L’Organisation de Coopération et Développement Economique (OCDE) a rendu publics aujourd’hui des chiffres en léger rebond concernant l’aide publique au développement (APD) en 2019 après deux ans de baisse. Au niveau français l’aide continue sa hausse des dernières années, mais reste néanmoins largement insuffisante comme le démontre cruellement la pandémie de coronavirus, a réagi aujourd’hui Oxfam France.

Pour Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de plaidoyer Aide publique au développement chez Oxfam France : « Nous saluons cette hausse, mais l’actuelle pandémie rappelle que la France n’a toujours pas tenu sa promesse de dédier 0,7% de sa richesse au développement des pays pauvres et le monde en paie aujourd’hui les conséquences : infrastructures de santé insuffisantes, manque de personnels soignants, absence de filets de protection sociale. Nos promesses de solidarité non tenues hier se paient aujourd’hui à travers le manque de préparation des pays les plus pauvres pour faire face aux chocs sanitaire, économique et social de la pandémie. »

Selon les estimations, si rien n’est fait la pandémie de coronavirus pourrait provoquer la mort de 40 millions de personnes dans le monde et faire sombrer un demi-milliard d’individus dans la pauvreté. Selon les Nations unies, il faudrait mobiliser 2 500 milliards de dollars américains pour aider les pays en développement à faire face à l’impact de la pandémie dont 500 milliards sous forme d’aide publique au développement supplémentaire.

« Sur ces 500 milliards, Oxfam calcule l’effort à consentir de la part des pays bailleurs de l’OCDE à 293 milliards de dollars, soit moins que la fortune combinée des 3 hommes les plus riches du monde. Pour la France ce sont 16,5 milliards de dollars en plus des actuels niveaux d’aide. C’est un effort très important alors que le pays doit également gérer les conséquences économiques de la pandémie ici, mais comme le Président Macron l’a dit : “nous devons la solidarité à l’Afrique[i]” » explique Louis-Nicolas Jandeaux.

Et de préciser : « Cette solidarité souligne les profondes inégalités dans la répartition des richesses. L’effort de 16,5 milliards représente à peine 18% de la richesse de Bernard Arnaud, patron de LVMH et première fortune de France. Nous avons laissé pendant des années s’accumuler des richesses incroyables dans les mains de quelques hommes pendant qu’une grande partie de l’humanité se débattait dans la pauvreté. Aujourd’hui que l’effort de solidarité est vital face à une pandémie qui nous touche tous, il n’est plus question de faire l’économie d’une meilleure répartition des richesses à travers notamment une fiscalité plus juste et progressive qui permette de répondre aux besoins de solidarité internationale à travers notre aide publique au développement. »

Informations complémentaires :

Si ces 10 dernières années la France avait tenu sa promesse de dédier 0,7% de son Revenu National Brut (RNB) à la solidarité internationale, ce sont 65 milliards d’euros supplémentaires qui auraient été mobilisés pour appuyer les pays en voie de développement, et notamment garantir l’accès aux soins de santé de 750 millions de personnes.

La hausse de l’APD française s’explique notamment par une importante hausse des volumes d’APD en soutien aux instruments du secteur privé et aussi un pic des frais d’accueil des réfugiés. Sur ce dernier point, nous enregistrons une hausse de plus de 45%, les frais d’accueil des réfugiés représentant désormais près de 10% de l’APD française.

L’Agence française de développement a annoncé la semaine dernière mobiliser 1,2 milliards d’euros en appui aux systèmes de santé en Afrique pour faire face au coronavirus, cependant cette somme n’est pas de l’argent frais mais la réorientation de financements existants. Pire, à peine 150 millions se feraient sous forme de dons, le reste correspondant à des prêts à hauteur d’1 milliard d’euros, alimentant encore plus l’endettement de ces pays. Aujourd’hui les encours de créance de la France sur des Etats étrangers sont à 60% issus de prêts d’APD. Voir : https://www.oxfamfrance.org/communiques-de-presse/coronavirus-la-france-ne-doit-pas-endetter-encore-plus-les-pays-pauvres/

La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a estimé les besoins face au COVID-19 pour les pays en voie de développement à 2 500 milliards, dont 1 000 milliards à financer par de l’annulation de dettes, 1 000 milliards par l’émission de droits de tirage spéciaux par le FMI, et 500 milliards par de l’aide au développement supplémentaire : https://unctad.org/en/pages/newsdetails.aspx?OriginalVersionID=2315

La méthodologie utilisée par Oxfam pour calculer la quote-part équitable des pays riches dans l’aide à apporter au coronavirus est basée sur le Revenu National Brut (RNB) de chaque bailleur. Les membres du Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE représentent 58,52% du RNB mondial, donc leur quote-part équitable collective de quelconque appel international aux dons est de 58,52%. La quote-part équitable de chaque membre du CAD correspond à leur RNB divisé par le RNB collectif du CAD et multiplié par la quote-part équitable du CAD.

 

[i] Interview du Président Emmanuel Macron sur RFI, 15 avril 2020, http://www.rfi.fr/fr/podcasts/20200415-emmanuel-macron-rfi-afrique-raoult-coronavirus-covid-dette