Accaparements de terres

Accaparer une terre, c’est en prendre possession aux dépens des populations qui vivent sur cette terre et profitent des ressources qu’elles y trouvent et qu’elles y produisent. Dans bien des cas, ce phénomène est officiellement légal alors même qu’il met directement en péril le droit à l’alimentation des plus vulnérables.

Plus précisément, les accaparements de terres ont été définis comme des acquisitions ou des concessions foncières qui présentent une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :

  • qui sont contraires aux droits humains ;
  • qui ne reposent pas sur le consentement préalable, libre et éclairé des usagers affectés ;
  • qui ne reposent pas sur une évaluation minutieuse, ou ne tiennent pas compte des impacts sociaux, économiques et environnementaux ;
  • qui ne font pas l’objet de procédures transparentes définissant des engagements clairs et contraignants en ce qui concerne les activités, l’emploi et le partage des bénéfices ;
  • qui ne reposent pas sur une planification démocratique efficace, une supervision indépendante et une participation significative.

Ruée vers les terres

Les accaparements de terre constituent un phénomène inquiétant, qui prend une ampleur phénoménale. D’après les estimations du projet Landmatrix, on estime qu’au moins 33 millions d’hectares ont été accaparées par des investisseurs étrangers dans les pays pauvres entre 2000 et 2010. Cependant, cette estimation ne concerne que les transactions finalisées et ayant pu être vérifiées sur le terrain. Elle exclut les achats de terres à grande échelle par des acteurs nationaux, les transactions en cours de négociations et tous les contrats pour lesquels il n’y a pas de données disponibles. Il est certain que ce chiffre est donc bien en deçà de la réalité.

Dans la majorité des cas, les terres accaparées sont mises en culture soit pour la production d’agrocarburants, soit pour la production de denrées alimentaires destinées à l’exportation et non au marché local. Dans les deux cas, le modèle de production mis en place est un modèle de type industriel et intensif, au détriment d’une agriculture paysanne et vivrière.

Les entreprises productrices d’agrocarburants et le secteur de l’agrobusiness, tout comme le secteur de la finance internationale jouent un rôle important dans ces processus d’accaparements de terres. En s’arrogeant des droits fonciers sur des terres, ils privent les populations de leurs moyens de production, détruisent les communautés paysannes en même temps que les écosystèmes et les savoirs traditionnels. Les accaparements de terres entrainent des migrations vers des villes incapables de fournir les emplois nécessaires à assurer la sécurité alimentaire des populations déjà fragilisées par la rupture avec leurs systèmes de solidarité traditionnels.

Du volontaire à l’obligatoire

En mai 2012, le Comité pour la Sécurité Alimentaire (CSA), seul organe des Nations unies à traiter de façon légitime des enjeux de sécurité alimentaire, a adopté des Directives Volontaires pour une gouvernance responsables des régimes fonciers, une série de normes internationales de référence qui permet d’évaluer les politiques, projets et investissements fonciers, publics ou privés, au regard de leur impact sur les populations locales.

Toutefois ces directives restent "volontaires", donc non-contraignantes et ne permettant pas de sanctionner ou d’interdire des accaparements de terre. Il serait totalement irréaliste de miser sur la seule bonne volonté du secteur privé pour appliquer ces directives. C’est donc à la société civile de s’assurer que ces directives soient respectées, et de pousser les Etats à intégrer ces règles dans leurs législations nationales pour les rendre contraignantes.

Oxfam France milite donc pour que la France :

  • intègre les directives volontaires dans sa législation nationale et pousse ses partenaires (Etats au Nord comme au Sud, organisations internationales, bailleurs …) à le faire.
  • appuie la mise en œuvre des Directives Volontaires dans les pays du Sud avec lesquels elle travaille.
  • participe à la définition de principes d’Investissements Agricoles Responsables (Rai) au sein du CSA, encadrant réellement les activités du secteur privé dans l’agriculture, notamment les activités des entreprises productrices d’agrocarburants et les pratiques de l’agrobusiness.