Accaparement des terres : un scandale croissant

Imaginez-vous qu’un matin, à votre réveil, on vous annonce que vous allez être expulsé-e de votre domicile. On vous dit que vous n’avez plus le droit d’habiter sur la terre que vous occupez depuis des années. Et si vous refusez de partir, des hommes de main vous délogent par la force.

Heureusement, la plupart d’entre nous n’aurons jamais à faire face à une telle situation. Cependant, pour de nombreuses communautés de pays en développement, cette pratique scandaleuse gagne du terrain. C’est ce que l’on appelle « l’accaparement des terres » : des transactions foncières, conclues le plus souvent dans l’ombre, aboutissent à l’expulsion d’agriculteurs et agricultrices de leurs maisons et privent soudainement des familles de nourriture.

“L’économie mondiale, qui devrait tripler de volume d’ici à 2050, exigera des ressources naturelles et agricoles toujours plus rares”
Le fait que des grandes sociétés investissent dans les terres agricoles des pays pauvres pour les utiliser à des fins commerciales n’est pas un problème en soi. En revanche, quand des familles sont expulsées de leurs terres ou que la production alimentaire vivrière décline en conséquence, il y a bien un problème de taille. Depuis la hausse générale des prix de l’alimentation en 2008, les cas d’accaparement de terres ne cessent de se multiplier. La demande de terres a fortement augmenté alors que les investisseurs cherchent de nouveaux endroits où cultiver des produits agricoles destinés à l’exportation, produire des agrocarburants ou simplement spéculer. Mais dans de nombreux cas, ces terres présentées comme « inutilisées », « dégradées » ou « sous-exploitées » au moment de leur acquisition sont en réalité utilisées par des familles pauvres qui y cultivent les produits dont elles se nourrissent. Des familles sont souvent expulsées de leurs terres. Dans de nombreux cas, les promesses de dédommagement sont au mieux profondément inéquitables, au pire jamais honorées, voire inexistantes. Même après la signature d’un contrat, rien ne garantit que la transaction se déroulera dans le respect des dispositions de ce dernier.

 

 

Dans le cadre de la campagne CULTIVON, qui vise à changer le système alimentaire mondial, Oxfam publie le rapport « Terres et pouvoirs » qui affirme que depuis 2001, 227 millions d’hectares ont été vendus, loués ou concédés dans le cadre de transactions foncières à grande échelle et, dans la majorité des cas, par des investisseurs internationaux. _ Malgré le manque de transparence entourant ces transactions foncières, des recoupements ont, à ce jour, permis d’établir que 1 100 transactions portent sur un total de 67 millions d’hectares, dont la moitié en Afrique, pour une superficie quasi équivalente à celle de l’Allemagne. Une partie non négligeable de ces transactions sont en fait des accaparements de terres qui bafouent les droits et besoins des populations locales concernées. Sans consultation préalable, dédommagement ni voie de recours, ces dernières se voient ainsi privées de logement et de terre où cultiver de quoi se nourrir et gagner leur vie.

En Ouganda, plus de 20 000 personnes ont été expulsées sans indemnisation ni terres où se réinstaller

La New Forests Company (NFC), une société basée à Londres, se veut un projet exemplaire, à même de démontrer qu’il est possible, pour une entreprise jeune et moderne, de réaliser des investissements fonciers d’envergure en Afrique de manière responsable. Pourtant, d’après les enquêtes menées par Oxfam, de graves allégations formulées par des personnes qui ont été expulsées de leurs terres pour laisser le champ libre aux opérations de NFC n’ont toujours pas été résolues. Que répond à cela l’entreprise ?

Aller plus loin

– Découvrir [« Privés de terre, privés d’avenir »->/Campagne-Prives-de-terre-prives-d,1051], notre précédente campagne sur les menaces qui pèsent sur l’agriculture paysanne, dont font partie les accaparements de terres. – Lire également nos [Questions/réponses sur l’accaparement de terre->Questions-Reponses,979] (2010) – Oxfam France travaille depuis sa création sur [les questions agricoles->-Commerce-et-agriculture-] et porte ces sujets notamment lors des G20 : voir les [7 solutions pour le G20 mettent à la faim->7-solutions-pour-que-le-G20-mette,1181] proposées par la coalition FeedinG20, dont Oxfam France fait partie.