Condamnation d’Apple : un signal fort contre l’évasion fiscale envoyé aux multinationales

La Commission européenne a sommé aujourd’hui Apple de payer au moins 13 milliards d’euros condamnant ses pratiques fiscales illégales en Irlande. La décision fait suite aux enquêtes sur les aides illégales d’état accordées à Starbucks et Fiat ainsi que sur le régime d’exonération des bénéfices excédentaires en Belgique.

Manon Aubry, responsable de plaidoyer Justice Fiscale & Inégalités, déclare à ce sujet :

« Cette décision de la Commission européenne est un signal fort envoyé aux multinationales qui pratiquent l’évasion fiscale à échelle industrielle. Même si c’est un montant record,  les multinationales dénoncées par la Commission européenne ont jusqu’à présent été uniquement obligées de rembourser les impôts qu’elles n’ont pas payés. Il est clair que ce système ne sera pas suffisamment dissuasif. Sans compter que les autres Etats perdants au sein de l’UE ne récupèrent pas le moindre centime. »

« Ces accords qui permettent aux multinationales de réduire considérablement leur part d’impôt ne sont plus tolérables. Si la confiance des citoyens envers le système fiscal nécessite d’être rétablie, les gouvernements européens se doivent d’agir immédiatement et de mettre fin à ces accords privilégiés. Autrement, la confiance des européens envers le système fiscal ne pourra que continuer de s’affaiblir. »

« Il faut agir davantage pour empêcher que des accords de ce type soient encore souscrits dans le futur : les rescrits fiscaux (ou « tax rulings ») devraient être systématiquement rendus publics. Les multinationales devraient  également être obligées de  révéler où elles réalisent leurs profits et où elles payent leurs impôts via un reporting pays par pays public. Cela permettra aux gouvernements et aux citoyens de demander des comptes à ces entreprises ».

Contact

Eleonora Trementozzi : +33 1 85 34 17 66 / etrementozzi@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

  • La Commission européenne a commencé en 2013 une enquête sur les régimes fiscaux exploités par Apple en Irlande. Il émerge qu’à partir des années 1990, Apple a pu bénéficier de significatives réductions d’impôt par le biais de « tax rulings » (ou rescrits fiscaux) délivrés par les autorités fiscales irlandaises. Ceux-ci déterminaient, préalablement aux transactions intra-groupes, le montant d’impôts que l’entreprise aurait dû payer. Des enquêtes similaires concernant les « tax rulings » dont ont pu bénéficier Amazon et McDonald’s au Luxembourg ont été menées respectivement en 2014 et 2015.
  • Selon la Commission européenne, les tax rulings peuvent impliquer des aides publiques au sens de la législation européenne, s’ils apportent des avantages à une entreprise en particulier ou à un groupe d’entreprises.
  • Après le scandale Luxleaks et les révélations des lanceurs d’alerte Antoine Deltour et Raphaël Halet en 2014, les tax rulings ont été identifiés comme des pratiques fiscales dommageables qui permettent l’évasion fiscale. Les lanceurs d’alerte ont été jugés coupables en juin 2016, lors de la décision de première instance. L’affaire est encore en cours, suite à la demande d’appel faite par le procureur du Luxembourg.
  • En janvier 2016, la Commission européenne a conclu que les avantages fiscaux garantis par la Belgique en vertu de son régime d'impôt « surprofit » sont illégaux en vertu des règles sur l’aide publique européenne. Ce système notamment bénéficié à au moins 35 multinationales, principalement de l’Union européenne, qui doivent maintenant repayer les impôts non versés à la Belgique.
  • En décembre 2015, l’Union européenne a adopté une directive visant à améliorer l’échange d’informations sur les tax rulings délivrés par les Etats membres aux multinationales, sur les décisions fiscales transfrontalières anticipées, ainsi que sur les accords préalables sur les prix. Toutefois, ces informations ne sont pas accessibles au public.
  • Oxfam America a publié en avril 2016 le rapport Broken at the Top, qui analyse en détail les pratiques fiscales d’Apple, en tant que l’une des 50 plus grandes multinationales américaines. Dans leur rapport Getting to Good, publié en novembre 2015, Oxfam; Christian Aid et ActionAid ont exposé les principes d’un comportement responsable des entreprises en matière d’impôts.
  • En mars 2015, Oxfam a publié “Pulling the Plug – How to stop corporate tax dodging in Europe and beyond”, une note qui illustre les différentes modalités pour lutter contre l’évasion fiscale des entreprises dans l’Union européenne. La note explique notamment pourquoi il est essentiel que l’Union européenne adopte une législation contre l’évasion fiscale au plus vite.

Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.