Crise financière et développement : les droits de l’homme et les avancées dans la lutte contre la pauvreté et le changement climatique sont menacés

La semaine dernière, le gouvernement américain injectait 28,2 milliards d’euros (37,8 milliards de dollars) dans la compagnie d’assurance AIG afin de couvrir son déficit, amenant le montant total des prêts accordés à cette seule compagnie à près de 91,7 milliards d’euros (123 milliards de dollars). Cela représente 13,4 milliards d’euros (18 milliards de dollars) de plus que le montant annuel de l’aide aux pays pauvres, et deux fois plus que le montant nécessaire pour atteindre les objectifs que s’est fixé la communauté internationale dans le cadre des objectifs du Millénaire pour le Développement. En Europe, les renflouages continuent. Le gouvernement britannique a injecté 37,3 milliards d’euros (50 milliards de dollars) supplémentaires afin de recapitaliser le secteur bancaire, ce qui constitue à peu près le montant nécessaire aux pays pauvres pour s’adapter au changement climatique.

L’empressement dont font preuve les pays riches pour régler les problèmes liés à la crise financière contraste totalement avec leur manière de se dérober et de ne pas tenir leurs promesses en matière d’aide, de lutte contre la pauvreté, de protection des droits de l’homme et de lutte contre le changement climatique.

Il est encore trop tôt pour estimer de manière précise à quel point les pays les plus pauvres seront touchés par la crise financière et le ralentissement économique qui en découle. Mais il est clair que la réduction des demandes d’exportations dans les pays en développement, ajoutée à la baisse des investissements étrangers, laissent entrevoir une perspective de ralentissement de la croissance et une réduction des recettes publiques dans des pays déjà faibles en matière de services et de protection sociale.

Pour les millions de citoyens les plus pauvres de ce monde, cela renvoie littéralement à une question de vie ou de mort. Dans de nombreux pays, les filets de sécurité ont été détruits sous la pression des institutions financières internationales, laissant les populations vulnérables sans aucune protection. Fin septembre, tandis que les projecteurs étaient braqués sur Wall Street mise au tapis par la crise financière, une réunion organisée par les Nations Unies à Manhattan révélait que très peu de gouvernements seraient capables d’atteindre les objectifs fixés par le Millénaire pour le Développement, qui visent une réduction significative de la pauvreté d’ici à 2015. Au cours de cette réunion, il a également été confirmé que la montée des prix alimentaires et énergétiques avait anéanti une bonne partie des progrès effectués jusqu’à présent.

Les pronostics en matière de droits de l’homme ne sont pas bons. Non seulement les droits socio-économiques (y compris les droits au logement, à la santé et à l’éducation) sont soumis à une pression croissante, mais le risque de violation des droits de l’homme grandit. Avec une économie en récession et des pays qui se serrent la ceinture, les émigrés et les réfugiés vivent dans le risque permanent de replonger dans des situations insoutenables. Les tensions sociales sont susceptibles de s’aggraver, poussant les gouvernements déjà nerveux à mener une répression contre les dissidents et à imposer une politique de sécurité publique sévère, et réduisant considérablement les libertés civiles. Des états déjà fragiles risquent d’être affaiblis encore davantage par la crise actuelle et de glisser dans l’instabilité et la violence.

Le pire reste encore à venir si les pays riches décident d’utiliser la crise financière comme excuse à la réduction de l’aide et des échanges commerciaux. L’histoire ne fait que confirmer les craintes. Lors de la récession de 1972/73, l’aide d’urgence globale a chuté de 15 %, tombant à 21,5 milliards d’euros (28,8 milliards de dollars). En 1990/93, les bailleurs de fonds ont diminué leurs financements de 25 % sur une période de cinq ans, chutant à 34,3 milliards d’euros (46 milliards de dollars). Ce n’est qu’en 2003 que le montant des aides de 1992 a été de nouveau égalé. L’aide humanitaire (c'est-à-dire les montants dépensés pour aider les gens frappés par les catastrophes naturelles et les conflits) a elle aussi fortement chuté, et ce pendant une période similaire. Cela s’est révélé être le résultat direct de la récession de
1990-1993 (seule la période de conflits au Rwanda et au Kosovo démontre une tendance positive). En termes d’échanges commerciaux, par exemple, les pays ont réagi au crash de Wall Street de 1929 et à la dépression globale en érigeant des barrières tarifaires, provoquant la chute de deux tiers des échanges mondiaux.

La répétition de ces évènements en 2009 serait un désastre pour les pays pauvres exportateurs. Une réduction de l’aide et des flux commerciaux ferait payer aux populations des pays les plus pauvres le prix du gaspillage provoqué par la bulle du crédit en Amérique du Nord et en Europe.

Les droits de l’homme ne sont pas un luxe réservé aux bonnes périodes. L’inaction face au changement climatique ne constitue pas une solution durable. La pauvreté à échelle mondiale contribue à l’instabilité dans le monde. La stratégie suivie par les pays riches serait aveugle et vouée à l’échec, si ces pays décident d’ignorer les défis les plus urgents et se concentrent uniquement sur leurs intérêts financiers.

Ce n’est pas seulement une question d’argent. La résolution des problèmes passe aussi par une attention soutenue, une collaboration internationale et une volonté politique solide. Les signes d’une action concertée entre les ministres des finances du G7 et les ministres des finances de la zone euro pour affronter la crise ont été bien accueillis, mais ils ne suffisent pas. Les gouvernements doivent atténuer la volatilité des prix énergétiques et alimentaires, et des marchés financiers, en assurant une régulation sensée, la protection adéquate des droits des populations pauvres et des personnes vulnérables, ainsi que l’application d’une politique environnementale durable. Les gouvernements doivent ouvrir la voie pour la construction d’une économie globale qui soit durable et qui privilégie une meilleure qualité de vie à un système qui profite uniquement à une minorité de personnes.

Signée par :
Dr Robert Glasser, Secrétaire Général, CARE International
Irene Khan, Secrétaire Générale, Amnesty International
Jeremy Hobbs, Directeur Exécutif, Oxfam International
Dr Dean Hirsch, Directeur Général, World Vision International
Tom Miller, Directeur Général, PLAN International
Gerd Leipold, Directeur Exécutif International, Greenpeace

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