Budget 2018 : un signal négatif pour l’aide au développement et la lutte contre les inégalités

L’Assemblée nationale a voté aujourd’hui le premier budget du quinquennat qui envoie un signal inquiétant en matière de justice fiscale et fait l’impasse sur les engagements présidentiels en matière d’aide au développement.

Alors que les inégalités explosent et que la lutte contre la pauvreté reste un combat d’actualité, le Gouvernement et les parlementaires de la majorité sont restés sourds aux demandes des citoyens et d’ONG telles qu’Oxfam, mobilisées pour que le Parlement adopte des mesures plus ambitieuses contre les inégalités et pour la solidarité internationale.

Sur l’aide publique au développement, Emmanuel Macron a affirmé à de nombreuses reprises sa volonté d’y allouer 0,55 % du revenu national brut, or, le budget adopté aujourd’hui par l’Assemblée nationale ne permet pas à la France de se placer à la hauteur de cette ambition.

Michael Siegel, chargé de Plaidoyer sur l’aide au développement, réagit :« Le décalage entre les discours politiques et les actes est flagrant ! Avec une augmentation d’à peine 100 millions d’euros du budget de l’aide au développement en 2018, nous sommes encore bien loin des 6 milliards d’euros requis pour concrétiser l’engagement d’Emmanuel Macron à porter l’aide publique à 0,55 % de la richesse nationale d’ici à 2022. Alors que la faim a augmenté pour la première fois en dix ans, ce sont encore une fois les personnes les plus vulnérables qui seront les premières impactées par ce manque de leadership politique. »

Oxfam regrette en particulier que les parlementaires aient refusé d’affecter l’intégralité des recettes de la taxe sur les transactions financières à la lutte contre la pauvreté et le changement climatique, alors même que le Président Macron s’y était déclaré favorable fin septembre 2017 lors d’un discours prononcé à la Sorbonne [1].

Sur le volet de la justice fiscale,le constat est sans appel : avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et l’introduction d’un taux d’imposition unique du capital, ce sont au moins 5 milliards d’euros de cadeaux fiscaux qui vont être accordés au 1 % des Français les plus riches. Quant à la baisse progressive du taux d’imposition sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, elle confirme une course inquiétante au moins-disant fiscal entre les Etats, un fléau rappelé par le scandale des Paradise Papers.

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam :« Nous payons tous le prix de ces cadeaux fiscaux accordés à une minorité car l’Etat n’a pas d’autres choix pour compenser le manque à gagner que d’augmenter la fiscalité des ménages les plus pauvres ou de réduire ses dépenses dans les services publics essentiels. Les 3,5 à 4 milliards d’euros perdus d’ISF pourraient par exemple permettre à la France de plus que doubler son budget d’aide publique au développement pour lutter contre l’extrême pauvreté dans le monde ou de renoncer aux baisses prévues dans le budget du logement.

Le Gouvernement doit entendre l’indignation suscitée par cette réforme qui met à mal le principe même de justice fiscale. Emmanuel Macron doit de toute urgence rectifier la trajectoire sous peine de faire de son quinquennat celui des inégalités et d’être définitivement qualifié de Président des riches. »

Contact

Caroline Prak
cprak@oxfamfrance.org
06 31 25 94 74 /Twitter : @carolineprak

Notes aux rédactions

[1] Discours d’Emmanuel Macron sur l’Euope à la Sorbonne le 28 septembre 2017 : http://www.elysee.fr/declarations/article/initiative-pour-l-europe-discours-d-emmanuel-macron-pour-une-europe-souveraine-unie-democratique/

[2] Le 25 septembre 2017, Oxfam a publié une analyse de l’impact des principales réformes fiscales sur les inégalités en France. Le rapport« Réforme fiscale : les pauvres en paient l’impôt cassé » révèle notamment que les ménages les 10 % plus riches bénéficieront d’une hausse de revenus au moins 18 fois plus importante que les 10 % les plus pauvres. Le rapport analyse également la trajectoire des principaux impôts. Les recettes de l’impôt sur les sociétés ont baissé de 20 milliards d’euros ces dix dernières années (- 40%) alors que dans le même temps les bénéfices des entreprises françaises ont augmenté de 57 milliards d’euros ces dix dernières années (+ 10%). Par ailleurs, les impôts les plus régressifs – TVA et CSG – payés en plus grande proportion par les ménages les plus pauvres n’ont cessé d’augmenter ces 20 dernières années : les recettes de la CSG ont été multipliées par 6,7 et celles de la TVA ont augmenté de 72%.