Davos 2016 – 62 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale

En amont de Davos, Oxfam révèle que le patrimoine des 1 % les plus riches dépasse désormais celui de l’ensemble du reste du monde

Selon un rapport publié aujourd’hui par Oxfam, en amont de la rencontre annuelle des élites mondiales de la finance et de la politique à Davos, des inégalités galopantes créent un monde où 62 personnes possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Ce chiffre était de 388 il y a cinq ans.

Intitulé « Une économie au service des 1 % », ce rapport montre que le patrimoine de la moitié la plus pauvre de la population mondiale s’est réduit de mille milliards de dollars depuis 2010. Cette baisse de 41 % s’est produite alors même que la population mondiale augmentait de 400 millions de personnes. Dans le même temps, la fortune des 62 premières fortunes mondiales – dont 53 sont des hommes pour seulement 9 femmes, a augmenté de plus de 500 milliards de dollars pour atteindre un total de 1 760 milliards. Ces chiffres confirment une tendance observée par Oxfam : depuis le début du XXIème siècle, la moitié la plus pauvre de l‘humanité a bénéficié de moins d’1 % de l’augmentation totale des richesses mondiales, alors que les 1 % les plus riches se sont partagés la moitié de cette hausse. La France n’échappe pas à cette tendance puisque les 10% les plus riches ont accaparé 54% de l’augmentation des richesses entre 2000 et 2015.

Les dirigeant-e-s du monde parlent de plus en plus de la nécessité de lutter contre les inégalités et, en septembre dernier, se sont fixé l’objectif de les réduire. Pourtant, l’écart entre la frange la plus riche et le reste de la population s’est creusé de façon spectaculaire au cours des douze derniers mois. À la veille de la rencontre de Davos de l’an dernier, Oxfam avait prédit que les 1 % posséderaient plus que le reste du monde en 2016. Cette prédiction s’est en fait réalisée dès 2015 : un an plus tôt.

« Les dirigeant-e-s du monde s’inquiètent de l’aggravation de la crise des inégalités sans pour autant prendre des mesures concrètes. Le monde est devenu beaucoup plus inégalitaire et la tendance s’accélère. Nous ne pouvons pas continuer à laisser des centaines de millions de personnes souffrir de la faim, alors que les ressources qui pourraient les aider sont amassées par quelques personnes en haut de l’échelle » explique Manon Aubry, responsable plaidoyer Justice fiscale et inégalités d’Oxfam France.

Si les inégalités ne s’étaient pas aggravées au sein des pays entre 1990 et 2010, 200 millions de personnes supplémentaires auraient pu sortir de la pauvreté. Oxfam réclame des mesures urgentes pour faire face à la crise des inégalités extrêmes, qui menace de faire reculer les progrès accomplis dans la lutte contre la pauvreté au cours de ce dernier quart de siècle. En particulier, l’ONG pointe du doigt le rôle que jouent l’évasion fiscale et les paradis fiscaux qui privent les Etats des recettes fiscales nécessaires pour investir dans des services publics de qualité tels que la santé et l’éducation. Oxfam appelle à mettre fin à l’ère des paradis fiscaux, qui a vu de plus en plus d’entreprises et de particuliers recourir aux centres offshore afin d’éviter de verser leur juste contribution à la société. Les recherches d’Oxfam menées sur 200 entreprises démontrent que 9 entreprises sur 10 parmi les partenaires stratégiques du Forum Economique Mondial sont présentes dans au moins un paradis fiscal. Le montant des investissements dans ces mêmes paradis fiscaux a pratiquement quadruplé entre 2000 et 2014. De même, si l’on regarde les 10 premiers pays d’investissement en France, 44% de ces investissements sont réalisés dans des paradis fiscaux.

« Les multinationales et les grandes fortunes ne suivent pas les mêmes règles que l’ensemble de la population, refusant de payer les impôts dont la société a besoin pour fonctionner. Le fait que 188 sur  201 grandes entreprises soient présentes dans au moins un paradis fiscal montre qu’il est temps d’agir » ajoute Manon Aubry.

