséquences les plus immédiates : l’augmentation de la fréquence, de la durée et de l’intensité des événements météorologiques extrêmes (inondations, tempêtes, cyclones, sécheresses et feux de forêts, épisodes caniculaires…)

D’autres phénomènes à évolution plus lente sont aussi perceptibles : la fonte des glaces et l’élévation du niveau des mers, l’érosion progressive des côtes, la désertification, la raréfaction des ressources, le bouleversement des écosystèmes et la disparition de certaines espèces. Ces impacts peuvent être très différents d’une région à l’autre, mais ils concernent toute la planète et s’intensifieront au cours des prochaines décennies.

Si les émissions de gaz à effet de serre continuent d’évoluer au rythme actuel, la hausse de la température moyenne de la terre pourrait atteindre 5°C d’ici 2100 (voire 7°C dans les scénarios les plus pessimistes), avec des conséquences dramatiques sur les écosystèmes et une intensification des événements climatiques extrêmes. Selon les experts du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)*, il est nécessaire de limiter cette augmentation à 1,5°C, seuil au-delà duquel le risque d’assister à des changements climatiques catastrophiques sera beaucoup plus élevé.

Oxfam demande aux gouvernements de respecter les engagements environnementaux et notamment l’Accord de Paris, qui prévoit de baisser drastiquement les émissions de gaz à effet de serre afin de limiter à 1,5°C le réchauffement climatique. Instaurer une éco-responsabilité des grandes entreprises est également indispensable pour les obliger à réduire leur impact négatif sur l’environnement. Les pouvoirs publics français doivent mettre un terme aux subventions publiques qui alimentent la crise climatique. Enfin, les États doivent respecter leur engagement à financer les conséquences du réchauffement climatique des pays les moins responsables mais les plus durement touchés, notamment en finançant l’adaptation de leurs systèmes économiques et sociaux.

Actuellement, aucune de ces demandes n’est entendue et les gouvernement s’obstinent dans une fuite en avant aveugle qui met en danger l’humanité.

Justice fiscale et taxation des plus riches

Jamais les milliardaires ne se sont autant enrichis en aussi peu de temps. Cet enrichissement n’est pas le fruit de la main invisible du marché, ni de choix stratégiques brillants des milliardaires, mais bien le résultat de l’intervention publique. Pour les plus précaires, la réponse à la crise a été insuffisante: 7 millions de personnes ont désormais besoin d’aide alimentaire, 1 français sur 10. Plutôt que de faire payer la facture de la crise aux plus précaires (en baissant les allocations chômages) ou aux classes moyennes (prolongement de la CRDS), Oxfam appelle le gouvernement à faire contribuer les plus riches à travers une taxation exceptionnelle des profits de crises des milliardaires et l’instauration d’une imposition rénovée sur les grandes fortunes.

Le gouvernement nie l’augmentation des inégalités en mettant en avant un niveau d’inégalité stable entre les 10% les plus riches et les 10% les plus pauvres. Mais si les inégalités augmentent, c’est avant tout entre les 1% les plus riches et le reste de la population. L’ensemble des analyses indépendantes (IPP, OFCE) montrent la responsabilité du gouvernement qui par ses réformes fiscales (ISF, flat tax) a largement augmenté le revenu et les richesses des 1% les plus riches. La réponse à la crise a encore plus exacerbé ces tendances.

Pourtant, le gouvernement s’entête dans une approche idéologique: baisser les impôts des plus riches pour espérer qu’ils investissent et relance la croissance. Cette stratégie du ruissellement est pourtant largement contestée par les experts.

Les migrations

Les flux migratoires ne sont pas un phénomène nouveau. En France, les données à notre disposition sont abondantes et riches : nombre d’immigrants, demandes d’asiles par an, apport économique… Pourtant, le traitement médiatique et politique s’éloigne souvent des réalités en les exagérant ou déformant , ou tout simplement en les mettant de côté, ce qui favorise des narratifs anxiogènes, et l’augmentation de préjugés au sein de nos sociétés.

Oxfam porte soutien aux personnes en situation de vulnérabilité, quel que soit leur statut, y compris les personnes déplacées par les conflits ou les changements climatiques. Ceci nous pousse à plaider pour que les responsables politiques en France et partout dans le monde respectent les droits de tous les exilés, même si ce n’est pas toujours facile.

Face à la croissance des discours anxiogènes et narratifs trompeurs, les responsables politiques tendent à s’aligner et renforcent les politiques régressives et contraires à l‘accueil. Une réponse pourtant difficile de soutenir avec des faits. Les rapports sur le sujet ne sont très souvent pas en accord, mais bien au contraire. Par exemple la migration et en générale fortement positive pour l’économie des pays, et pas du tout une surcharge, ou encore au développement des pays plus pauvres ne se suit pas une diminution de la migration internationale mais une augmentation, parce que pour migrer des ressources sont nécessaires.

Ceci rend compliqué le travail de plaidoyer traditionnel et nous invite plutôt à aller contrebalancer l’information trompeuse avec un narratif réaliste.

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