Les Conventions de Genève, pierre angulaire du droit international humanitaire, ont 60 ans cette semaine. Elles interdisent toute violence délibérée à l’encontre des civils, prohibent également toute violence ayant un impact disproportionné sur les civils au regard des objectifs militaires légitimes des parties à un conflit et imposent aux Etats de garantir que les populations civiles ont effectivement accès aux biens et aux services dont elles ont besoin pour survivre. Elles constituent l’instrument juridique le plus reconnu et ratifié à travers le monde.
Ces conventions sont pourtant régulièrement violées dans chaque conflit moderne. De l’Afghanistan à la République démocratique du Congo en passant par les jungles de Colombie, Oxfam est témoin des graves exactions où des civils, pris au piège des champs de bataille, sont pris pour cible et où des millions de personnes vulnérables sont privées d’une aide humanitaire urgente du fait des obstructions délibérées à l’acheminement de l’aide, des violences à l’encontre des travailleurs humanitaires et de l’intensité accrue des conflits. En Afghanistan, les morts de civils ont atteint en 2008 leur plus haut niveau depuis 2001. Durant les six premiers mois de cette année, plus de 1000 civils ont déjà été tués, soit un quart de plus qu’il y a un an. En RDC, il y a sept mois, une opération conjointe entre Kigali et Kinshasa, soutenue par les Nations unies, a déclenché une spirale de violence à l’encontre des civils, forçant plus de 250 000 personnes à fuir leurs maisons et causant des morts, dans l’indifférence. Les violences sexuelles à l’encontre des femmes, considérées comme des crimes contre l’humanité, continuent de constituer une pratique endémique de toutes les parties à ce conflit. Ces crimes ont également prévalu tout au long du conflit colombien, même s’il demeure largement invisible et méconnu en dehors de ce pays. Et cette liste tragique se poursuit. En s’efforçant de restreindre l’application des Conventions en faveur de ses propres objectifs, l’administration Bush a contribué à les affaiblir dans le monde entier. Abu Ghraib, les « redditions extraordinaires », les fortes pertes civiles en Irak par le passé et en Afghanistan, ainsi que le silence des Etats Unis sur les abus de ses alliés ont créé une impression dangereuse : que la « guerre contre le terrorisme » devait être gagnée coûte que coûte et que d’importantes souffrances civiles et la violation du droit international constituaient des prix acceptables à ce titre. Face à ces souffrances, il serait aisé d’affirmer que les Conventions ont échoué. Ce serait profondément dangereux. Leurs violations endémiques appellent une réaction forte, pas de la résignation. Nous n’avons pas besoin de réinventer le Droit International Humanitaire. Les Conventions de Genève demeurent le fondement de la tentative de l’humanité de limiter le coût brutal de la guerre. Ce dont nous avons maintenant besoin c’est que ces principes soient appliqués de manière cohérente et vigoureuse. En outre, en faisant valoir des « intérêts à protéger », certains pays peuvent être davantage convaincus que respecter les Conventions favorise la réussite politique et militaire d’une opération. Ainsi, en juin, le nouveau commandant américain en Afghanistan a illustré cette approche en déclarant que la « volonté de mener des opérations de façon à minimiser les pertes – même quand cela rend la tâche plus difficile – est essentielle ». Enfin, il devrait y avoir également une « pression pour protéger ». La responsabilité morale et légale des Etats de faire tout leur possible pour protéger les civils doit être convertie en un impératif politique. Cela nécessite une forte pression de la société civile et des media pour qu’au final tous les gouvernements élèvent aujourd’hui leurs exigences dans ce domaine, en particulier les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité. C’est à eux qu’incombe la principale responsabilité politique de garantir le respect du droit international humanitaire. De fortes pressions politiques, combinées à des actions pertinentes menées à temps sur le terrain et des sanctions ciblées contre les principaux responsables d’exactions ont effectivement contribué à réduire des violences. C’est bien de cela qu’il s’agit quand la France entend défendre le principe de la « responsabilité de protéger ». Cependant, le Conseil de Sécurité a trop souvent échoué à adopter les mesures urgentes nécessaires pour protéger les civils et garantir la mise en uvre effective des Conventions. Aucun calcul géopolitique ne saurait justifier cela. Ainsi, nous devons par exemple respecter nos obligations au regard du Droit international de garantir la fin du blocus de Gaza. En effet, en imposant depuis deux ans un blocus à tous les Gazaouis de manière indiscriminée et en poursuivant sa politique de colonisation, Israël perpétue de graves violations du Droit International Humanitaire. La France, y compris au cours de sa présidence de l’Union européenne, a eu des mots forts pour notamment condamner la poursuite de la colonisation. Il est temps de tirer toutes les conséquences juridiques qu’impliquent la poursuite de la colonisation et de la peine collective que constitue le blocus de Gaza. En laissant ces violations perdurer, la France contribue à l’affaiblissement global des Conventions de Genève et envoie le signal suivant : le droit international humanitaire peut être bafoué sans conséquences, rendant les civils d’autres pays encore plus vulnérables. La France a joué un rôle central pour qu’ait lieu cette année le premier débat au Conseil de Sécurité sur le droit international humanitaire. Pour que les Conventions de Genève continuent d’avoir un sens et un impact dans la vie des plus vulnérables victimes de la guerre, elle doit maintenant joindre le geste à la parole, pour tous les conflits.
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