5 ans après l’Accord de Paris : où en est-on ?

Le 12 décembre 2015, à l’issue de la COP21, était adopté l’Accord de Paris. Pour la première fois depuis le début des négociations climat en 1992, 195 Etats entérinaient un accord universel pour lutter contre les changements climatiques. Cinq après, le bilan est inquiétant : les impacts se sont multipliés à travers le monde, touchant de plein fouet les populations vulnérables, et les Etats – à de rares exceptions – n’ont pas mis en œuvre de mesures suffisantes pour réduire leurs émissions et peinent à mobiliser les financements nécessaires pour les pays en développement.

Après l’annulation de nombreux événements internationaux en 2020 en raison de l’épidémie de Covid, 2021 sera une année cruciale pour redonner de la vigueur à l’action climatique en France comme dans le monde.

Une multiplication des impacts des dérèglements climatiques

Depuis cinq ans, les scientifiques continuent de tirer la sonnette d’alarme sur l’urgence d’agir pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C – comme inscrit dans l’Accord de Paris. Un rapport du GIEC en 2018 montrait que si les émissions continuent au rythme actuel, nous atteindrons 1,5°C en 2040 et qu’il existe un écart important en termes d’impacts entre un réchauffement de 1,5°C et 2°C. Chaque dixième de degré supplémentaire est un choix de vie ou de mort.

La planète est déjà en surchauffe : les 5 dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées et 2020 ne fera pas exception. Depuis 2015, les impacts du changement climatique se sont intensifiés et multipliés. En 2019, 820 événements météorologiques extrêmes ont été recensés. Ce chiffre a augmenté de plus de 20 % en 5 ans. Rien qu’en 2020, des cyclones dévastateurs ont frappé l’Inde et le Bangladesh, le Niger et la Chine ont subi des inondations meurtrières et l’Australie et les États-Unis ont connu des vagues de chaleur et des incendies sans précédent. La France n’est pas immunisée et se classe même au 15ème rang des pays les plus touchés au niveau mondial sur les vingt dernières années (1999-2018).

En 5 ans, les déplacements de population à cause de catastrophes naturelles ont bondi de 30 % pour atteindre au moins 24,8 millions de personnes en 2019. Et si personne n’est à l’abri, ce sont les personnes les plus pauvres et marginalisées qui sont les plus touchées, et notamment les femmes. Les populations des pays pauvres ont ainsi cinq fois plus de risque d’être déplacées à cause de catastrophes climatiques extrêmes et soudaines que celles des pays riches.

Des actions insuffisantes des Etats, à de rares exceptions 

En cinq ans, trop peu d’Etats ont pris des mesures à la hauteur de l’urgence climatique alors que les émissions globales de gaz à effet de serre ont augmenté de 1,5 % en moyenne chaque année depuis 10 ans, avec une courte stabilisation entre 2014 et 2016.

11 pays du G20, qui représentent 80% des émissions de la planète, ont pris l’engagement d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 – dont la Chine (en 2060), l’Union Européenne et le Japon – et certains pays déploient des stratégies de court terme très ambitieuses, comme l’Uruguay, le Costa Rica ou l’Espagne.

Mais encore trop peu de pays se sont engagés à réduire leurs émissions dans le court terme, soit d’ici 2030. Quant aux Etats-Unis, ils ont quitté l’Accord de Paris suite à l’élection de Donald Trump et ont été un acteur bloquant dans tous les rendez-vous internationaux ces 4 dernières années. La victoire de Joe Biden, qui s’est engagé à rejoindre l’Accord de Paris dès sa prise de fonction en janvier 2021 et à voter un Green New Deal au niveau national, ouvre une ère nouvelle, positive pour la dynamique internationale.

Face à l’inaction de nombreux Etats, les citoyen.ne.s du monde entier se sont largement mobilisé.e.s ces dernières années pour exiger de leur gouvernement des actions plus ambitieuses sur le climat. Lancée par Greta Thunberg en août 2018, le mouvement « Friday for future » d’appel à la grève a rencontré un succès retentissant auprès des jeunes. En France, de nombreuses marches pour le climat ont eu lieu dont La Marche du Siècle au printemps 2019 qui a réuni plus de 350 000 personnes. La pétition de l’Affaire du Siècle – un recours en justice contre l’Etat français pour inaction climatique – a réuni plus de 2 millions de signatures en 2019, un record pour une pétition en France !

Des financements climat encore trop faibles pour les pays en développement

Il y a plus de 10 ans, les pays riches se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 afin d’aider les pays en développement à s’adapter aux effets des changements climatiques et à réduire leurs émissions. Mais le bilan de ces engagements est aujourd’hui très mitigé. Non seulement le montant des 100 milliards n’est pas atteint, mais ces financements se font aussi très largement sous forme de prêts.

