L’action d’Oxfam France et la mobilisation citoyenne décisives sur la réforme bancaire et la spéculation sur les matières premières agricoles

Dans le projet initial de réforme bancaire proposé par Pierre Moscovici en conseil des ministres le 19 décembre 2012, la question de la spéculation sur les marchés agricoles et alimentaires était on ne peut plus faiblement portée.

Le ministre de l'Economie et des Finances a officiellement reconnu le danger des ces activités "toxiques", et "sans lien avec l'économie réelle, mais ne proposait d'interdire la spéculation sur les marchés dérivés de matières premières agricoles que si elle était menée avec les fonds propres des banques. Cette proposition ne correspondait en fait à aucune réalité concrète : la quasi-totalité des activités spéculatives sur ces marchés sont menées par les banques pour le compte de leurs clients.

Le manque de volonté politique du gouvernement a été mis en cause par la société civile et les parlementaires de la majorité gouvernementale. Face à la pression des députés, et suite à un intense travail de campagne d'Oxfam France et de ses alliés, Pierre Moscovici a fini par s'engager devant l'Assemblée nationale, le 13 février dernier, à "combattre la spéculation purement financière sur les marchés de dérivés de matières premières agricoles", et à proposer des amendements pour renforcer le texte de loi sur cet enjeu majeur de la sécurité alimentaire mondiale.

Lors des débats au Sénat du 21 mars, le projet gouvernemental a donc été considérablement renforcé. Le vote des sénateurs a entériné les amendements suivants :

  • A partir du 1er juillet 2015, les banques devront se soumettre à des limites de position fixées par l'Autorité des Marchés Financiers (AMF). En d'autres termes, les acteurs financiers se verront imposer un plafond sur le nombre de contrats pouvant être passés sur une matière première donnée dans un temps donné. Les limites de position sont déjà utilisées pour réguler les marchés dérivés dans la plupart des grands pays du monde (Etats-Unis, Japon, Chine, Australie, Afrique du Sud, etc), et Oxfam défend la leur mise en place au niveau européen, dans le cadre des négociations sur la réforme de la directive sur les marchés d'instruments financiers (MIFID). Cette décision d'inscrire le principe des limites de position dans la loi française renforce donc la position de négociation de la France au niveau européen, face à ses partenaires qui, comme le Royaume-Uni, se sont toujours montrés réticents à la régulation des marchés agricoles et alimentaires.
  • Dès la fin du processus législatif et l'adoption du texte sur la réforme bancaire en France, tout acteur détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole devra communiquer quotidiennement le détail de ses positions à l'AMF. Cette mesure est essentielle, puisqu'elle renforce le contrôle que pourra exercer le législateur sur les activités spéculatives qui mettent en péril le respect du droit à l'alimentation de centaines de millions de personnes.
  • Sur la base de ces informations, l'AMF publiera un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées détenues par les différentes catégories de personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole. Ceci constitue une avancée majeure vers plus de transparence sur les marchés sensibles que sont les marchés dérivés de matières premières agricoles.

A l'Assemblée nationale comme au Sénat, des parlementaires de la majorité ont également porté des amendements plus ambitieux, proposant notamment d'interdire l'utilisation de fonds indexés sur les cours des matières premières agricoles. Cette mesure constitue une demande forte d'Oxfam France, mais elle a systématiquement été rejetée par le gouvernement. Il n'est pas encore trop tard. Le texte sera discuté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale dans les semaines qui viennent, et de nouveaux amendements pourront être déposés par les députés. Les parlementaires et la société civile doivent continuer à exercer une pression forte sur le gouvernement, afin de mettre définitivement un terme à ce type d'outils financiers qui enrichissent les spéculateurs et affament les populations les plus vulnérables.