Changement climatique, paradis fiscaux, commerce d’armes et RSE … Les mauvaises notes des banques françaises

Oxfam France lance "Fair Finance France" (www.fairfinancefrance.org), un site qui évalue les politiques de crédit et d’investissement des cinq plus grandes banques françaises. L’objectif : dénoncer le comportement irresponsable des banques et les pousser à adopter de meilleures pratiques.

Sur la base de plus d’une centaine de critères, l’association note les groupes Banque Populaire-Caisse d’Epargne, BNP-Paribas, Crédit Agricole, Crédit Mutuel-CIC et Société Générale [1] sur leur impact à travers huit thématiques : le changement climatique, la fiscalité et la corruption, le commerce des armes, les droits humains, le droit du travail, l’environnement, les rémunérations et bonus. Au-delà de ces thématiques, Fair Finance France analyse également le degré de transparence des principales banques françaises.

L’évaluation de l’année  est sans appel : aucune banque n’a la moyenne. Si la plupart d’entre elles, notamment, la BNP-Paribas, la Société Générale et le Crédit Agricole, ont signé de nombreuses normes et standards internationaux et adopté d’innombrables politiques sectorielles sur des enjeux clés, ces engagements restent au mieux peu ambitieux, au pire très vagues. 

"A elles seules, les cinq plus grande banques françaises représentent 85% du marché national, gèrent un actif total de près de 8 500 milliards d’euros (4 fois le PIB de la France) et figurent dans le top 50 des plus grosses banques internationales. Afin d’éviter que ces financements soient dommageables à la société ou au changement climatique, les garde-fous sont essentiels. Or, clairement, aujourd’hui, ils sont insuffisants", explique Alexandre Naulot, responsable des questions financières à Oxfam France et coordinateur du projet Fair Finance en France. [2]

Voici quelques exemples figurant parmi les conclusions de cette évaluation :

  • Alors que la France accueille le sommet sur le climat (COP21) en décembre 2015 et que les cinq plus grosses banques françaises affirment se préoccuper de l’impact de leurs activités sur le changement climatique, aucune ne s’interdit de financer l’énergie fossile la plus polluante, le charbon. Entre 2005 et 2014, elles ont accordé des financements à hauteur de 30 milliards d’euros au secteur du charbon, plaçant ainsi la France au rang du 5e financeur mondial du charbon. [3]
  • A l’exception du Crédit Agricole, qui fait des efforts notables mais incomplets dans le calcul de son empreinte carbone [4], aucune banque ne calcule les émissions de CO2 induites par les projets et les entreprises qu’elle soutient. Conséquence logique de cet « oubli » coupable : jusqu’ici aucune banque ne s’est fixé d’objectif de réduction de CO2 cohérent avec un maintien du réchauffement en dessous de 2°.
  • Aucune banque n’exclut d’être implantée dans les paradis fiscaux et ne s’est clairement engagée à payer des impôts en fonction de son activité économique réelle, et non après transfert de ses bénéfices dans les paradis fiscaux. [5] 
  • Toutes ces banques se permettent d’octroyer des bonus pouvant atteindre jusqu’à 200% du salaire fixe. L’exception prévue par la législation européenne – verser le double de la rémunération fixe à condition que les actionnaires donnent leur feu vert – est donc devenue la règle. Enfin, aucune ne fixe de limite maximum entre les rémunérations les plus basses et celles les plus élevées. 

Au-delà des lacunes abyssales des politiques d’investissements des cinq banques françaises soumises à cette notation, Fair Finance France dénonce également l’impact de leurs investissements réels, et produira régulièrement des études de cas afin de vérifier la mise en pratique effective des engagements des banques.

"En cette année particulièrement cruciale pour le climat, il est temps pour les grandes banques françaises de se montrer à la hauteur des enjeux, et de prendre dès maintenant des engagements concrets et ambitieux. Elles doivent évaluer par un calcul honnête et complet les émissions de CO2 dont elles sont responsables, et mettre fin à leur soutien aux énergies les plus polluantes, à commencer par le charbon" selon Alexandre Naulot.

Au-delà de la notation des banques et de la publication d’informations sur leurs investissements, Fair Finance France fournit aux citoyens des moyens d’agir pour interpeller les banques afin qu’elles prennent de réels engagements. Depuis le site www.fairfinancefrance.org, ils pourront envoyer directement un e-mail à leur banque afin de leur demander d’améliorer leur responsabilité sociétale et environnementale.

Contact

Marion Cosperec : mcosperec@oxfamfrance.org– 06 30 46 66 04

Notes aux rédactions

[1] La sélection des banques française est fondée sur le classement 2014 des plus grandes françaises au niveau international en termes d’actifs gérés réalisé par Relbanks. L’étude porte sur les groupes BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, le Groupe BPCE, et le Crédit Mutuel-CIC. Les principaux gestionnaires d’actifs de ces groupes sont inclus dans l’évaluation de la politique des groupes mentionnés. La méthodologie utilisée pour établir les notes des banques est disponible sur demande et accessible sur le site internet www.fairfinancefrance.org. Cette méthodologie, établie en collaboration avec le bureau d’études Profundo, évalue le contenu des politiques de crédit et d’investissements des principales banques françaises sur la bases des principales conventions, traités, législations, recommandations, et meilleures pratiques développées au niveau international. Seuls les documents publics des banques (rapports annuels, documents de références, rapports RSE) ont été pris en compte. Les notes seront actualisées chaque année. Enfin la méthodologie sera revue au rythme de la parution de nouveaux standards et les thèmes élargis en fonction des priorités de l’initiative Fair Finance France.

[2] Fair Finance France fait partie d’une initiative internationale, Fair Finance Guide International, qui a pour objectif de créer, dans différents pays à travers le monde, des coalitions d’associations poussant les banques à améliorer leurs politiques et pratiques d’investissement et de crédit. Pour plus d’information et la liste des pays : www.fairfinanceguide.org

[3] Voir le rapport "Banking on Coal" de l’association BankTrack et "L’argent sale des banques françaises" de l’association Amis de la Terre

[4] Le Crédit Agricole publie un montant de ses émissions de CO2 financées. Cependant, leur calcul ne prend pas en compte la gestion d'actifs ainsi que les émissions d'actions et d'obligations. Or, ces services financiers représentent plus du tiers de ses soutiens à certains secteurs comme celui du charbon. Pour plus d’informations, voir le communiqué de presse "Banques et calcul des émissions financées : de la théorie à la pratique, vite !" d’Oxfam France et d’Amis de la terre sur sujet, diffusé le 9 décembre 2014.

[5] Sur la base de la liste des paradis fiscaux et judiciaires établie par le Tax Justice Network et la Plateforme Paradis fiscaux et Judiciaires.