Les pays développés ont déclaré  62,2 milliards de dollars de financements climat en 2018. Des chiffres largement surestimés par les pays riches : un rapport d’Oxfam, publié en octobre 2020 révèle en effet que ces financements ne pourraient en réalité représenter qu’entre 19 et 22,5 milliards de dollars par an, déduction faite des remboursements de prêts, des intérêts et autres surestimations faites. Soit seulement 1 tiers des sommes déclarées.

Par ailleurs, 80% de ces financements déclarés ont été réalisés sous forme de prêts et sont donc à rembourser, obligeant les pays les plus pauvres à s’endetter encore davantage pour faire à une crise climatique dont ils ne sont pas responsables. La France fait figure de mauvais élève puisque que 97% de ses financements se font sous forme de prêts.

Enfin, les financements accordés pour l’adaptation sont insuffisants. Selon les chiffres de l’OCDE, au niveau international, seulement 21% des financements climat ont été alloués à l’adaptation en 2018, ce qui est largement insuffisant au regard des impacts croissants des changements climatiques. L’année 2021 devra être l’occasion pour les pays développés d’annoncer de nouveaux objectifs, plus ambitieux.

Climat : la France face à ses doubles discours

En 2017, alors que les Etats-Unis annonçaient leur intention de quitter l’Accord de Paris, Emmanuel Macron réagissait en déclarant « Make our planet great again », positionnant la France comme l’un des pays leader de la lutte contre les changements climatiques.

Trois ans plus tard, l’action nationale apparaît très clairement en demi-teinte. En juillet 2020, le rapport annuel du Haut conseil par le climat épinglait la France en indiquant que les actions climatiques du pays n’étaient ni à la hauteur des enjeux ni des objectifs fixés pour atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

La France fait face depuis plusieurs années à ses propres contradictions. Alors qu’Emmanuel Macron appelait par exemple, en 2019, les « grands pays de ce monde » à arrêter « de financer de nouvelles installations polluantes dans les pays en voie de développement », la France continue encore aujourd’hui de soutenir des projets pétroliers et gaziers à l’étranger. Pire, le gouvernement a récemment annoncé que l’arrêt du soutien public ne se ferait qu’en 2025 pour le pétrole et qu’en 2035 pour le gaz – des échéances bien trop lointaines pour faire face à l’urgence climatique, et loin de la trajectoire fixée par l’Accord de Paris.

Face à la crise sans précédent engendrée par la pandémie de coranavirus, les enjeux sont de taille. Là encore, la France manque d’ambition et loupe son rendez-vous avec l’écologie et le climat. Si un « plan de relance vert » avait bien été annoncé par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, l’élan vers un « monde d’après », qui place la transition écologique au centre, a vite été stoppé. Aucune conditionnalité écologique et sociale n’a par exemple été actée pour les versements d’aides publiques aux grandes entreprises – certaines parmi les secteurs les plus polluants. Une décision qui laisse craindre un retour au business as usual, alors même que la transformation du modèle économique est l’une des clés pour lutter contre les changements climatiques et qu’une régulation de l’Etat, pour ce faire, est essentielle.

Une année 2021 cruciale pour l’action climatique

Le 12 décembre 2020, un sommet virtuel co-organisé par les Nations unies, le Royaume-Uni, la France, le Chili et l’Italie, sera une première occasion pour des annonces ambitieuses de la part des Etats. L’Union Européenne doit impérativement annoncer une rehausse de l’objectif européen à au moins 55 % de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. Oxfam France appelle Emmanuel Macron à annoncer une augmentation des financements climat à destination des pays en développement à hauteur de 8 milliards d’euros par an d’ici 2025, dont 4 milliards pour l’adaptation.

En France, la loi issue des propositions de la Convention citoyenne sur le climat sera examinée au Parlement au printemps 2021. Il s’agira de la dernière opportunité du mandat d’Emmanuel Macron pour répondre à l’urgence climatique et présenter des mesures ambitieuses.

Enfin en novembre 2021 se tiendra la COP26 à Glasgow en Ecosse. D’ici là, les Etats doivent annoncer de nouveaux objectifs pour réduire leurs émissions d’ici 2030 et mobiliser des financements pour les populations vulnérables.

L’action climatique, une priorité pour les Français-es

Un nouveau sondage mené par Oxfam France avec Kantar montre que la lutte contre les changements climatiques est perçue comme prioritaire par une grande majorité des Français-es.

Pour 61% des Français·es, la lutte contre les changements climatiques est en effet prioritaire et il est urgent d’agir. Pourtant, 62% jugent aujourd’hui que la France n’en fait pas assez.

 

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