Selon les estimations d’Oxfam, entre 2020 et 2025, les pays les plus pauvres devraient être privés d’environ 75 milliards de dollars – alors même que les pays riches s’étaient engagés de longue date à mobiliser chaque année 100 milliards de dollars pendant cette période afin d’aider les pays les plus vulnérables à s’adapter aux conséquences du changement climatique et à réduire leurs émissions [1].

Cette analyse précède les discussions informelles sur le climat qui auront lieu ce lundi entre les dirigeants mondiaux à l’Assemblée générale des Nations unies – un moment clé pour remettre cet objectif financier sur les rails avant la COP26 de novembre prochain [2]. L’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a publié vendredi dernier de nouvelles données montrant que les pays développés n’ont fourni en 2019 qu’environ 80 milliards de dollars de financements climat.

Au regard des engagements actuels, Oxfam estime que les pays riches ne tiendront pas leur promesse et n’atteindront que 93 à 95 milliards de dollars par an d’ici 2025, cinq ans après la date fixée. Cela signifie que les pays vulnérables pourraient se voir privés de 68 à 75 milliards de dollars au total au cours de cette période de six ans.

Pour Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat à Oxfam France : « La pandémie a montré que les pays peuvent mobiliser rapidement des milliers de milliards de dollars pour répondre à une urgence – c’est clairement une question de volonté politique. Soyons clairs, nous sommes dans une urgence climatique. Les impacts sont déjà visibles dans le monde entier. La même détermination doit être au rendez-vous. Des millions de personnes ont déjà perdu leur maison, leurs moyens de subsistance et leurs proches à cause de tempêtes violentes et de sécheresses chroniques, causées par une crise climatique à laquelle elles n’ont pas contribué. Les nations riches doivent tenir la promesse qu’elles ont faite il y a douze ans et passer de la parole aux actes. Nous devons voir de réelles augmentations de financements dès maintenant. »

Le changement climatique pourrait entraîner des pertes économiques deux fois supérieures à celles de la pandémie. Pourtant il n’est pas traité avec la même urgence [3]. En 2020, l’UE, le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l’Australie et le Japon ont dépensé plus de 15 000 milliards de dollars en plans de relance suite au Covid-19, soit 151 fois plus que l’objectif des 100 milliards [4]. Dans le même temps, les dépenses militaires mondiales totales ont augmenté de 2,6 % depuis 2019 pour atteindre un peu moins de 2 000 milliards de dollars, soit près de 20 fois plus que l’objectif de financements climat [5].

Alors que certains pays, dont les États-Unis, le Canada et l’Allemagne, ont augmenté leurs engagements financiers ces derniers mois, leurs efforts sont insuffisants. Au sommet du G7 en juin, les dirigeants ont réitéré leur engagement à combler l’écart pour atteindre les 100 milliards de dollars, mais ceux de la France, de l’Australie et du Japon ont décidé de ne pas augmenter leurs contributions au-dessus des niveaux actuels [6]. Plusieurs pays, dont l’Italie, l’Espagne et les Pays-Bas, n’ont pris aucun nouvel engagement financier.

« Face à cette situation financière inquiétante, potentielle source de tensions fortes à la COP26, la France ne peut pas se contenter du statu quo. Ce serait faire injure aux nations les plus vulnérables. Emmanuel Macron doit faire preuve de solidarité et annoncer une augmentation significative des financements climat de la France, soit 8 milliards d’euros par an d’ici 2025, dont la moitié pour l’adaptation », prévient Armelle Le Comte.

Oxfam s’inquiète de la manière dont les pays riches allouent actuellement les financements climat :

Alors que le Secrétaire général de l’ONU, Oxfam et d’autres institutions ont appelé à ce que la moitié des financements soit alloué à l’adaptation, nous estimons, au vu des promesses existantes des pays donateurs, qu’environ un quart seulement (26 à 27 milliards de dollars) des financements climat en 2025 seront consacrés à aider les pays en développement à renforcer leur résilience et à s’adapter à l’aggravation des impacts climatiques.
En 2019, 70 % des financements publics pour le climat ont été accordés sous forme de prêts au lieu de subventions. Cela semble devoir se poursuivre jusqu’en 2025, ce qui poussera les pays en développement à s’endetter davantage.

