3ème conférence des donateurs au Koweït : quels espoirs pour la Syrie ?

La communauté internationale va-t-elle de nouveau décevoir les espoirs de la population syrienne ? Au premier trimestre 2015, les appels de fonds humanitaires lancés par l’ONU et la Croix-Rouge pour la Syrie et les pays voisins n’ont été financés qu’à hauteur de 9,8 %. Les promesses de réinstallation des réfugiés les plus vulnérables faites par nombre de pays européens représentent moins de 10 % de leur « juste part ». L’Allemagne, la Norvège, le Canada, la Suède et la Suisseont montré l’exemple en contribuant équitablement au financement de l’aide humanitaire et aux efforts de réinstallation pour 2014.

Le nombre de personnes ayant besoin d’une aide humanitaire en Syrie et ailleurs continue d’augmenter de façon alarmante, mais les financements ne suivent pas. Les pays riches qui se réunissent mardi au Koweït en vue d’annoncer leurs promesses d’aide ont la possibilité de renverser la tendance, mais ils vont devoir donner davantage que l’an dernier. Oxfam souligne que, dans le cas contraire, les conséquences seraient catastrophiques pour des millions de civils en Syrie et dans les pays voisins.

Les acteurs humanitaires estiment que 8,7 milliards de dollars sont nécessaires pour porter assistance à 18 millions des personnes vivant en Syrie ou réfugiées dans les pays voisins, ce qui correspond à un peu plus d’un dollar par personne et par jour. Oxfam a établi ce que représenterait une contribution équitable au financement pour chacun des pays donateurs, compte tenu de la taille de l’économie des pays riches. À ce jour, pour 2015, seul le Royaume-Uni a promis de verser un montant correspondant à sa « juste part » avant la conférence des donateurs, et les appels humanitaires n’ont réuni que 9,8 % des fonds nécessaires.

Les promesses faites lors de la conférence des donateurs l’an dernier étaient loin de répondre aux besoins. En 2014, les appels des acteurs humanitaires visaient à réunir un montant total de 7,7 milliards de dollars pour porter assistance à la population civile, mais seulement 62,5 % avaient été reçus à la fin de l’année dernière.

« Après quatre années de crise, les appels humanitaires sont déjà réduits au strict minimum. Face à un financement insuffisant de l’aide, davantage de personnes dans le besoin devront recourir à des stratégies de survie désespérées, telles que le travail des enfants ou le mariage précoce, s’inquiète Jean-Patrick Perrin, chargé de plaidoyer humanitaire à Oxfam France.

Oxfam a calculé qu’en 2014, près de la moitié des grands donateurs du monde n’ont pas contribué équitablement à l’aide humanitaire, compte tenu de la taille de leur économie. C’est notamment le cas de la Russie (7 %), de l’Australie (28 %) et du Japon (29 %). Parmi les États qui ont donné leur part, voire plus, citons le Koweït (1107 %), les Émirats arabes unis (391 %), la Norvège (254 %), le Royaume-Uni (166 %), l’Allemagne (111 %) et les États-Unis (97 %).

Ces derniers mois, les souffrances des personnes touchées par la crise se sont encore aggravées. En effet, outre que les organisations de l’ONU ont dû réduire considérablement leur aide pourtant vitale, les pays voisins restreignent de plus en plus l’accès à leur territoire, et les civils se retrouvent piégés en Syrie.

« Au cours des trois premiers mois de 2015, les financements sont arrivés avec une lenteur exaspérante. Cette année, il manque 90,2 % des fonds à mobiliser suite aux appels humanitaires de l’ONU et de la Croix-Rouge, précise Jean-Patrick Perrin. Les donateurs réunis au Koweït doivent faire mieux que l’an dernier, sur un plan tant individuel que collectif. Seuls 32,8 millions de dollars ont été donnés à ce jour par la France, ce qui ne représente que 11% de sa part équitable. Tout comme ses partenaires, la France doit assumer pleinement son rôle dans le financement de la réponse humanitaire et augmenter sa contribution de toute urgence, pour ne pas décevoir les espoirs de millions de personnes dans le besoin.»

Outre le financement complet des opérations humanitaires, les États se réunissant au Koweït doivent également trouver d’autres moyens de faire face à la crise qui continue de s’aggraver. Oxfam appelle de nouveau les pays riches à accueillir 5 % des réfugiés parmi les plus vulnérables d’ici à la fin 2015, dans le cadre de solutions de réinstallation ou d’autres formes d’admission humanitaire. À l’heure actuelle, les engagements de réinstallation concernent moins de 2 % des 3,9 millions de réfugiés, et ce sans calendrier arrêté.

« De nombreux pays européens n’offrent aucune bouée de sauvetage. La France accueille 2400 réfugiés à travers l’un des programmes de réinstallation de l’ONU ou d’autres formes d’admission humanitaire, soit à peine plus de 20% de sa juste part. C’est très insuffisant, alors que chaque jour des réfugiés vivant dans des conditions épouvantables risquent leur vie en affrontant les dangers d’une traversée de la Méditerranée. L’Europe ne doit plus fermer les yeux », insiste Jean-Patrick Perrin.

Des pays ont montré l’exemple. L’an dernier, l’Allemagne, la Norvège, le Canada, la Suède et la Suisse se sont tous engagés à apporter une contribution à la réinstallation et aux financements humanitaires dépassant ou approchant leur juste part. L’Australie a, quant à elle, tenu ses promesses en matière de réinstallation, mais reste toujours loin du compte en ce qui concerne l’aide humanitaire.

Outre le financement de l’aide et la réinstallation, les États présents au Koweït ont suffisamment de poids pour mettre fin à la crise et aux terribles exactions dont souffre la population civile en Syrie. Conformément au communiqué de Genève de 2012, ils doivent s’unir pour appeler à relancer un processus politique de transition. Tous les États doivent également arrêter les envois d’armes et de munitions en Syrie, qui continuent d’alimenter le conflit.

Contact

Cécile Génot
Chargée de relations média
cgenot@oxfamfrance.org
01 77 35 76 02  / 07 82 63 47 57

Notes aux rédactions

L’analyse complète des financements reçus en 2014 et 2015 et des promesses de réinstallation faites à ce jour est disponible ici.

Oxfam a mis au point deux indicateurs clés pour déterminer le niveau d’engagement requis de chaque pays riche afin de contribuer équitablement à alléger les souffrances des personnes touchées par la crise en Syrie :

1.     La contribution de chaque pays au financement des efforts humanitaires par rapport à son poids économique (selon le revenu national brut).

2.      Le nombre de réfugiés syriens dans les pays voisins auxquels chaque État a promis d’accorder refuge par des offres de réinstallation ou d’autres formes de protection humanitaire, là encore par rapport à la taille de l’économie du pays donateur. Cela ne comprend pas le nombre de personnes ayant demandé et reçu le droit d’asile, dans la mesure où les États ont, en vertu du droit international, des obligations précises vis-à-vis des personnes qui arrivent sur leur territoire en demandant l’asile.