Financements fossiles indécents et pouvoir des lobbies : quand le profit immédiat prime sur un avenir durable

Dans son nouveau rapport "Alimentation, énergies fossiles et financements indécents" publié aujourd’hui, Oxfam dénonce l’existence d’un "triangle toxique" dans le secteur des énergies fossiles, qui risque de confronter 400 millions de personnes à la faim et à la sécheresse d’ici à 2060 : des investisseurs privés cherchant le profit à court terme, des gouvernements qui manquent de volonté politique et un lobby industriel qui fait pression pour maintenir le statu quo.

Selon Oxfam,  674 milliards de dollars ont été investis dans le développement des énergies fossiles en 2012. Pire, les gouvernements ont subventionné à hauteur de 1 900 milliards de dollars par an le secteur des énergies fossiles, grâce à des allègements fiscaux et  des mesures d’incitations publiques. Selon les dernières estimations, les subventions françaises au secteur s’élèvent elles à 5 milliards de dollars (3,9 milliards d’euros).

Au niveau international, les énergies propres et renouvelables, bénéficient  de cinq fois moins de subventions que le secteur des énergies fossiles. Pourtant grâce aux avancées technologiques elles sont de plus en plus compétitives [1].

Afin de maintenir le statu quo, le lobby des énergies fossiles consacre plus d’un demi-million de dollars par jour afin de faire pression sur les gouvernements des États-Unis et de l’Union européenne. En 2013, les bénéfices des dix plus grandes compagnies du secteur des énergies fossiles cotées en bourse ont ainsi atteint 1 800 milliards de dollars. Total se classe en 6e place avec 145,9 milliards de dollars.

Cause première du changement climatique, les énergies fossiles génèrent 80 % des émissions de CO2 qui menacent la santé, l’alimentation, le commerce et la croissance économique. Si l’on ne réduit pas la consommation d’énergies fossiles, la planète se réchauffera de 4 à 6 °C d’ici la fin du siècle et l’impact sur les populations les plus pauvres pourrait être dévastateur.

Selon Jean-Cyril Dagorn d’Oxfam, "notre dépendance vis-à-vis des énergies fossiles n’est pas une fatalité, mais le choix délibéré de l’industrie, de gouvernements timorés et d’investisseurs qui ont une vue à court terme. Il s’agit pour quelques-uns de réaliser de gros profits, sans beaucoup de considération pour le reste de la population, en particulier les plus pauvres qui souffrent déjà de la faim en conséquence du changement climatique."

Au niveau de l’UE, le secteur des énergies fossiles consacre au moins 44 millions d’euros par an en activités de lobbying. Nous saurons si ces investissements faramineux ont porté leurs fruits la semaine prochaine, lors de l’adoption par les chefs d’État et de gouvernement européens du Paquet énergie-climat 2030.  La proposition actuelle recommande un objectif de réduction des émissions de 40%, ce qui correspond à la recommandation de BusinessEurope, l’un des plus puissants groupes de pression en Europe, alors que les experts préconisent eux une réduction d’au moins 55%.

Si elles s’alignaient sur les préconisations des lobbies de l’industrie fossile, plutôt que sur celles des experts, l’Europe et plus particulièrement la France condamneraient d’emblée la chance d’aboutir à un accord international ambitieux au moment de la COP21 en 2015. Oxfam France demande aux dirigeants européens et plus particulièrement au gouvernement français de résister aux pressions du secteur des énergies fossiles.

"La France veut être exemplaire sur la mise en place d’une transition énergétique efficace au niveau national. Or, elle continue allégrement de subventionner les énergies fossiles et elle ferme les yeux sur les investissements massifs du secteur privé, notamment les banques. Le projet de loi actuellement soumis au Parlement français ne propose rien pour stopper ou réorienter ces financements. Il est temps pour la France, en tant que future présidente de la COP21, de décider si elle veut être le bon élève ou le cancre des négociations climatiques internationales", déclare Jean-Cyril Dagorn.

Au niveau national, Oxfam appelle le gouvernement à :

  • Mettre fin aux subventions publiques dont bénéficie le secteur des énergies fossiles, notamment le secteur du charbon ;
  • Encadrer la transparence du secteur privé en obligeant les entreprises et le secteur financier à publier son empreinte carbone et à se désinvestir des énergies fossiles.

Dans le cadre de la négociation du nouveau Paquet énergie-climat 2030, Oxfam appelle la France à faire preuve de leadership pour convaincre ses partenaires européens de :

  • réaliser des économies d’énergies d’au moins 40% et à porter à au moins 45% la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique ;
  • s’engager à éliminer les émissions d’origine fossile d’ici le début de la deuxième moitié de ce siècle, tout en développant les énergies renouvelables, les pays développés devant ouvrir la voie et apporter l’appui nécessaire en la matière aux pays en développement ;
  • investir dans les énergies propres et l’efficacité énergétique, plutôt que dans les énergies polluantes, et garantir l’accès des plus pauvres à l’énergie ;
  • obliger les entreprises du secteur des énergies fossiles à faire preuve de plus de transparence concernant leurs activités de lobbying ;
  • s’engager à protéger le système financier international des aléas climatiques, en évaluant les risques, en améliorant la transparence et en apportant des capitaux pour des investissements sobres en carbone.

Oxfam lance également un appel au secteur privé pour que :

  • les sociétés du secteur des énergies fossiles et les entreprises planifient leur transition énergétique et diversifient leurs activités, afin de s’ouvrir à un avenir sobre en carbone ;
  • les investisseurs privilégient le développement sobre en carbone au détriment des énergies fossiles, tiennent compte du risque climatique et interpellent les entreprises poursuivant des stratégies à forte intensité de carbone.

Contact

Sarah Roussel
Chargée de relations médias Climat
sroussel@oxfamfrance.org
+33 (0)1 77 35 76 10 / +33 (0)6 51 15 54 38

Notes aux rédactions

Le rapport "Alimentation, énergies fossiles et financements indécents" est disponible sur demande.

Jean-Cyril Dagorn d’Oxfam France sera présent à Bruxelles lors des négociations sur le Paquet énergie-climat et est actuellement disponible pour toutes demandes d’interview.

[1] On estime que la transition mondiale vers les énergies propres coûterait 44 000 milliards de dollars d’ici à 2050. Le seul fait de ne plus avoir à acheter de combustibles, et d’ainsi économiser les frais d’exploitation qui y sont liés, permettrait d’économiser 115 000 milliards de dollars et de couvrir les coûts supplémentaires en amont.  À l’échelle mondiale, le solaire pourrait créer 6,3 millions d’emplois, et l’éolien 2,1 millions. Une meilleure efficacité énergétique entraînerait en outre une réduction des prix et de la consommation. Cette transition renforcerait également l’autonomie énergétique.

 


Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et de ses partenaires et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.