La NASAN débattue aujourd’hui au Parlement européen

L’opportunité d’une vraie remise en question

Aujourd’hui, la très controversée Nouvelle Alliance pour la Sécurité Alimentaire et la Nutrition (NASAN) sera examinée lors d’une séance au Parlement européen à Bruxelles. La NASAN a été très largement critiquée par les organisations de la société civile dans le monde entier, car elle promeut une ultra-libéralisation du secteur agricole en Afrique sub-saharienne et met en péril le droit à l’alimentation des populations les plus vulnérables.

L’ancien rapporteur spécial des Nations unies pour le droit à l’alimentation, Olivier de Schutter, a été mandaté par le Parlement Européen pour produire un rapport d’évaluation présenté aujourd’hui à Bruxelles. Il conclut que cette initiative est sérieusement déficiente sur plusieurs points. Par exemple, la NASAN reste  » muette sur la nécessité d’encourager un changement vers une agriculture durable moins gourmande en intrants « . Le rapport critique également les risques engendrés par la NASAN en matière d’accaparement de terres et de privatisation des semences. En conclusion, il appelle l’Union européenne et ses Etats membres à remettre en cause leur soutien à la NASAN si un certain nombre d’améliorations fondamentales ne sont pas mises en œuvre, et souligne que  » ces améliorations ne seront durables que si elles sont fondées sur une approche du développement agricole basée sur les Droits Humains ».

Lancée en 2012, cette initiative a pour objectif de sortir 50 millions de personnes de la pauvreté dans dix pays partenaires en Afrique sub-saharienne, via la mobilisation d’investissements privés dans l’agriculture. Au lieu de tenir ses promesses, la NASAN met en péril les moyens de subsistance des populations vulnérables, fragilise les agricultures paysannes, facilite l’accaparement des terres et accélère la privatisation du marché des semences. Tout cela au profit des grandes entreprises multinationales de l’agroalimentaire, des intrants et des semences, qui bénéficient de conditions fiscales, tarifaires et douanières ultra-privilégiées pour accéder à ces nouveaux marchés émergents.

Les organisations de la société civile européenne saluent l’intention du Parlement européen d’examiner de plus près cette initiative et ses impacts, et appellent les institutions européennes et les Etats membres à justifier leur implication majeure, tant politique que financière, au sein de cette initiative qui a contracté tant d’oppositions. En juin dernier, une centaine d’organisations paysannes, de mouvements sociaux et d’ONG du monde entier a publié une déclaration appelant les Etats du G8 et les gouvernements africains à arrêter de soutenir cette initiative[1].

Pour Action Contre la Faim, le CCFD-Terre Solidaire et Oxfam France, qui ont déjà dénoncé les impacts désastreux de cette initiative sur le droit à l’alimentation des populations vulnérables[2], il est grand temps que la France et que l’Union Européenne retirent leur soutien à cette initiative. La lutte contre la faim et la malnutrition ne doit plus servir d’alibi à la dérégulation et à l’ultra-libéralisation des marchés agricoles africains, aux dépends de ceux qui vivent dans la pauvreté.

Tout investissement dans l’agriculture en Afrique doivent aujourd’hui donner la priorité sur le renforcement des agricultures paysannes, qui assurent la sécurité alimentaire des générations actuelles comme des générations futures. Ceci implique de soutenir des organisations paysannes, de sécuriser les droits des paysans sur leurs terres et leurs ressources naturelles, et de promouvoir les pratiques agro-écologiques et le développement des marchés locaux.

Contact

Caroline Prak – Responsable des relations média
cprak@oxfamfrance.org
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Notes aux rédactions

[2] Voir le rapport de Septembre 2014 La Faim, un business comme un autre et le bilan du G7 de 2015, publié en Mai 2015.