Les grandes entreprises françaises, un modèle dangereux pour la planète

La responsabilité des grandes entreprises du CAC40 dans la lutte pour le climat est considérable. Tout d’abord car leur modèle économique à court-terme aggrave largement les changements climatiques, comme l’a révélé notre rapport « Climat : CAC degrés de trop », mais aussi parce qu’elles ont un rôle-clé à jouer dans la transition écologique.

La transformation urgente du modèle des grandes entreprises n’est pas une option, c’est une nécessité.

Comment les entreprises du CAC40 font grimper le thermomètre

Un monde à +3,5°C d’ici 2100. C’est la trajectoire climatique vers laquelle nous mènent les grandes entreprises françaises, selon notre rapport « Climat : CAC degrés de trop – Le modèle insoutenable des grandes entreprises françaises ».

Pour la première fois, Oxfam France a pu calculer l’empreinte carbone globale des plus grandes entreprises françaises. Résultat : des chiffres alarmants qui montrent très clairement que les entreprises du CAC40 ont une responsabilité majeure dans l’aggravation du réchauffement climatique. En moyenne, leur empreinte carbone s’élève à 4,1 tonnes de CO2eq3 à chaque fois qu’elles réalisent 1 000 euros de chiffre d’affaires, soit l’équivalent des émissions de gaz à effet de serre d’un Paris-Sidney en avion.

Aujourd’hui, aucun secteur d’activité n’est aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris. Pire, notre rapport montre l’impact considérable d’une poignée d’entreprises. A elles seules, 4 entreprises – BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole et Total – ont, chacune prise isolément, une empreinte carbone supérieure à celle de la France.

Sur les 10 premières entreprises les plus émettrices, 6 sont aussi parmi celles générant le plus de chiffre d’affaires. Juste derrière les banques, 5 entreprises se démarquent par leur très grande empreinte carbone : Total, ArcelorMittal, Lafarge, Airbus et Engie.

CAC40 climat

Alors que les grandes entreprises sont généralement promptes à communiquer sur leurs engagements écologiques, derrière les effets d’annonces, très peu de mesures sont en réalité prises et réellement menées. Seulement 8 entreprises – Saint Gobain, Michelin, Schneider Electric, EDF, Engie, Vallourec, Suez et Unibail-RW – se sont dotées d’une stratégie de réduction de leurs émissions absolues, directes et indirectes, sur l’ensemble de leur périmètre d’activités. Et à ce jour, seules 3 entreprises – EDF, Schneider Electric et Legrand – sont théoriquement alignées avec l’Accord de Paris !

Les banques sont les entreprises du CAC40 les plus polluantes

Aux trois premières places des entreprises françaises les plus polluantes, on retrouve 3 banques : Société Générale, BNP Paribas et Crédit Agricole. Notre rapport « Banques : des engagements climat à prendre au 4ème degré » publié en octobre 2020, mettait déjà en lumière la colossale empreinte carbone des 6 principales banques françaises. Notre étude révélait ainsi que si ces 6 banques continuaient de financer l’économie comme elles le font à ce jour, cela nous conduirait à un réchauffement de plus de 4°C d’ici à 2100, soit 2,5°C de plus que l’objectif fixé dans l’Accord de Paris.

 

Mais comment l’empreinte carbone des banques peut-elle être aussi considérable ? Tout simplement car les banques jouent un rôle crucial dans notre économie : via leurs choix de crédits ou de participations sur les marchés financiers, elles ont le pouvoir de décider ce qui sera financé ou non. Encore aujourd’hui, la dépendance des banques aux énergies fossiles est immense. Les crédits aux entreprises actives dans le secteur du pétrole et gaz uniquement représentent plus de 40 % des émissions de leur portefeuille de crédits aux entreprises. Les quatre plus grandes banques françaises ont injecté près de 200 milliards d’euros dans les énergies fossiles depuis la COP21 (2016-2019), qui constituent 70 % des financements énergétiques des banques françaises alors que les énergies renouvelables ne concentrent que 20 % de leurs financements.

Lire notre dossier complet dédié à l’impact des banques françaises sur le climat.

