Dans sa lutte contre les accaparements de terre, la société civile vient de remporter une première victoire ce vendredi 11 mai. Comme bien souvent, lorsque l’on mène un travail de plaidoyer, il s’agit d’une avancée technique, qui ne fera pas la une des médias et passera inaperçue du grand public : le Comité pour la sécurité alimentaire vient de ratifier les « Directives Volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale« .
Traduction en langage plus accessible au commun des mortels par Clara Jamart, responsable de plaidoyer sécurité alimentaire au sein d’Oxfam France.
Les directives volontaires c’est quoi ?
Derrière le nom un peu barbare de « Directives Volontaires pour une gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire nationale« , se cache en réalité un texte aux objectifs assez simples : définir des principes et des normes pour favoriser des pratiques responsables en matière de gouvernance foncière. En d’autres termes, elles ont pour objectif d’aider les différents acteurs, publics ou privés, à mettre en place des politiques, des stratégies ou des activités qui permettent d’améliorer la gestion des terres, en particulier agricoles, dans le but de lutter contre l’insécurité alimentaire, la malnutrition, et la dégradation de l’environnement. Concrètement, pour les acteurs de la société civile, ce texte pourra être un outil pertinent pour lutter contre les phénomènes d’accaparement des terres qui privent les agriculteurs les plus vulnérables des droits sur leurs terres et leurs ressources naturelles.
En quoi est-ce une victoire ?
Après trois rounds de négociations, les Directives Volontaires ont finalement fait l’objet d’un accord intergouvernemental le 9 mars, avant d’être ratifiées le 11 mai 2012. C’est une avancée pour deux principales raisons : D’abord le texte en lui-même : les Directives Volontaires vont établir une norme, une référence qui permettra d’évaluer les différents projets, publics ou privés, qui ont un impact sur la gouvernance foncière. Parmi les critères inclus dans le texte : la reconnaissance et la protection des droits fonciers coutumiers, la protection des populations rurales les plus vulnérables (femmes agricultrices, pasteurs transhumants, peuples autochtones, paysans sans terre, etc) et le fait de ne pas criminaliser les luttes pour la défense de ces droits. C’est la raison pour laquelle Oxfam s’est mobilisée en faveur de son adoption. Désormais les investissements sur des terres agricoles pourront être jugés à l’aune de ces critères. Enfin, sur la forme, l’adoption de ce texte a permis de renforcer la crédibilité du Comité pour la Sécurité Alimentaire (CSA), seul organe des Nations unies à traiter de façon légitime des enjeux de sécurité alimentaire, et impliquant pleinement la société civile mondiale dans les débats et les négociations. Les Directives Volontaires de la FAO jouissent donc d’une légitimité incomparable par rapport à d’autres textes travaillés de manière totalement anti-démocratiques, comme par exemple les Principes pour des Investissements Agricoles Responsables élaborés par la Banque Mondiale et ses partenaires.
Et maintenant ?
Comme leur nom l’indique, les Directives Volontaires constituent une série de mesures non obligatoires. Elles n’ont pas valeur de loi. Avancer par étapes vers des mesures contraignantes et justiciables qui permettraient de sanctionner les acteurs publics ou privés qui ne respecteraient pas les droits fonciers reconnus par la communauté internationale constituerait donc une étape supplémentaire. _ En outre, certaines ressources naturelles, comme l’eau, ont été supprimées des négociations sur les directives volontaires. Sécuriser l’accès à l’eau est un élément fondamental pour lutter contre l’insécurité alimentaire et renforcer les populations paysannes du Sud. Il est donc nécessaire d’engager un processus similaire sur la gouvernance de l’eau. Dans l’immédiat, Oxfam, en collaboration avec le Mécanisme de Société Civile du CSA, presse les Etats, les Organisations Internationales et les bailleurs de fond de mettre en uvre les principes et les normes établis par les directives volontaires. Et au Sud, la société civile devra s’assurer que les communautés touchées par des cas d’accaparement de terres soient préparées à utiliser ces normes et ces principes comme un outil puissant pour faire valoir leurs droits et renforcer leurs luttes.
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