La montée des inégalités s’explique également par une autre des grandes tendances mises en lumière dans le rapport d’Oxfam : la réduction de la part du revenu national revenant aux travailleuses et travailleurs dans quasiment tous les pays développés et la plupart des pays en développement et le fossé grandissant entre les hauts et les bas salaires. Bien que le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté ait diminué de moitié entre 1990 et 2010, le revenu annuel moyen des 10 % les plus pauvres a augmenté de moins de 3 dollars par an au cours de ce dernier quart de siècle. Pour chacune de ces personnes, cela revient à une augmentation de son revenu quotidien de moins d’un centime par an. En revanche, les personnes déjà fortunées ont bénéficié d’un taux de rendement du capital (intérêts, dividendes, etc.) constamment plus élevé que le taux de croissance économique. Cet avantage a été accentué par le recours aux paradis fiscaux. C’est là probablement l’exemple le plus frappant que donne le rapport de la façon dont les règles du jeu économique ont été remaniées pour excessivement développer la capacité des riches et des puissant-e-s à asseoir leur richesse. A l’échelle internationale, on estime que 7 600 milliards de dollars de capitaux privés sont détenus sur des comptes offshore, ce qui représente un douzième de la richesse mondiale. Si des impôts étaient payés sur les revenus générés par ces avoirs, les États disposeraient de 190 milliards de dollars de plus par an.

Pour Winnie Byanyima, directrice générale d’Oxfam International, présente à Davos : « Nous devons interpeller les gouvernements, entreprises et élites économiques présente à Davos pour qu’ils s’engagent à mettre fin à l’ère des paradis fiscaux qui alimentent les inégalités mondiales et empêchent des centaines de millions de personnes de sortir de la pauvreté. ».

Oxfam lance une mobilisation et une pétition internationales appelant les Etats à adopter un plan pour mettre fin à l’ère des paradis fiscaux pour lutter contre les inégalités reposant notamment sur :

           Une transparence fiscale complète pour connaître l’activité réelle des entreprises dans les paradis fiscaux et les impôts qu’elles paient (le reporting pays par pays public) ;

           La fin des incitations fiscales qui alimentent une concurrence fiscale dommageable, préjudiciable à tous ;

           Le développement d’une approche commune de taxation des multinationales au niveau européen pour qu’elles paient leurs impôts là où elles ont une activité économique réelle ;

           Revoir les règles de gouvernance internationale sur la fiscalité pour que tous les pays puissent s’exprimer sur un pied d’égalité.

Contact

Caroline Prak – Oxfam France : 06 31 25 94 74 / @carolineprak

Notes aux rédactions

Lire le rapport "Une économie au service des 1 %".

Les patrimoines des 1 %, 50 %, 80 % et 99 % sont tirés du Global Wealth Databook (2013 et 2014) publié par Credit Suisse : https://www.credit-suisse.com/uk/en/news-and-expertise/research/credit-suisse-research-institute/publications.html

Le patrimoine des 62 personnes les plus riches a été calculé sur la base de la liste des milliardaires établie par le magazine Forbes http://www.forbes.com/ Données annuelles tirées de la liste publiée en mars. Nombre de personnes dont la richesse est égale à la moitié la plus pauvre de la population depuis 2010

2010

388

2011

177

2012

159

2013

92

2014

80

2015

62

Cette méthodologie permet de prendre en compte l’état réel des richesses en ajoutant à la fois les revenus, les actifs financiers mais également le patrimoine (propriétés foncières notamment), ce qui rend compte de manière plus complète des inégalités. Ces calculs incluent également la richesse négative, c’est-à-dire les dettes. Oxfam a recalculé la part du patrimoine que représente le patrimoine détenu par les 1 % les plus riches hors richesses négatives. Les résultats n’ont pas changé de manière significative (passant de 50,1 % à 49,8 %). La richesse négative en tant que part du patrimoine total est restée constante dans le temps, de sorte que la tendance en matière de répartition des richesses ne s'en ressent pas.

La pétition internationale d’Oxfam, ouverte le 18 janvier 2016, à l’occasion du Forum de Davos est en ligne ici : http://oxf.am/Zn66

 

Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.