Banques et calcul des émissions financées : de la théorie à la pratique, vite !

L’ORSE, l’ADEME, l’Association Bilan Carbone et la Caisse des Dépôts publient aujourd’hui un guide méthodologique d’estimation des émissions de gaz à effet de serre adapté au secteur financier, trois jours après l’annonce par la Société Générale de son retrait du projet Alpha Coal en Australie.

Pour les Amis de la Terre et Oxfam France, ces deux initiatives vont dans le bon sens, mais cachent encore l’envers du décor : l’augmentation des financements des banques françaises dans des secteurs incompatibles avec le changement climatique, notamment le secteur du charbon, le plus climaticide. Les banques privées doivent continuer sur le chemin de la transparence climatique, mais avant tout se retirer du secteur du charbon et se fixer des objectifs de réduction drastiques des émissions financées. Surtout, la France ne peut laisser ce débat aux seules mains du secteur financier et doit inscrire dans la loi sur la transition énergétique des mesures destinées à réorienter le secteur financier vers des investissements sobres en carbone.

Le calcul et la réduction des émissions de gaz à effet de serre issues des activités financées par les banques françaises constituent une demande prioritaire historique des Amis de la Terre depuis la publication de leur rapport « Banques françaises, banques fossiles ? » en 2007 (1). Jusqu’à présent, seule la publication des émissions « directes » issues du chauffage des agences bancaires ou du transport des salariés sont obligatoires et apparaissent dans leurs rapports annuels. Ces données sont totalement hors sujet puisque ces émissions « directes » sont marginales et ne représentent qu’une infime fraction des émissions « financées », de l’ordre de 1 pour 1000.

Les Caisses d’Epargne avaient été les plus innovantes sur ce sujet avec l’initiative de l’étiquetage développement durable des produits d’épargne incluant un volet climat, lancée en 2008, avant son abandon en 2012. Celle-ci avait permis une première estimation de l’empreinte carbone des banques françaises en 2010 (2). « Quatre ans plus tard,  plus de sept ans après notre première demande et alors que l’urgence climatique n’a jamais été aussi pressante, le secteur financier français dans son ensemble se dote enfin d’un guide méthodologique de calcul de ces émissions financées. Il était temps ! », s’exclame Yann Louvel, référent de la campagne Responsabilité des acteurs financiers privés aux Amis de la Terre.

Yann Louvel regrette toutefois la portée limitée de ce nouvel outil : « Malheureusement, le travail effectué pour l’élaboration de ce guide reste très partiel. Par exemple, la méthodologie ne prend pas en compte les émissions d’actions et d’obligations, alors que ce mode de soutien financier représente près de la moitié des soutiens des banques à certains secteurs comme celui du charbon, comme l’ont démontré les Amis de la Terre dans un récent rapport (3) ».

Cette méthodologie cache ainsi l’envers du décor : l’augmentation des financements des banques françaises au secteur du charbon, le plus climaticide. A un an de la conférence internationale Paris Climat 2015 et dans le cadre du vote de la Loi sur la transition énergétique, les Amis de la Terre et Oxfam France appellent non seulement les banques, mais aussi les pouvoirs publics à instaurer un calcul commun des émissions financées et à adopter des objectifs visant leur réduction drastique, en commençant par l’abandon de tout soutien au secteur du charbon.

Selon Lucie Pinson, chargée de campagne banques privées aux Amis de la Terre : « Quand on voit l’augmentation de plus de 200% du soutien financier des banques françaises au secteur du charbon, le plus climaticide, entre 2005 et 2013, et leur implication dans toujours plus de projets controversés fossiles aux quatre coins du monde, on ne peut être que dubitatif sur la capacité de ces acteurs à diminuer leurs émissions financées. Si la Société Générale s’est retirée d’Alpha Coal, elle continue de soutenir allègrement les multinationales du charbon, comme la BNP Paribas et le Crédit Agricole. »

Alexandre Naulot d’Oxfam France conclut : « Les banques ont certes montré la direction à prendre pour le calcul des émissions financées, mains elles peinent à passer de la théorie à la pratique. Le gouvernement et les parlementaires doivent dès lors agir. La France accueillera le prochain sommet climatique à Paris en 2015 : elle ne peut pas rester insensible à l’impact des banques et du secteur financier sur le changement climatique. Dans le cadre de la loi sur la transition énergétique, le gouvernement et les parlementaires doivent obliger le secteur financier à publier un bilan carbone public, à fixer des objectifs clairs de réduction de l’impact carbone de leurs investissements, et, avant tout, à interdire ces derniers dans le secteur du charbon ».

Contact

Yann Louvel, Les Amis de la Terre, +33 (0)6 88 90 78 68

Sarah Roussel, Oxfam France, +33 (0)1 77 35 76 10 / +33 (0)6 51 15 54 38

Notes aux rédactions

(1) Rapport « Banques françaises, banques fossiles ? », Les Amis de la Terre, Mars 2007.

(2) « L’empreinte carbone des banques françaises », Les Amis de la Terre et Utopies, Novembre 2010.

(3)  « Charbon : l’argent sale des banques françaises », Les Amis de la Terre, Octobre 2014