Sécurité alimentaire : la société civile a la parole

Depuis une trentaine d'années, l'agriculture a été négligée par les pouvoirs publics du Nord comme du Sud. La crise alimentaire de 2008 et l'éclosion d'émeutes de la faim dans différentes régions du monde aura au moins permis de remettre à l'agenda international la question de l'investissement nécessaire dans le secteur agricole. Mais de quels types d'investissements agricoles le monde-t-il réellement besoin pour assurer le respect du droit à l'alimentation ?

Lors de sa 37ème session qui s'est tenue à Rome en octobre 2011, le Comité intergouvernemental pour la Sécurité Alimentaire (CSA) a décidé de lancer une grande consultation internationale et multi-acteurs pour élaborer, via un processus inclusif et participatif, de véritables principes d'investissements responsables dans l'agriculture (dits "principes rai", en minuscule).

Le Mécanisme de la Société Civile, qui regroupe l'ensemble des organisations de la société civile membres du CSA, se mobilise pour organiser des consultations tout au long de l'année 2013, afin que les organisations paysannes, les organisations de pasteurs ou de pêcheurs artisanaux, les organisations de femmes rurales, les ONG travaillant sur les questions de sécurité alimentaire, les syndicats paysans, les communautés indigènes et l'ensemble des parties prenantes de la société civile puissent faire entendre leur voix. Le Forum Social Mondial de Tunis a été l'occasion pour les représentants du Mécanisme de la Société Civile d'organiser un atelier pour contribuer à ces débats.

Quels types d'investissements agricoles ont actuellement lieu dans votre pays ou votre région ? Quels types d'investissements agricoles voulons-nous promouvoir à l'avenir ? De quels investissements avons-nous besoin pour assurer le respect du droit à l'alimentation ? Des investissements par qui ? Pour qui ? Et pourquoi ? Ces grandes questions fondamentales ont été posées au cours de l'atelier.

Des pistes de réflexion et des débuts de réponses ont été apportés par des représentants d'organisations paysannes et d'ONG tunisiennes, sénégalaises, taïwanaises, indonésiennes, ou argentines. Un consensus fort émerge : il faut renforcer les agricultures paysannes et familiales, qui sont les seules à même d'assurer la sécurité et la souveraineté alimentaires mondiales, sans mettre en péril le droit à l'alimentation des générations futures et dégrader les ressources naturelles de notre planète.

Les investissements dans l'agriculture devraient donc se concentrer sur le développement des techniques agroécologiques, l'irrigation, le stockage, la transformation des matières premières agricoles, l'accès aux marchés, l'indépendance énergétique des communautés paysannes et l'accès à des énergies renouvelables, la formation agricole et le renforcement des capacités des paysannes et des paysans. L'accaparement des terres et de l'eau par des intérêts publics ou privés doit être combattu, les investissements des multinationales doivent être strictement encadrés, et les droits des paysans doivent être reconnus et sécurisés.

Ces propositions vont être approfondies, enrichies, et débattues au cours des différentes étapes de la consultation. Le Mécanisme de la Société Civile pourra alors élaborer un texte d'analyse et de propositions, et participer efficacement aux négociations qui auront lieu à Rome entre février et mai 2014. La version définitive des principes d'investissements responsables dans l'agriculture devrait ensuite être approuvée par les gouvernements en octobre 2014, lors de la 39ème session du CSA.

Face à des entreprises privées, des institutions financières et des Etats qui exercent une pression de plus en plus importante en faveur d'une production agricole industrielle à grande échelle dans les pays du Sud, en accaparant les terres et les ressources naturelles nécessaires à la production agricole local, il est important d'agir vite. L'ensemble des organisations de la société civile mondiale peuvent envoyer leur contribution à l'adresse suivante : investment@csm4cfs.org