 

En tant que client-e bancaire, nous faisons les frais de ces choix de financements et notre argent a alors un impact important. Comme révélé dans notre rapport sur l’empreinte carbone des banques, nous polluons encore plus via ce que finance notre argent que via notre propre consommation. Notre argent est notre premier poste d’émissions de CO2.

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Un modèle économique du CAC40 qui met notre planète en danger

Un réchauffement climatique aux conséquences dramatiques

Nous savons depuis de nombreuses années que les changements climatiques engendrent de multiples perturbations aux impacts dévastateurs, notamment sur les populations les plus vulnérables. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a notamment alerté sur les « conséquences graves, généralisées et irréversibles pour les populations et les écosystèmes » du réchauffement climatique.

Et la France ne sera pas épargnée par ces dérèglements climatiques. Actuellement, plus de 6 Français sur 10 sont déjà exposés de manière forte ou très forte au risque climatique, c’est-à-dire qu’ils sont susceptibles d’être directement affectés par des risques naturels tels que les avalanches, les tempêtes, les feux de forêts ou les inondations. Selon des projections climatiques publiées par Météo France en février 2021, les températures moyennes risquent d’augmenter de 3,9°C d’ici 2100 en métropole, et jusqu’à + 6°C l’été.

Concrètement, ce monde à +3,5°C vers lequel nous mènent les entreprises du CAC40 signifierait en France :

  • Une augmentation de 40% des feux de forêt ;
  • Le niveau de la mer grimperait en moyenne de 40 centimètres à un mètre le long des côtes françaises ;
  • Des inondations surviendraient plus de cinq fois par an à Nantes, Bayonne et Dieppe ;
  • Des vagues de chaleur en région parisienne s’étendraient de 21 à 94 jours, contre 7 aujourd’hui.

Un modèle à transformer en profondeur

Transformer le modèle court-termiste des grandes entreprises, qui privilégie encore une poignée d’actionnaires au détriment de la planète, est une nécessité. Cette transformation est non seulement indispensable pour la société dans son ensemble mais aussi pour les entreprises elles-mêmes. Si le coût de la transition semble important, le coût de l’inaction le sera encore plus.

En refusant de prendre le virage de la transition écologique, les grandes entreprises se mettent elles-mêmes en danger et elles seront de plus en plus pénalisées du point de vue de leur image et de leur business. En effet, un sondage réalisé par Oxfam France et Kantar de décembre 2020 montre que 67 % des Français-es estiment que les grandes entreprises font partie des 3 acteurs devant agir en priorité dans la lutte contre les changements climatiques.

Les salarié-e-s risquent également d’être sévèrement pénalisé-e-s. Selon l’ONU, la disparition de certaines activités et la transformation du modèle de production auront un impact sur des dizaines de millions d’emplois. Il est donc indispensable dès maintenant d’anticiper et planifier un accompagnement vers les métiers de la transition.

Pour une transformation juste et durable, d’autres choix sont possibles. Parmi eux : faire porter le coût de la transition par la modération des dividendes versés aux actionnaires. Selon une étude publiée par Oxfam France en juin 2020, 98 % des besoins en investissements dans la transition du CAC 40 pour 2018 auraient pu être financés par un encadrement à 30 % de la part des bénéfices reversés aux actionnaires cette année-là.

La nécessaire régulation des grandes entreprises par l’Etat

Notre rapport « Climat : CAC degrés de trop » met en avant l’importance de la régulation publique dans la responsabilité écologique des entreprises du CAC40. Nous l’avons vu, attendre que les entreprises s’engagent d’elles-mêmes n’est pas suffisant. Il est urgent d’aller plus loin, plus vite, et cela passe par des mesures politiques fortes et concrètes. La puissance publique doit contraindre les grandes entreprises à engager une véritable transition écologique mais, jusqu’à présent, le manque d’ambition est criant.

Nous appelons depuis plusieurs mois le gouvernement et les parlementaires à mettre en place une écoresponsabilité contraignante pour toute entreprise, notamment dans le cadre du projet de Loi Climat et Résilience. Mais là encore, le compte n’y est pas.

Pour aller plus loin

> Découvrir notre rapport « Climat : CAC40 degrés de trop » en intégralité