Main basse sur la terre

Le journaliste italien Stefano Liberti a enquêté de l'Ethiopie au Brésil, du Middle West américain à la Bourse de Chicago, en passant par l'Arabie saoudite, la Tanzanie et la Suisse sur le phénomène des accaparements de terre. Son livre Main basse sur la terre, paru le 21 mars et préfacé par Luc Lamprière, directeur général d'Oxfam France, nous emmène sur les chemins de cette investigation. En trois questions, il nous en dit plus sur ce qu'il a découvert de cette ruée vers les terres et ses acteurs.

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'écrire ce livre-enquête sur les accaparements de terre ?

J'ai commencé à m'intéresser à ce phénomène lors de la crise alimentaire de 2008, quand les prix des produits de base ont flambé. A l'époque, je tournais un documentaire pour la télévision italienne. Je suis allé enquêter sur le terrain au Brésil et à la bourse de Chicago, là où est établie la valeur des produits alimentaires de base. Des experts m'ont alors expliqué que le business du futur c'était les marchés alimentaires et que des milliards de dollars de capital spéculatif étaient en train de se déplacer vers les produits alimentaires et l'acquisition de terres dans les pays du Sud. Ça m'a intrigué et j'ai continué mon enquête sur le terrain, enquête qui m'a mené sur quatre continents et m'a fait rencontrer des dizaines de personnes : paysans déplacés, fonctionnaires locaux, investisseurs, fonctionnaires internationaux, etc. Après trois ans d'enquête, j'ai écrit ce livre.

Qu'est-ce qui vous a plus choqué au cours de votre enquête ?

L'inaction des gouvernements concernés, qui donnent la terre pour des loyers symboliques aux investisseurs étrangers. L'idée qui sous-tend ces décisions est que seuls les investisseurs étrangers peuvent apporter le développement à leur pays. En réalité, en ce qui concerne les situations que j'ai vues, tous les investissements ont l'objectif de produire pour l'exportation et ne s'insèrent nullement dans un système de développement intégré d'infrastructure et de commercialisation dans les pays concernés. Il s'agit en fait d'enclaves extraterritoriales.

Après avoir été témoin de l'ampleur et des conséquences dramatiques de ce phénomène, n'est-ce pas décourageant ?

Le travail du journaliste se confronte toujours avec des réalités un peu dramatiques. Dans ce cas, je dois dire qu'au cours des deux dernières années, j'ai quand même pu voir le développement d'une certaine prise de conscience critique par rapport à l'accaparement de terres dans l'opinion des pays du sud. C'est le résultat du travail de sensibilisation mené par des organisations paysannes très actives. Le phénomène est encore dans une phase initiale. Je crois que l'information et la sensibilisation des citoyens pourraient permettre d'inverser la tendance.

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