Affaire du Siècle : une première victoire historique pour le climat !

La décision du tribunal administratif dans le dossier de l’Affaire du Siècle est tombée ce 3 février 2021. Et elle marque une victoire historique : la responsabilité de l’Etat dans la crise climatique est reconnue. Le tribunal a jugé illégal le non-respect des engagements pris en matière de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Le « préjudice écologique » est également reconnu. Prochaine étape au printemps, pour un jugement qui pourrait aller encore plus loin : contraindre l’Etat à agir pour tenir ses engagements climatiques, s’il refuse toujours de le faire de lui-même.

L’importance de notre mobilisation citoyenne

L’Affaire du Siècle, c’est plus de 2 ans de travail en collectif. C’est le mélange d’actions de mobilisation citoyenne, d’informations, de sensibilisation. C’est aussi une longue préparation judiciaire, pour rendre notre dossier irréfutable. C’est de la recherche, pour démontrer la réalité des changements climatiques et de leurs impacts sur la vie des citoyen-ne-s. C’est un complément indispensable à notre travail de plaidoyer, de dialogue et de pression constante sur les responsables politiques, pour obtenir des lois et des actions concrètes permettant de réellement changer les choses et lutter efficacement contre les dérèglements climatiques.

Le résultat de l’audience est une preuve supplémentaire de la pertinence de ces actions de fond et de long court, que toute l’équipe d’Oxfam France mène chaque jour de l’année. Ces actions demandent de l’indépendance et des moyens. Nous bénéficions des deux, grâce à vous. Grâce à votre soutien, grâce à vos dons. Et nous continuerons, toujours grâce à vous !

Je fais un don

Que dit le jugement de l’Affaire du Siècle ?

Le tribunal administratif, sur les recommandations de la rapporteure publique, a émis une première décision – majeure – dans le dossier qui oppose l’Affaire du Siècle à l’Etat français.

Rappelez-vous : ce recours en justice a été initié en décembre 2018 par 4 ONG – la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l’Homme, Greenpeace France, Notre Affaire à Tous et Oxfam France – pour lutter contre l’inaction climatique de l’Etat. Une action soutenue en quelques semaines par plus de 2,3 millions de personnes, soit la pétition en ligne la plus signée de l’histoire en France !

Depuis plus de 2 ans, notre mobilisation n’a pas faibli et nous avons eu raison ! La décision du tribunal comporte plusieurs éléments majeurs qui marquent une victoire historique pour le climat et une avancée essentielle pour la justice climatique.

La faute de l’Etat reconnue en matière de lutte contre les changements climatiques

Pour lutter contre les changements climatiques, l’Etat s’est fixé des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour le tribunal, le fait qu’il ne les pas respecte est une faute (en langage juridique : une « carence fautive »). Ce n’est pas anodin. C’est ainsi la première fois que la justice reconnaît la responsabilité de l’Etat au regard de son inaction climatique.

Le tribunal a condamné l’Etat à verser un euro symbolique aux associations requérantes pour « le préjudice moral » résultant de « ses carences fautives dans le respect de ses engagements en matière de lutte contre le réchauffement climatique ». Cette reconnaissance va permettre aux personnes directement impactées par les changements climatiques de demander réparation des dommages subis devant les tribunaux, en s’appuyant sur ce jugement. Une pression supplémentaire pour contraindre l’Etat à agir bien plus fortement.

Le préjudice écologique est reconnu

La décision de l’Affaire du Siècle statue également sur le préjudice écologique causé par l’inaction climatique de l’Etat. Le tribunal administratif reconnait ainsi qu’une personne publique – ici l’Etat français – peut être tenue pour responsable des dommages causés à l’environnement. C’est là une évolution importante du droit français. Jusqu’ici, seules les personnes privées – les individus et les entreprises – pouvaient être tenues responsables d’atteinte à l’environnement.

