Pourquoi les inégalités carbone accélèrent la crise climatique

Ces dernières décennies, la crise climatique résultant de l’accumulation d’émissions néfastes dans l’atmosphère s’est considérablement aggravée. On estime qu’en 25 ans (1990-2015), nous avons émis autant de CO2 qu’en 139 ans (1850-1989) ! Dans le même temps, les inégalités en matière d’émissions de CO2 se sont renforcées. Le dernier rapport d’Oxfam révèle ainsi que les 1% les plus riches émettent deux fois plus de CO2 que la moitié la plus pauvre de l’humanité.

Face aux émissions de gaz à effet de serre, des inégalités extrêmes qui précipitent la crise climatique

L’ère des inégalités extrêmes d’émissions

La période 1990-2015 a été une période critique pour le climat. Un rapport d’Oxfam réalisé avec le Stockholm Environment Institute montre que, durant cette période :

  • Les 10% les plus riches de la population mondiale (environ 630 millions de personnes) étaient responsables de 52% des émissions de CO2 cumulées
  • Les 1% les plus riches étaient responsables à eux seuls de 15% des émissions cumulées et la croissance totale des émissions de ces 1% était trois plus élevée que celle des 50% les plus pauvres.
  • Les 50% les plus pauvres (environ 3,1 milliards de personnes) étaient responsables de seulement 7% des émissions de CO2 cumulées

Un budget carbone mondial qui s’épuise très rapidement

Le budget carbone mondial définit le volume maximum d’émissions de CO2 qui permettrait de limiter la hausse de la température moyenne dans le monde à 1,5°C, objectif défini dans le cadre de l’Accord de Paris.

Là encore, les inégalités extrêmes s’expriment. En effet, sur les dernières décennies, les 10% les plus riches ont consommé près d’un tiers (31%) du budget carbone et les 1% les plus riches 9%. Dans le même temps, les 50% les plus pauvres n’ont eux consommé que 4% de ce budget carbone mondial.

Si les restrictions liées à la pandémie de Covid-19 ont mis une grande partie du monde à l’arrêt et entraîné une baisse des émissions, la tendance globale elle ne change pas. A moins que les émissions ne chutent considérablement, le budget carbone mondial sera complètement épuisé à l’horizon 2033. Pire, les inégalités sont telles que les 10% les plus riches épuiseraient à eux seuls ce budget quelques années plus tard et ce, même si les émissions du reste de la population mondiale devenaient nulles dès demain.

Mais qui sont les responsables de la crise climatique ?

L’impact disproportionné des plus aisés sur le climat

Depuis plusieurs années, de nombreux débats pointent du doigt la responsabilité forte de la classe moyenne des pays comme l’Inde ou la Chine sur le réchauffement climatique. Pourtant, comme les chiffres du dernier rapport d’Oxfam le montrent, l’impact disproportionné des plus riches sur le climat doit être étudié attentivement :

  • L’empreinte carbone des 1% les plus riches est actuellement 35 fois plus élevée que l’objectif de 1,5°C et plus de 100 fois plus élevée que celle des 50% les plus pauvres.
  • L’empreinte carbone des 10% les plus riches est plus de 10 fois supérieure à l’objectif de 1,5°C et plus de 30 fois plus élevée que celle des 50% les plus pauvres.

Où vivent les plus riches ?

Les 10% les plus riches sont réparti-e-s sur tous les continents. Près de la moitié des émissions des 10% les plus riches sont aujourd’hui imputables à la consommation des citoyennes et citoyens nord-américain-e-s et de l’Union Européenne. Viennent ensuite les résidents du Moyen-Orient et de Chine.

Emissions carbone : quels sont les secteurs les plus polluants ?

Si les formes de consommation varient naturellement selon le lieu de résidence et le contexte national, le transport représente de loin la plus grande part des émissions pour les plus forts émetteurs au sein de l’Union Européenne. Pour les plus riches, il s’agit le plus souvent de déplacements en voiture mais aussi et surtout, de l’avion.

Une étude estime ainsi que les foyers les 10% les plus riches consomment dans le monde environ 45% de toute l’énergie associée au transport terrestre. Ce chiffre grimpe même à 75% pour l’aviation, contre seulement 5% pour les 50% les plus pauvres.

Aujourd’hui, le transport représente environ un quart des émissions mondiales de CO2, avec une augmentation rapide dans de nombreux pays, et est l’un des secteurs où les inégalités sont les plus visibles.

Ceux qui contribuent le moins au réchauffement climatique sont ceux qui en sont les plus victimes

Les plus vulnérables davantage impactés par les changements climatiques

Les populations les plus pauvres, bien qu’étant responsables que d’une infime partie des émissions de CO2 mondiales, sont pourtant particulièrement exposées au dérèglement climatique.

Le rapport d’Oxfam « Déracinés par le changement climatique » montrait notamment que les populations vivant dans des pays à revenu faible et à revenu intermédiaire sont en moyenne cinq fois plus susceptibles d’être déplacées à cause de catastrophes climatiques extrêmes que les habitants de pays à revenu élevé.

Inondations ou canicules qui deviennent de plus en plus fréquentes, tempêtes de plus en plus destructrices, feux de forêts plus intenses… Les événements climatiques extrêmes se multiplient au fil des décennies et font des dégâts considérables. Les populations les plus pauvres sont particulièrement vulnérables à ces catastrophes car elles vivent très souvent dans des habitations de fortune ou sur des terres davantage exposées à ces phénomènes climatiques extrêmes. De plus, elles disposent rarement d’assurances ou d’économies pour les aider à reconstruire leur vie après de telles catastrophes.

Les femmes en première ligne, les générations futures sacrifiées

Généralement, les femmes subissent les impacts des changements climatiques différemment des hommes. Elles peuvent en effet être amenées à parcourir de plus longues distances pour collecter de l’eau, être les dernières à se nourrir en cas de sécheresse ou assumer une majeure partie des tâches ménagères et des soins au lendemain d’une catastrophe climatique.

Les générations futures sont également les grandes sacrifiées face à ces inégalités des émissions de CO2. Elles hériteront d’un budget carbone totalement épuisé et d’une planète au climat de plus en plus dévastateur. Si leur mobilisation aujourd’hui est forte, elles n’en sont pas moins inquiètes quant à cet avenir carboné qu’elles n’ont pourtant pas contribué à créer.

Nous ne pouvons plus attendre pour agir : les gouvernements doivent prendre dès maintenant des mesures ambitieuses et d’envergure afin de limiter la hausse de la température moyenne à 1,5°C.