Les nouveaux chiffres de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) montrent que le nombre de personnes souffrant de la faim a augmenté depuis 2015 et que les inégalités, les conflits et la crise climatique ont anéanti tous les progrès réalisés depuis 2010.

Pour Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France: « Malgré la montée de la faim et deux crises des prix des denrées alimentaires en dix ans, la faim a disparu de l’agenda politique. 

Les gouvernements doivent d’urgence s’accorder sur de nouvelles stratégies qui s’attaquent aux causes structurelles de la faim : la crise climatique, les conflits, et un système alimentaire mondial défaillant qui place des intérêts particuliers commerciaux devant les besoins des communautés souffrant de la faim, les agriculteurs familiaux et l’agriculture durable. »

Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, « Inégalités de genre et insécurité alimentaire : 10 ans après la crise des prix des denrées alimentaires, pourquoi les femmes souffrent-elles toujours de la faim ? », Oxfam souligne que les réformes mises en place depuis la crise des prix des denrées alimentaires de 2007-2008 et 2010-2011 sont insuffisantes pour éviter de nouvelles crises ou éradiquer la faim.

Les femmes qui jouent un rôle crucial dans l’agriculture, nourrissant des centaines de millions de personnes à travers le monde, sont les premières à souffrir de cette situation. Elles constituent jusqu’à la moitié des producteurs alimentaires dans les pays en développement, mais mangent généralement moins, en dernier, et moins bien lorsque les ménages sont à court de nourriture. De plus, elles font face à une discrimination systémique – notamment lorsqu’il s’agit d’accéder au foncier ou de bénéficier de crédits financiers.

« Les gouvernements du Nord comme du Sud avaient promis des réformes ambitieuses, mais les résultats sont minces. Il est urgent de changer de cap. Les gouvernements et les bailleurs doivent faire en sorte que les politiques agricoles contribuent à lutter contre la faim, en réduisant immédiatement leurs émissions de gaz à effet de serre et en aidant les paysans à adapter leur agriculture à un climat de plus en plus extrême et instable. Ils doivent privilégier les investissements dans l’agriculture familiale et paysanne, secteur dont la croissance s’est révélée 2 à 4 fois plus efficace pour réduire la faim et la pauvreté que n’importe quel autre secteur.

Le soutien aux femmes agricultrices et la promotion de l’égalité des sexes dans l’agriculture doivent également être au cœur des politiques agricoles afin que leur contribution à l’élimination de la faim soit pleinement libérée », estime Cécile Duflot.’’

Notes pour la rédaction :

  • Marc Cohen, co-auteur du rapport est disponible pour des interviews en français (fuseau horaire des Etats-Unis, côte Est).
  • Lors d’une première crise, le prix des denrées alimentaires a brusquement augmenté de 83% entre le début de l’année 2007 et mai 2008. Une deuxième flambée des prix, similaire, a eu lieu entre 2010 et 2011. Cette volatilité des prix s’explique par de nombreux facteurs, comme la spéculation sur les denrées alimentaires, une demande croissante pour les agro carburants, une diminution des réserves alimentaires, l’utilisation de denrées pour l’alimentation animale, et les événements météorologiques extrêmes liés aux changements climatiques. Des problèmes structuraux ont aussi contribué au pic des prix: la libéralisation à outrance des échanges commerciaux agricoles, la concentration des acteurs agro-alimentaires dans les mains de quelques multinationales, la marginalisation des agriculteurs familiaux, des investissements publics dans l’agriculture en berne et la baisse de l’aide pour le développement dans l’agriculture familiale et paysanne.
  • Le rapport de la FAO révèle que 2 milliards de personnes sont en situation d’insécurité alimentaire ((n’ont pas un accès stable à une alimentation nutritive et en quantité suffisante) – dont plus de 820 millions de personnes qui souffrent de la faim de manière sévère. L’Afrique est la région la plus touchée avec presque 20% de sous-nutrition.
  • Dans un rapport de 2008, la Banque mondiale démontre qu’investir dans la croissance de l’agriculture paysanne et familiale est deux à quatre fois plus efficace pour réduire la faim et la pauvreté que d’investir dans un autre secteur.
  • La FAO a sans cesse souligné que les femmes sont plus susceptibles de souffrir de la faim que les hommes. Elles sont aussi affectées de manière disproportionnée par les changements climatiques, les conflits et les déplacements.
  • Oxfam a analysé les données des projets européens d’aide au développement dans le secteur agricole et montré que, contrairement à ce qui était promis, seulement 2 à 3 % de l’aide européenne avaient été dédiés à la réduction des inégalités de genre dans l’agriculture.