La finance climat est l’un des trois piliers clés de l’Accord de Paris, essentiel pour lutter contre la crise climatique et ses impacts. À l’échelle mondiale, 2020 est l’année la plus chaude jamais enregistrée, à égalité avec 2016, avec 98,4 millions de personnes touchées par des inondations, des tempêtes et d’autres catastrophes liées au climat, ce qui a causé des pertes économiques d’au moins 171 milliards de dollars [7].

Pour les pays en développement, la transition vers une énergie propre et l’adaptation aux impacts du changement climatique, dont certains sont déjà irréversibles, ne peuvent se faire sans ce soutien financier. Beaucoup sont déjà contraints de consacrer une grande partie de leurs finances publiques à la lutte contre le changement climatique [8].

À un peu plus d’un mois de la COP26 à Glasgow, Oxfam appelle les pays riches à augmenter de toute urgence leurs promesses de financements climat pour atteindre leur objectif. Au moins 50 % de ces financements devrait être consacré à l’adaptation.

Contact presse

Armelle Le Comte | alecomte@oxfamfrance.org | + 33 (0)6 85 13 89 58

Notes aux rédactions

La méthodologie et la fiche technique d’Oxfam sur le déficit de financements climat sont disponibles sur demande.

[1] En 2009, les pays développés ont accepté de contribuer 100 milliards de dollars par an en financements climat aux pays les plus pauvres d’ici 2020. Lors du sommet de Paris sur le climat en 2015 (COP21), cet objectif a été prolongé jusqu’en 2025. Dans le cadre de l’Accord de Paris de 2015, ils ont convenu négocier un montant encore plus élevé qui entrerait en vigueur à partir de 2025.

[2] La Climate Week NYC aura lieu du 20 au 26 septembre. Le Secrétaire général de l’ONU António Guterres et le Premier ministre britannique Boris Johnson convoqueront une réunion à huis clos des dirigeants mondiaux à l’Assemblée générale des Nations Unies plus tard dans la journée (lundi 20 septembre).

[3] Les économies des pays du G7 pourraient connaître une perte moyenne de 8,5% par an d’ici 2050, soit l’équivalent de 4 800 milliards de dollars, si les dirigeants ne prennent pas des mesures plus ambitieuses pour lutter contre le changement climatique, selon l’analyse d’Oxfam des recherches du Swiss Re Institute.

[4] La base de données de la surveillance budgétaire du FMI résume les principales mesures budgétaires que les gouvernements ont annoncées ou prises dans certaines économies en réponse au COVID-19.

[5] L’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) a indiqué que les dépenses militaires totales ont atteint 1 981 milliards de dollars en 2020 (près de 2 000 milliards de dollars), soit une augmentation de 2,6 % par rapport à 2019.

[6] En 2019, selon le rapport remis à l’Agence européenne pour l’environnement, la France a fourni 5,95 milliards d’euros de financements climat dont 1,54 milliards pour l’adaptation. Emmanuel Macron s’est engagé à ce que la France mobilise 6 milliards d’euros par an, dont un tiers pour l’adaptation, d’ici 2025.

[7] Selon la NASA, 2020 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, égalant effectivement 2016, le record précédent. Hormis la pandémie de COVID-19, 2020 a été dominée par des catastrophes liées au climat. Ceux-ci étaient en grande partie responsables des 389 événements enregistrés, qui ont fait 15 080 décès, 98,4 millions de personnes touchées et des pertes économiques d’au moins 171,3 milliards de dollars.

[8] Par exemple : l’IIED estime que les familles rurales du Bangladesh, dont beaucoup vivent dans la pauvreté, dépensent en moyenne près de 2 milliards de dollars par an (79 $ par an et par ménage) pour lutter contre les impacts du changement climatique — deux fois plus que le gouvernement et plus de 12 fois plus que le Bangladesh reçoit en financements climat internationaux.