A la veille de l’Assemblée générale de Carrefour, Oxfam France appelle le groupe à renoncer au versement de 179 millions d’euros de dividendes pour ses actionnaires et demande au gouvernement de prendre des mesures contraignantes, ambitieuses et durables pour exiger des grandes entreprises comme Carrefour qu’elles partagent plus équitablement leurs richesses avec leurs salariés, et en particulier celles et ceux qui sont en première ligne.

Sur la base de données publiées par Carrefour, Oxfam France met en lumière les inégalités criantes qui sont à l’œuvre au sein du groupe :

  • Aujourd’hui, le PDG, Alexandre Bompard gagne 410 fois plus que le salaire moyen de son entreprise.
  • Le PDG de Carrefour gagne l’équivalent de la prime de 1 000 euros promise aux salariés en 32 minutes de travail.
  • La réduction de 25% du salaire fixe du PDG en avril et mai 2020 représente seulement 0,8% du salaire total du PDG.
  • Si Carrefour versait la prime 1 000 euros à l’ensemble de ses 20 000 caissières et caissiers, cela représenterait seulement 11 % des dividendes 2019.

Pour Pauline Leclère, porte-parole d’Oxfam France : « Il est totalement indécent et incompréhensible que Carrefour décide de verser coûte que coûte des dividendes aux actionnaires alors que la prime de 1 000 euros promise aux salariés va se réduire à peau de chagrin et n’a fait l’objet d’aucune garantie claire. Un ‘deux poids deux mesures’ insupportable, encore plus en temps de crise où les salariés de la grande distribution ont été en première ligne ».

Cette crise est un miroir grossissant des inégalités dans les grandes entreprises et Carrefour ne fait pas exception. « Au-delà de la prime, le véritable enjeu c’est de mettre fin aux écarts vertigineux de salaires qui sont légions chez Carrefour. Ces 10 dernières années, l’écart entre la rémunération du PDG et le salaire moyen a été supérieur à 300 en moyenne, et cette année l’écart est de 410 » déclare Pauline Leclère.

Et la spirale des inégalités ne s’arrête pas à la France, elle sévit sur les chaines mondiales d’approvisionnement du groupe. Oxfam France a par exemple calculé que si Carrefour avait dédié en 2019, l’équivalent de 1% des dividendes versés à ses actionnaires à la juste rémunération des producteurs de crevettes, l’entreprise aurait pu assurer un salaire décent à plus de 5 000 producteurs et productrices.

Cette situation met en lumière la mainmise des actionnaires sur les choix stratégiques de l’entreprise, une tendance qui vaut pour la majorité des entreprises du CAC40. Cela se traduit notamment par une explosion de la rémunération variable des PDG – la part du salaire indexée sur les des indicateurs boursiers – par rapport à la rémunération fixe. « Quand Alexandre Bombard décide de baisser sa rémunération fixe de 25% en mars et en avril 2020, cela correspond à une baisse de 62 500 euros, soit… 0,8% de sa rémunération totale. On a vu mieux comme geste de solidarité ! » déplore Pauline Leclère.

« Si Carrefour a décidé de réduire de moitié les dividendes de l’année 2019, ce sont tout de même 179 millions d’euros de dividendes qui seront versés aux actionnaires. Comme Carrefour, au moins 21 entreprises du CAC40 ont décidé de verser des dividendes. La faute à un gouvernement français qui s’en remet à la bonne volonté des entreprises, avec des mesures trop timides et non contraignantes. Bruno Le Maire doit maintenant taper du poing sur la table et rectifier le tir ! Il serait inacceptable qu’un seul euro d’aide publique soit utilisé pour rémunérer des actionnaires ou payer des bonus aux PDG des grandes entreprises et que les salariés en paient les pots cassés ».

Et Pauline Leclère de conclure : « Les entreprises du CAC 40 sont aujourd’hui à la croisée des chemins. Elles peuvent décider de perpétuer un modèle défaillant et générateur d’inégalités ou bien entamer une transformation vers un modèle économique plus juste, plus durable et, in fine, plus résilient. Cela passe en priorité par le gel des versements de dividendes tant que durera la crise, par des revalorisations salariales et en fixant un écart maximum entre le salaire médian et le plus haut salaire ».

Contact presse

Pauline Leclère 07 69 17 49 63 pleclere@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions :

Oxfam demande au gouvernement de prendre rapidement des mesures ambitieuses, contraignantes et durables en direction des grandes entreprises, à commencer par Carrefour :
– Geler les versements de dividendes, de rachats d’actions et de bonus aux PDG – a fortiori quand elles ont bénéficié d’aide publique – le temps que durera la crise.
– Après la crise, encadrer le versement de dividendes pour afin de dégager des moyens pour financer la transition écologique et sociale.
– Fixer un écart maximum entre le salaire médian et le plus haut salaire.
– Revaloriser et améliorer les conditions de travail des bas salaires et en particulier les métiers à prédominance féminine.
– Améliorer la transparence sur les écarts de salaires, en publiant les salaires par quartile, par genre et par pays sur l’ensemble du groupe.
– Mettre en place une politique d’entreprise permettant de favoriser l’existence d’un salaire décent dans ses chaines d’approvisionnement.

Dans un communiqué en date 20 avril 2020, Carrefour a annoncé qu’Alexandre Bompard a fait part au Conseil d’administration de sa décision de renoncer à 25% de sa rémunération fixe pour une période de deux mois.

Carrefour a par ailleurs annoncé que dans le contexte exceptionnel de pandémie de Covid-19, son conseil d’administration, lors de sa séance du 20 avril 2020, avait décidé de réduire de 50% le dividende proposé au titre de l’exercice 2019, par rapport à ce qui avait été initialement annoncé le 27 févier 2020.