Charbon : le mauvais calcul des banques françaises

A quelques jours du Climate Finance Day et alors que la France accueillera le sommet de l’ONU sur le climat en décembre, les Amis de la Terre, Oxfam France et Fair Finance France, soutenus par une coalition d’associations sud-africaines publient une étude accablante « Charbon : le mauvais calcul des banques françaises ». Cette étude démontre à travers l’exemple des deux méga centrales à charbon de Medupi et Kusile (Afrique du Sud) pourquoi les banques françaises ne peuvent plus continuer à financer le secteur du charbon.

Energie climaticide, source d’inégalités et d’impacts sanitaires graves pour les populations les plus pauvres, le charbon a bénéficié d’un soutien des banques françaises estimé à près de 30 milliards d’euros ces dix dernières années. Les associations demandent aux banques notamment d’y mettre un terme. Vendredi 22 mai, au Climate Finance Day, les banques mettront en avant leurs solutions dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Mais l’effort à faire est immense : non seulement les cinq principales banques françaises ont soutenu à hauteur de 30 milliards d’euros le charbon –  plaçant ainsi la France en 4ème position des plus gros financeurs du charbon entre 2005 et avril 2014 – mais ces soutiens ont également augmenté de 218 % entre 2005 et 2013. Le charbon est l’énergie fossile la plus polluante, 80 % de ses réserves doivent aujourd’hui rester dans le sol si l’on veut limiter la hausse des températures du globe à 2 °C.

Alors que l'Afrique du Sud produit déjà 90 % de son électricité à partir de charbon et bien qu’elle dispose de l’un des plus forts potentiels en énergies renouvelables au monde, les banques françaises y ont soutenu la construction des centrales à charbon de Medupi et Kusile. Ces deux centrales émettront ensemble environ 60 millions de tonnes de CO2 par an, soit assez pour augmenter de 17 % les émissions de l’Afrique du Sud. Des projets qui compromettent sévèrement la réalisation de ses objectifs de  réduction de ses émissions de CO2 de 34 % d’ici à 2020 (2).

Malgré leur fort potentiel énergétique de 4 800 MW chacune, les centrales de Medupi et Kusile ne bénéficieront pas aux populations locales et vont au contraire accroître les inégalités déjà existantes. Ces deux centrales étaient pourtant présentées comme une solution à l’insécurité énergétique du pays et devaient favoriser l’accès pour tous à l’électricité. Une électricité dont les tarifs ne cessent d'augmenter d'année en année, excluant une part grandissante de la population d'un réel usage quand une minorité d’industriels et d’entreprises bénéficient de tarifs avantageux négociés et s’accaparent les bénéfices du charbon (3). Une quarantaine d’entreprises, membres du « Groupe des plus grands utilisateurs d’énergie » (4), consomment ainsi 45 % de l’électricité du pays.

Alors que l’impact du charbon sur le climat n’est plus à démontrer, les banques françaises jouent aujourd’hui la carte des améliorations technologiques et de l’efficacité énergétique afin de continuer à soutenir ce secteur. Mais même avec de tels critères, elles pourront financer de nouvelles méga- centrales, comme le montre déjà les cas de Medupi et Kusile, qui ne parviendront jamais à concilier ce qui ne peut l’être : le soutien au charbon et la lutte contre le changement climatique.  

Pour les Amis de la Terre France et Oxfam France, il n'est donc plus possible pour les banques de fermer les yeux sur les impacts sociaux, environnementaux et climatiques du charbon. « Les banques ne peuvent plus justifier leurs soutiens à une énergie dévastatrice au nom du développement. L'exemple de l’Afrique du Sud montre que le charbon est non seulement climaticide mais ne sera jamais une solution pour les populations les plus pauvres, qui sont les premières à souffrir de ses pollutions sans en tirer de bénéfices significatifs en termes d'accès à l'énergie» déclare Lucie Pinson, chargée de campagne Finance privée / Coface au sein des Amis de la Terre. Elle poursuit : « alors que les énergies renouvelables sont désormais compétitives, voire moins chères dans certains pays, comme l'Afrique du Sud, il est temps que les banques s'engagent à mettre un terme à leurs soutiens au secteur du charbon ». 

« Si la France entend réellement être leader dans la lutte contre les changements climatiques, elle  ne peut pas laisser les banques continuer à polluer sans complexe. Le gouvernement et les parlementaires doivent, avant la COP21, proposer une loi afin d’obliger le secteur financier à publier son empreinte carbone, et stopper tout soutien au charbon »déclare Alexandre Naulot, coordinateur du projet Fair Finance France et responsable des questions financières au sein d’Oxfam France.

Les clients des principales banques françaises peuvent également faire entendre leur voix, en interpellant leur banque via les sites jechangedebanque.eu et Fair Finance France (www.fairfinancefrance.org). C’est aussi par leur mobilisation que la finance deviendra enfin plus responsable, dans ses discours et dans ses pratiques.

Contact

Marion Cosperec
Chargée des relations média
mcosperec@oxfamfrance.org
01 77 35 76 00  / 06 30 46 66 04

Notes aux rédactions

Notes aux rédactions :

(1)   Engagement pris en 2009, à la conférence de Copenhague.

(2)   Le secteur industriel et minier consomme plus de 60% de l’électricité produite, un chiffre qui monte à 75% si on intègre le commerce. Par ailleurs, ces secteurs bénéficient aussi d’un tarif jusqu’à 7 fois inférieur à celui de la population. Les industries et les entreprises minières n’ont respectivement connu qu’une hausse du prix de l’électricité de 15,71 % et de 17.26 % entre 1993 et 2006/2007 alors que les populations ont subi une hausse de 35,18%. Accusant plusieurs années de retard, les coûts de Medupi et Kusile ont explosés – passant de 11 à plus de 24 milliards d’euros. Afin de faire face aux intérêts, Eskom ne cessent d’augmenter les prix de l’électricité vendue aux particuliers. Le prix moyens entre les différents utilisateurs a été multiplié par 5 entre 2008 et 2012. Eskom s’est vu autorisé une augmentation annuelle de 8% jusqu’en 2018, qu’il demandait à faire monter à 12% pour 2015-2016.

(3)   Le « Groupe des plus grands utilisateurs d’énergie » regroupe les grandes entreprises présentes en Afrique du Sud, notamment Sasol, Transnet et ses différentes filiales, Xstrata Alloys, Lonmin, Goldfields, Arcelor Mittal, BHP-Billiton, Assmang, Samancor, Exxaro, Kumba, Evraz Highveld, Implats… Pour plus d’informations : www.eiug.co.za