« Alors que les pays donateurs se réunissent aujourd’hui à Genève, la crise force les familles à recourir à des mesures désespérées pour survivre »

A quelques jours du 4e anniversaire du conflit au Yémen, Oxfam publie une note informative « Yemen’s shattered food economy » qui fait état de la situation humanitaire dans laquelle est plongée une grande partie de la population. Le conflit qui touche le Yémen, la hausse des prix des aliments et la chute des revenus poussent aujourd’hui les Yéménites à prendre des mesures désespérées pour lutter contre la faim. Cette mise en garde se produit alors même que les pays donateurs, dont la France, se réunissent à Genève aujourd’hui pour de nouveaux pourparlers sur leur aide face à la crise humanitaire au Yémen. En effet, depuis l’escalade du conflit en 2015, les prix des aliments au Yémen ont explosé tandis que les revenus des ménages se sont effondrés. Par conséquent, des denrées de base sont désormais hors de portée d’une grande partie de la population : 14 millions de personnes, soit à peu près le 50% de la population, se trouvent au bord de la famine.

Selon l’ONU, le Yémen est à ce jour le théâtre de la pire crise humanitaire au monde. L’aide humanitaire qu’il reçoit ne suffit pas à résoudre la crise qui touche ses habitants, dépendants fortement des importations, délibérément affaiblies par les parties en conflit.

Pour Jon Cerezo, responsable de la campagne humanitaire à Oxfam France : « Les frappes aériennes, la présence de mines terrestres et la situation de blocus à laquelle les principaux ports sont soumis empêchent un bon acheminent des vivres auprès de la population. Les containers sont bloqués tandis que la population qui attend des denrées telles que le lait en poudre, l’huile, ou les médicaments se retrouvent démunie. Les pays donateurs comme la France doivent impérativement apporter une réponse politique au conflit. Mais la France doit également cesser ses ventes d’armes vers les pays en conflit au Yémen, notamment quand il est prouvé qu’elles servent à commettre des violations du droit international humanitaire. »

Oxfam, qui est présente dans 8 gouvernorats du Yémen, a rencontré plusieurs familles dans le gouvernorat d’Amran, au Nord du pays. Affamées et délaissées après avoir été contraintes d’abandonner leur foyer, elles se sont vues obligées de marier leurs filles (dans un cas, la fillette n’avait que trois ans) pour pouvoir acheter des vivres et trouver un abri afin de sauver le reste de la famille. Bien que le mariage précoce soit une pratique de longue date au Yémen, il est révoltant de constater que des filles sont mariées à un si jeune âge en désespoir de cause pour se procurer de la nourriture.

Le mariage n’est généralement pas consommé tant que les filles n’ont pas atteint l’âge de 11 ans. Toutefois, avant cela, elles sont tenues d’effectuer des travaux ménagers dans la maison de leur mari. Depuis qu’elle est mariée, Hanan, neuf ans, ne peut plus fréquenter l’école. Elle témoigne : « Ma belle-mère n’arrête pas de me battre. Si je m’enfuis et que je retourne chez mon père, il me bat à son tour pour m’être enfuie. Je ne veux pas être mariée. Je veux juste retourner à l’école ». Les parents de Hanan, qui ont aussi arrangé le mariage de sa sœur de trois ans, disent être conscients du tort qu’ils ont causé à leurs filles en les mariant si tôt, mais affirment qu’ils n’avaient pas d’autre choix, car la dot payée en retour était le seul moyen de maintenir le reste de la famille en vie.

D’après Muhsin Siddiquey, directeur pays d’Oxfam au Yémen : « À mesure que la guerre se prolonge, la population a recours à des méthodes de plus en plus drastiques pour pallier le manque de nourriture. Les parents sont contraints de prendre des décisions qui ruinent la vie et l’avenir de leurs enfants. Il s’agit là d’une conséquence directe d’une catastrophe humanitaire provoquée par l’Homme et causée par le conflit. La communauté internationale doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les hostilités prennent fin et que la population dispose de la nourriture, de l’eau et des médicaments qui lui font si cruellement défaut ».

Les combats ont poussé de nombreuses familles à fuir vers des régions isolées, dépourvues d’infrastructures de base, d’écoles, de réseaux d’adduction d’eau, de systèmes d’assainissement appropriés et de centres de santé. Beaucoup d’entre elles vivent dans des tentes ou de petites maisons en terre qui n’offrent que peu de protection contre le soleil, la pluie et les températures glaciales des nuits d’hiver. En l’absence de revenu et avec des possibilités d’emploi très limitées, de nombreuses familles n’ont pas les moyens de se procurer suffisamment de nourriture. Elles en sont réduites à jeûner une bonne partie de la journée, se nourrir exclusivement à base de pain et de thé, acheter des vivres à crédit ou mendier.

Les familles yéménites comptent parfois une quinzaine de membres, y compris des personnes âgées qui nécessitent des soins spéciaux et des médicaments. Ces besoins augmentent encore les dépenses de la vie courante, qui sont pourtant déjà insurmontables pour bon nombre de familles.

Il y a un peu plus d’une semaine, le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale et les Houthis sont parvenus à un accord sur la première phase de retrait des combattants de la ville portuaire stratégique de Hodeïda, à la suite des pourparlers qui se sont tenus en Suède au mois de décembre. Cet accord est l’aboutissement de négociations laborieuses et on ignore encore quelle sera l’étendue de ses répercussions, si tant est qu’il y en ait.

Jon Cerezo, complète : « Les bailleurs de fonds qui se réunissent aujourd’hui à Genève pour promettre leur aide au Yémen doivent s’assurer que le financement offert sera suffisant pour couvrir les besoins élémentaires de la population en alimentation, en eau et en médicaments. Cependant, seul l’arrêt des hostilités pourrait enrayer l’engrenage destructeur qui force actuellement les Yéménites à recourir à des mesures désespérées pour survivre. L’ensemble des parties en conflit et des entités qui les financent doivent s’engager sans réserve en faveur d’un cessez-le-feu à l’échelle du pays et prendre des mesures concrètes pour instaurer un processus de paix inclusif ».

Contact presse :
Jon Cerezo, responsable de campagne humanitaire : 06 51 15 54 38

Notes aux rédactions :

La note d’Oxfam « Yemen’s shattered food economy » est disponible ici (uniquement en anglais)

Des études de cas sur les familles touchées par la faim au Yémen sont disponibles ici. Les noms des enfants ont tous été modifiés.