Agrocarburants : la France cède aux lobbies et va à contre-courant de l’UE

Selon plusieurs sources, Ségolène Royal s’apprêterait à annoncer que la France se fixerait un objectif de consommation de 15% d’énergies renouvelables dans le secteur des transports pour l’horizon 2030. Pour Oxfam France, cette décision serait totalement inacceptable et en contradiction totale avec les objectifs que se fixe le gouvernement en matière de lutte contre les changements climatiques et l’insécurité alimentaire mondiale.

"Aucun objectif contraignant ne doit être défini dans le secteur spécifique des transports car nous sommes aujourd’hui dans l’incapacité d’atteindre ces objectifs sans recourir à l’utilisation massive d’agrocarburants produits sur des terres arables. Or ces derniers ont des impacts très négatifs sur la sécurité alimentaire mondiale et le climat : ils sont globalement plus polluants que les carburants fossiles, favorisent la déforestation et l’accaparement des terres, et accentuent la volatilité des prix alimentaires", souligne Clara Jamart d’Oxfam France.

Au niveau européen, la Commission l’a bien compris, et propose de ne pas fixer, dans le nouveau paquet énergie-climat, d’objectifs spécifiques de consommation d’énergies renouvelables dans le secteur des transports.

Si la France se dotait réellement d’un objectif national dans ce domaine, elle ne ferait que réitérer les erreurs du passé, préempter le processus de négociation européen et passer outre toutes les recommandations des scientifiques, de la société civile et des institutions internationales. 

"Encore une fois, le gouvernement français plie face à la pression des lobbies agro-industriels particulièrement puissants, et adapte sa politique pour continuer de permettre à Xavier Beulin, président de Sofiproteol et de la FNSEA, de bénéficier de ce que la Cour des Comptes a elle-même qualifié de ‘niche fiscale’ ", ajoute Clara Jamart1.

Lors de la réunion des Ministres européens de l’énergie qui s’est tenue à Bruxelles vendredi dernier, le texte de compromis proposé par la Présidence grecque sur la réforme des Directives Energies Renouvelables et Qualité des Carburants a été adopté. Ce texte propose notamment la mise en place d’un plafond d’incorporation à 7% d’agrocarburants dans les carburants traditionnels en Europe pour les objectifs définis à l’horizon 2020. Au cours des débats, la France s’est associée aux pays les plus conservateurs en matière de soutien aux agrocarburants afin de maintenir ce plafond à un niveau le plus haut possible, et a défendu les intérêts des agro-industries, au détriment des populations qui souffrent de la faim dans le monde2.

Cette annonce va à l’encontre des déclarations faites par Stéphane Le Foll dans son plan d’action sur la hausse des prix des céréales présenté en septembre 2012, dont l’un des objectifs était  de "promouvoir une position collective au niveau européen sur la pause du développement des biocarburants concurrents des usages alimentaires" 3.

La France, qui accueillera la Conférence climat des Nations unies en 2015, et qui s’est formellement engagée à soutenir une agriculture durable dans le cadre de l’Année Internationale des Agricultures Familiales, devrait montrer l’exemple et adopter des politiques énergétiques ambitieuses qui n’entravent pas le développement des pays du Sud.

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Notes aux rédactions

Selon le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE), les superficies consacrées aux agrocarburants ont presque triplé entre 2004 et 2008, passant de 13,8 à 35,7 millions d’hectares. Les conséquences sur les populations locales sont dramatiques puisqu’une partie d’entre elles sont expulsées pour laisser place à ces productions lucratives.

1. Dans son rapport de Février 2012, la Cour des Compte montrait que, sur la période 2005-2010, les producteurs français d’agrocarburants avaient reçu 2,65 milliards d’euros de l’Etat du fait de la défiscalisation partielle dont bénéficie leur production, dont 1,8 milliards d’euros uniquement destinés aux producteurs de biodiesel. Sur la même période, les producteurs de biodiesel auraient réalisé des investissements à hauteur de 500 millions d’euros. En seulement 5 ans, ces investissements productifs ont donc été remboursés près de 4 fois par les contribuables français. 

2. "les solutions adoptées ont un impact significatif sur les investissements déjà réalisés. Nous pensons donc qu’un taux d’incorporation à 7% de biocarburants produits à partir de céréales, de sucre ou d’huiles végétales constitue le minimum acceptable. Sur cette base, la République Tchèque, l’Estonie, la France, l’Espagne, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et la Slovaquie ne soutiendront la Directive lors du processus législatif que si cette question crucial n’est sujette à aucune modification future."

3. Le taux moyen d’incorporation d’agrocarburants dans les carburants traditionnels en Europe est de 5%. Une "pause dans le développement des agrocarburants" en Europe signifierait donc la mise en place d’un plafond d’incorporation à 5%, et non à 7%. C’est d’ailleurs un plafond à 5% qu’avait proposé la Commission Européenne au début du processus de réforme, en décembre 2012.

 


Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité de Christian Aid et Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.