L’Organisation de Coopération et Développement Economique (OCDE) a rendu publics aujourd’hui des chiffres en hausse de 3,5% concernant l’aide publique au développement (APD) en 2020 par rapport à 2019. L’APD totale équivaut à 0.32 % du revenu national brut (RNB) combiné des donneurs du Comité d’Aide au Développement de l’OCDE. Au niveau français, l’aide est en forte augmentation passant de 0,44% du RNB en 2019 à 0,53% en 2020, soit une hausse de plus d’1,1 milliard d’euros. Cette évolution est cependant à fortement nuancer tout d’abord car elle est la conséquence d’une chute sans précédent du revenu national brut l’an passé qui tend à surévaluer l’effort budgétaire réel de l’Etat, mais aussi car cette aide demeure en grande partie inadaptée comme le démontre la crise actuelle et les besoins qui l’accompagnent, a réagi aujourd’hui Oxfam France.

Pour Louis-Nicolas Jandeaux, chargé de plaidoyer Aide publique au développement chez Oxfam France : « Nous saluons cette hausse en France, cependant il est primordial de souligner les grandes faiblesses de notre aide au développement. En 2020, plus de 70% de la hausse de l’APD française s’est faite sous forme de prêts, à rebours des besoins des pays pauvres qui font actuellement face à une crise du surendettement sans précédent. La France fait là un choix politique, en s’entêtant à privilégier les prêts aux dons. Pourtant les pays les plus pauvres de la planète ne peuvent plus s’endetter, alors que ce sont leurs populations, en particulier les femmes, qui font face depuis un an aux plus grands défis sanitaires, sociaux et économiques !».

L’extrême pauvreté a augmenté en 2020 pour la première fois depuis plus de 20 ans, ce sont 150 millions de personnes qui pourraient basculer dans cette catégorie à cause de la crise du coronavirus. Malgré des appels répétés depuis un an de la société civile ou même des Nations Unies, l’aide au développement n’a été globalement que très peu renforcée. La France a même fait le choix de conserver son budget dédié à la solidarité internationale au niveau qui avait été prévu avant la crise.

« La France n’a toujours pas tenu sa promesse de dédier 0,7% de sa richesse nationale au développement des pays pauvres et le monde en paie aujourd’hui les conséquences. Par exemple la contribution française au mécanisme de solidarité international fournissant les vaccins anti-covid 19 aux pays les plus pauvres est particulièrement faible. Or, si elle respectait cet engagement cinquantenaire en matière d’aide au développement, elle disposerait de 3,8 milliards d’euros supplémentaire, de quoi financer plus de trois fois la somme attendue d’elle. Car nous le savons, si nous ne vaccinons pas toute la planète d’ici un an, y compris les pays les plus pauvres, nous sommes tou-t-e-s perdant-e-s » explique Louis-Nicolas Jandeaux.

Et de préciser : « Malgré l’engagement écrit dans la loi de – s’efforcer à consacrer 0,7% du RNB en 2025 – à l’aide au développement, le gouvernement se refuse toujours d’y associer une trajectoire précise en volume. Il appartient désormais aux sénateurs et sénatrices de détailler, dans la loi, les moyens à mobiliser pour s’assurer de respecter enfin cet objectif au plus vite ».

Notes aux rédactions :

L’engagement de dédier 0,7% du RNB pour le développement des pays les plus pauvres a été pris pour la première fois en 1970 au niveau de l’Organisation des Nations Unies (ONU). En 2019 le Luxembourg, le Danemark, la Norvège, la Suède et le Royaume-Uni avaient atteint, et pour certains même dépassé, l’objectif des 0,7%.

En octobre 2020, Oxfam a publié un rapport calculant à 2000 milliards d’euros la dette accumulée par les nations les plus riches de la planète envers les pays du Sud après 50 ans de non-respect de cette promesse historique.

Si ces 10 dernières années la France avait tenu sa promesse de dédier 0,7% de son Revenu National Brut (RNB) à la solidarité internationale, ce sont 65 milliards d’euros supplémentaires qui auraient été mobilisés pour appuyer les pays en voie de développement, et notamment garantir l’accès aux soins de santé de 750 millions de personnes.

Cette crise a frappé dans un monde où les femmes gagnent généralement moins, particulièrement en Afrique elles sont surreprésentées dans les secteurs de l’économie les plus durement touchés et les plus exposées par la pandémie mondiale. Le poids du travail domestique non rémunéré a d’autant plus pesé sur le dos des femmes et risque de venir creuser encore plus durablement les inégalités économiques.

En se référant au tableau de programmation présent en annexe du projet de loi relatif au développement et à la lutte contre les inégalités mondiales, il apparait que la hausse de l’aide au développement en 2020 est très majoritairement conséquence de la hausse des « prêts bilatéraux de l’Agence Française de Développement au secteur public ».  Dans un rapport publié en octobre dernier, Oxfam France rappelait que la part des prêts dans l’aide bilatérale française est en augmentation constante depuis une dizaine d’années ce qui l’incite à investir dans les pays à revenu intermédiaire au détriment des PMA, et dans les secteurs potentiellement profitables au détriment des secteurs sociaux.

La France, en terme de ratio prêts/dons au sein de son APD, fait partie des trois plus gros « prêteurs » derrière le Japon et la Corée du Sud, alors que des pays comme le Danemark ou l’Australie ont une APD exclusivement constituée de dons

En 2020 la France demeure le premier pays bénéficiaire de sa propre aide au développement avec entre autre un pic de la comptabilisation des frais d’accueil des réfugiés qui représentent près de 15% de l’APD française mais aussi les bourses des étudiants étrangers permettant à notre aide au développement dédiée à l’éducation de doubler.

Contact : Louis-Nicolas JANDEAUX | lnjandeaux@oxfamfrance.org |+33 6 49 15 58 60