Coronavirus : la menace de la faim plane dans le monde entier

La pandémie de Covid-19 est venue semer la faim partout dans le monde. Avant la fin de l’année, entre 6 100 et 12 200 personnes pourraient mourir de faim chaque jour en raison des impacts économiques et sociaux de la pandémie.

Alors que la situation dans les pays les plus fragiles s’aggrave, de nouveaux foyers de famine comme l’Inde, l’Afrique du Sud ou le Brésil émergent. Même les pays les plus riches au monde ne sont pas à l’abri. Les gouvernements doivent mettre en place des mesures concrètes dès aujourd’hui pour endiguer cette crise alimentaire grandissante.

Des populations de plus en plus vulnérables face à la crise alimentaire

Alors que la faim touche déjà des millions de personnes chaque année, le coronavirus agit comme amplificateur. Des millions d’autres sont désormais menacées en raison de la flambée du chômage et de la crise économique découlant de la pandémie. Le rapport d’Oxfam, “Le virus de la faim”, révèle ainsi que 121 millions de personnes supplémentaires pourraient être exposées à la famine en 2020.

Le chômage de masse, impact majeur de la crise économique

Pendant plusieurs semaines, c’est toute l’économie mondiale qui a été ralentie, entraînant de nombreuses pertes d’emplois au cours des premiers mois de l’année 2020. Selon l’Organisation internationale du Travail, la pandémie a détruit l’équivalent de 305 millions d’emplois à plein temps, touchant particulièrement les femmes et les jeunes. Sans revenus, des millions de personnes n’ont aujourd’hui plus les moyens d’acheter de la nourriture en quantité suffisante.

Cette observation est d’autant plus vraie pour les personnes travaillant dans l’économie informelle qui, sans sécurité de l’emploi et sans aide sociale, ont été durement frappées par la pandémie et ses répercussions économiques. On estime que cette part représente 61% de la population active, dont 40% sont des femmes mais également de nombreux jeunes.

Les productrices et producteurs alimentaires au bord du gouffre

Dans les pays en développement, les petites exploitations agricoles constituent le pilier des systèmes alimentaires locaux. Ces exploitations sont très souvent gérées par des femmes et jouent un rôle essentiel dans la production alimentaire et dans la création d’emplois.

Mais, la pandémie de coronavirus a entraîné de nombreuses restrictions de déplacements. Beaucoup d’agricultrices et agriculteurs se sont alors retrouvés dans une impasse, ne pouvant ni semer ou récolter, ni accéder aux marchés pour vendre leur production ou acheter des semences et des outils. Ailleurs, les communautés pastorales ont été dans l’incapacité de déplacer leur troupeau vers les sources de nourriture et d’eau.

Si le confinement est assoupli dans certaines régions du monde, la situation reste délicate pour de nombreux producteurs. Certains ont hypothéqué leurs terres pour obtenir des prêts tandis que d’autres doivent faire face à l’accaparement des terres.


La situation s’aggrave dans de nombreux pays tandis que de nouveaux foyers apparaissent

La pandémie de Covid-19 n’a épargné aucun pays. Dans les pays déjà en proie aux conflits et aux crises, le virus a exacerbé toutes les menaces et aggravé une situation de faim déjà alarmante. On estime qu’en 2019, 690 millions de personnes n’avaient toujours pas suffisamment à manger, et que 3 milliards de personnes n’avaient pas les moyens d’acheter de la nourriture de qualité.

Au Yémen, la crise alimentaire fait des ravages

Après plus de 5 ans de conflit, le Yémen est le théâtre de la pire crise humanitaire au monde. Les deux tiers de la population, soit 20 millions de personnes, souffrent de la faim et la survie de près de 1,5 millions de familles dépend actuellement de l’aide alimentaire.

Dans le pays, l’impact de la pandémie sur la sécurité alimentaire est évident. Les transferts d’argent provenant de l’extérieur, qui représentaient jusqu’à 13% du PIB, ont chuté au cours des derniers mois. En parallèle, les prix des denrées alimentaires ont explosé en raison de la fermeture des frontières et des routes de ravitaillement, dans ce pays où 90% de la nourriture est importé.

Une mère célibataire de quatre enfants, propriétaire d’un salon de coiffure à Sana’a, témoigne :

« Je n’ai pour ainsi dire vu aucun-e client-e dans mon salon ces derniers mois. J’ai toutes les peines du monde à régler mes frais et les deux derniers mois de loyers, et j’achète de la nourriture à crédit. Je ne sais pas quoi faire. Même les personnes qui m’aidaient financièrement ont arrêté depuis que des cas de coronavirus ont été signalés à Sana’a. »

Face à cette crise mondiale, de nouveaux foyers de faim émergent

Le rapport d’Oxfam fait la lumière sur les nouveaux foyers émergents dans des pays à revenu intermédiaire, dans lesquels des millions de personnes déjà fragilisées ont basculé dans la faim à cause des conséquences économiques du COVID-19.

Au Brésil par exemple, des millions de travailleur-ses pauvres ont perdu leurs revenus à cause du confinement. Seulement 10% de l’aide financière déployée par le gouvernement avait été versée fin juin, privilégiant les grandes entreprises, pourtant mieux armées pour surmonter cette crise.

En Inde, les restrictions strictes imposées sur les déplacements ont privé les exploitant-e-s agricoles de main d’œuvre, contraignant un grand nombreux d’entre eux à laisser leurs cultures pourrir dans les champs. Après 5 semaines de confinement, une étude menée auprès de 5 000 ménages ruraux a révélé que la moitié d’entre eux avaient dû réduire le nombre de repas consommés et que près d’un quart des ménages étaient désormais contraints de quémander de la nourriture auprès d’autres personnes.

En France aussi, les plus vulnérables touchés par la faim

Les pays les plus riches ne sont eux non plus pas à l’abri de la crise alimentaire. La faim est aujourd’hui en France une réalité exacerbée par la pandémie. Selon le gouvernement, 8 millions de personnes auront besoin d’ici fin 2020 d’une aide alimentaire, soit 2,5 millions de personnes supplémentaires.

69% des bénéficiaires de cette aide alimentaire sont des femmes.

Les gouvernements doivent intervenir vite pour endiguer le virus de la faim

Alors que les gouvernements interviennent depuis plusieurs mois pour lutter contre la propagation du virus, des mesures urgentes doivent également être actées pour stopper la crise alimentaire grandissante et pour construire des systèmes alimentaires plus résilients et plus durables.

Les gouvernements doivent à court terme :

  • Contribuer au fond humanitaire des Nations Unies
  • Annuler les dettes des pays en développement
  • Mettre en application l’appel au cessez-le-feu des Nations Unies.

De manière durable, les pistes suivantes doivent également être menées :

  • Opérer une transition vers des systèmes alimentaires plus justes, résilients et durables via le soutien à des approches agroécologiques
  • Soutenir le mandat du Comité pour la Sécurité Alimentaire pour une réponse politique coordonnée à la crise
  • Prendre des mesures ambitieuses contre les dérèglements climatiques.