L’Europe et les agrocarburants : un combat sur la durée

Les politiques européennes de soutien aux agrocarburants sont un facteur clé dans la production d’agrocarburants. Des agrocarburants qui prennent la place de cultures alimentaires, et ce alors qu’une personne sur huit dans le monde souffre de la faim. Les agrocarburants sont aussi responsables de nombreux accaparements de terre dans les pays en développement.

Aujourd’hui, que dit l’Union européenne sur les agrocarburants ?

En 2009, l’Union européenne a fixé un objectif contraignant à l’ensemble de ses Etats membres : dans le secteur des transports, 10% de l’énergie consommée devra provenir de sources renouvelables d’ici à 2020. Dans les faits, cela se traduit essentiellement par l’incorporation d’agrocarburants dans les carburants traditionnels. Problème, ces agrocarburants constituent une menace majeure pour l’environnement et la sécurité alimentaire mondiale.

Qu’est-ce qui se négocie en ce moment ?

Fin 2012, la Commission européenne a proposé de réformer la législation en vigueur. Notamment, elle a proposé :

  • de mettre en place un plafond limitant à 5% l’incorporation d’agrocarburants de première génération dans les carburants traditionnels. Pour atteindre l’objectif de 10% d’énergies renouvelables dans les transports, les Etats membres devraient donc promouvoir l’utilisation d’agrocarburants dits « avancés », produits à partir de résidus agricoles ou sylvicoles, de matières non alimentaires comme les algues, ou de déchets industriels et municipaux. Il faut noter que ces agrocarburants avancés n’existent pas pour l’instant à une échelle industrielle, et que certains d’entre eux peuvent aussi constituer un danger pour la sécurité alimentaire mondiale.
  • De prendre en compte l’intégralité des émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’agrocarburants, et en particulier les émissions liées au changement d’affectation des sols indirects (voir notre Q&A pour plus de détails). Un geste symbolique, puisque les Etats se contenteraient de se livrer à un simple exercice annuel de bilan : cette prise en compte ne leur interdirait pas de produire et de subventionner les agrocarburants les plus polluants.

Quand est-ce que cette réforme entrera en vigueur ?

En fait, c’est un peu plus compliqué que ça : la proposition de la Commission européenne ne sera pas adoptée telle quelle. Les trois grandes institutions européennes – Commission, Parlement et Conseil – doivent se positionner sur le sujet, puis débattre entre elles jusqu’à arriver à un texte de compromis. C’est ce qu’on appelle le « trialogue ». Le Parlement européen a fait connaitre son avis, en votant le 11 septembre pour un plafond d’incorporation de 6% d’agrocarburants dans les carburants traditionnels, et en définissant un nouvel objectif spécifique et contraignant pour l’éthanol, de 7,5% d’incorporation dans l’essence. Un véritable aveu d’échec du politique face au lobby industriel, qui va continuer à bénéficier d’une manne financière indécente : plus de 6 milliards d’euros chaque année subventionnent la production d’agrocarburants, qui détruisent l’environnement, engendrent une déforestation catastrophique, et privent de leur droit à l’alimentation des centaines de millions de personnes dans le monde. Le Conseil européen est donc le dernier à pouvoir résister et doit prendre clairement position pour le droit à l’alimentation et la lutte efficace contre le changement climatique. Il devrait donner son avis sur la réforme d’ici à la fin de l’année 2013. Un compromis entre ces trois positions sera probablement adopté avant l’été 2014.

Que fait Oxfam pour influencer cette réforme ?

Dans tous les pays européens où Oxfam est présente, ainsi qu’à Bruxelles auprès des institutions européennes, Oxfam mène des actions de plaidoyer et de mobilisation pour influencer cette réforme. Concrètement, nous demandons que l’Union européenne :

  • Mette en place un plafond ambitieux pour les agrocarburants qui entrent en concurrence avec la production alimentaire, notamment pour l’accès à la terre et à l’eau. Ce plafond doit absolument être fixé à 5% (taux actuel d’incorporation en Europe) ou en deçà, et constituer un premier pas vers l’abandon complet des objectifs contraignants d’incorporation.
  • Impose aux Etats de prendre en compte l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’agrocarburants. Les agrocarburants les plus polluants ne pourraient plus être comptabilisés dans les calculs pour atteindre les objectifs en matière d’énergies renouvelables, et ne pourraient plus être subventionnés.
  • Promeuve des alternatives véritablement écologiques. Le secteur des transports doit être réorganisé en profondeur : rationalisation des besoins en déplacement, développement de l’offre des transports en commun, développement du transport de marchandises par rail, amélioration de l’efficacité énergétique, etc. Parallèlement, il est nécessaire privilégier les énergies les moins polluantes comme l’électricité d’origine renouvelable, allant de pair avec une plus grande électrification du parc. Enfin, les incitations à la production d’agrocarburants avancés ne doivent s’appliquer qu’à ceux qui sont véritablement durables, c’est-à-dire ceux qui permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre du secteur, et n’ont aucun impact négatif sur la sécurité alimentaire.

De nombreuses ONG, dont Oxfam mènent une campagne européenne pour influencer la décision européenne : www.stopbadbiofuels.org