Le tribunal réaffirme ici que le fait que l’Etat ne tiennent pas ses engagements en matière de réductions des émissions de gaz à effet de serre porte bien atteinte à l’environnement et contribue à sa dégradation.

Qu’est-ce que le préjudice écologique ?

Le préjudice écologique est la reconnaissance d’un préjudice non pas porté à un individu, une personne morale, mais bien à l’environnement et à la biodiversité. La notion a été consacrée dans l’arrêt « Erika » de la Cour de Cassation du 25 septembre 2012, comme « l’atteinte directe ou indirecte, portée à l’environnement et découlant de l’infraction ». Le préjudice écologique se distingue donc d’un préjudice personnel.

Pour être applicable, une dégradation de l’écosystème doit être constatée. Elle peut alors donner lieu à une réparation en nature ou une compensation financière.

Pour la première fois dans la décision de l’Affaire du Siècle, le tribunal administratif reconnait que l’Etat, une personne publique, peut également causé un préjudice écologique, au même titre qu’une personne privée.

Prochaine étape de l’Affaire du Siècle : contraindre l’Etat à agir pour tenir ses engagements et véritablement lutter contre les changements climatiques

Reconnaissant le préjudice écologique et la responsabilité de l’Etat d’assurer une réparation en nature, le Tribunal administratif a donné 2 mois pour un « supplément d’instruction ». Qu’est-ce que cela signifie concrètement ?

Une nouvelle décision du Tribunal au printemps pourrait condamner l’État à prendre des mesures supplémentaires pour lutter concrètement et efficacement contre la crise climatique. La reconnaissance de la faute que constitue son inaction climatique était une condition indispensable pour contraindre l’État à agir.

Cette première étape historique désormais franchie, la justice doit maintenant statuer sur la façon dont l’État doit s’y prendre pour mettre fin à ses actions illégales, et, au-delà, réparer les dommages causés par les gaz à effet de serre émis en trop, par rapport à ses objectifs.

La mobilisation continue donc !

Qu’est-ce que la justice climatique ?

La justice climatique a pour objectif de tenir responsables les acteurs à l’origine des dérèglements climatiques. Pourquoi ? Car en matière de changements climatiques, nous ne sommes pas tou-te-s égales/égaux, que ce soit en termes de responsabilité ou d’impacts. Ces dérèglements impactent d’abord les populations les plus vulnérables et les plus pauvres de la planète, pourtant les moins responsables de cette crise.

Aujourd’hui, le mouvement en faveur de la justice climatique est mondial et prend chaque jour de l’ampleur. Son moyen d’action : faire reconnaitre comme juridiquement responsables les grands pollueurs, entreprises comme Etats. Ce recours à l’autorité judiciaire vise une chose : obtenir réparation, mais surtout obtenir des actions concrètes permettant de lutter efficacement contre les changements climatiques – et donc éviter leurs dégâts colossaux sur les plus vulnérables.

L’Affaire du Siècle est une de ces grandes mobilisations en faveur de la justice climatique.

La mobilisation continue, grâce à vous !

Nous avons donc rendez-vous dans deux mois environ. Avant cela, l’Affaire du Siècle appuiera la commune de Grande-Synthe dans son recours contre l’Etat devant le Conseil d’Etat.

Cette mobilisation est essentielle. La crise climatique est là, et vient d’ores et déjà alimenter la pauvreté et les inégalités à travers le monde. La victoire de l’Affaire du Siècle est majeure. Désormais, nous devons obtenir l’injonction à agir. Nous ferons tout pour. Nous n’avons pas le choix.

Ces actions, nous les menons grâce à la mobilisation de toute notre équipe, aux soutiens d’expert-e-s et d’avocat-e-s, à la détermination de nos militant-e-s. Surtout, nous les menons grâce à notre indépendance, possible grâce à chacun de vos soutiens. Ces actions et cette victoire, ce sont les vôtres. Merci et continuons ensemble !