L’empreinte carbone des 50 % les plus pauvres devrait rester bien inférieure à ce niveau.

D’après une nouvelle étude (1) publiée le 5 novembre, l’empreinte carbone des 1 % les plus riches de la planète sera 30 fois supérieure en 2030 à celle compatible avec une limitation du réchauffement à 1,5°C, objectif inscrit dans l’Accord de Paris. Ces chiffres sont publiés alors que les délégués du monde entier tentent de maintenir en vie cet objectif à la COP26 de Glasgow.

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En 2015, les États ont acté l’objectif de limiter le réchauffement mondial à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle, mais les engagements actuels de réduction des émissions sont largement insuffisants. Pour ne pas dépasser ce seuil, chaque personne sur terre devrait émettre en moyenne 2,3 tonnes de CO2 par an d’ici 2030, ce qui reviendrait à pratiquement diviser par deux les émissions moyennes actuelles par habitant·e.

Cette étude, commandée par Oxfam, se fonde sur les recherches menées par l’Institut pour une politique européenne de l’environnement (IEEP, de l’anglais Institute for European Environmental Policy) et l’Institut de Stockholm pour l’environnement (2). Elle analyse l’impact des engagements des États (3) sur l’empreinte carbone des plus riches et des plus pauvres au niveau mondial (4). La population mondiale (5) et les différents groupes de revenu sont répartis comme s’il s’agissait d’un seul pays (6). D’après cette étude, d’ici 2030 :

  • Les émissions par habitant.e de la moitié la plus pauvre de la population mondiale devraient rester bien en deçà du seuil compatible avec l’objectif de 1,5°C.
  • Les 1 % et les 10 % les plus riches devraient atteindre des taux d’émissions respectivement 30 fois et 9 fois supérieures à ce seuil.
  • Pour atteindre l’objectif de 1,5 °C, les 1 % les plus riches devraient réduire leurs émissions actuelles de carbone d’environ 97 %.

L’Accord de Paris a tout de même eu un certain impact : les émissions par habitant.e des 40 % du milieu (personnes situées entre les 10% les plus riches et les 50% les plus pauvres) sont en passe de diminuer de 9 % entre 2015 et 2030. Cette réduction est une évolution inédite qui concerne principalement les habitant·e·s de pays à revenu intermédiaire comme la Chine et l’Afrique du Sud, où les émissions de carbone par habitant·e ont augmenté le plus rapidement entre 1990 et 2015.

Si l’on considère les émissions mondiales totales de CO2, plutôt que les émissions par habitant·e, les 1 % les plus riches (soit moins que la population de l’Allemagne) devraient être responsables de 16 % des émissions mondiales de CO2, contre 13 % en 1990 et 15 % en 2015. Les émissions de CO2 des 10 % les plus riches en 2030 devraient à elles seules dépasser le niveau requis pour limiter le réchauffement à 1,5°C, quoi que fassent les 90 % restants de la population mondiale.

Pour Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat à Oxfam France : « Un milliardaire émet plus de carbone en un seul voyage dans l’espace que n’importe quel individu appartenant au milliard de personnes les plus pauvres au cours de toute sa vie (8). Une élite extrêmement minoritaire semble avoir le droit de polluer à volonté. Leurs émissions colossales de CO2 créent des conditions climatiques extrêmes dans le monde entier et entravent l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Les émissions de CO2 des 10 % les plus riches pourraient à elles seules nous faire dépasser ce seuil d’ici neuf ans. Cela aurait des conséquences catastrophiques sur les personnes les plus vulnérables de la planète, qui font déjà face à des tempêtes meurtrières, à la faim et à la pauvreté ».

Par ailleurs, la géographie des inégalités mondiales des émissions de carbone devrait également changer (7) avec une proportion plus importante des émissions des 1 % et des 10 % les plus riches venant des habitant·e·s des pays à revenu intermédiaire. D’ici 2030, les Chinois·e·s seront responsables de près d’un quart (23 %) des émissions de carbone des 1 % les plus riches, suivi·e·s par les Américain.e.s (19 %) et les Indien·ne·s qui représenteront environ un dixième (11 %).

Pour Tim Gore, auteur de l’étude et directeur du programme « Économie bas carbone et circulaire » à l’IEEP (9) : « L’écart entre les engagements pris par les Etats et ce qu’il faudrait faire pour respecter l’objectif de 1,5°C n’est pas dû à la consommation de la plupart des habitant·e·s de la planète. Il reflète en fait les émissions colossales des plus riches. Pour combler cet écart d’ici 2030, il est nécessaire que les États imposent des mesures ciblées sur les plus riches qui émettent le plus de carbone. Il faut s’attaquer en même temps à la crise climatique et à celle des inégalités. Il s’agit à la fois de mesures limitant la consommation de biens de luxe (très grands yachts, jets privés, voyages dans l’espace, etc.) et les investissements coûteux sur le plan climatique, comme les actions dans l’industrie des énergies fossiles. »

Pour Emily Ghosh, chercheuse à l’Institut de Stockholm pour le climat (10) : « Notre étude met en lumière le défi d’assurer une répartition plus équitable du budget carbone mondial restant qui s’épuise rapidement. Si nous continuons sur la trajectoire actuelle, les profondes inégalités mondiales de revenus et d’émissions de carbone persisteront et entraveront le principe d’équité qui est au cœur de l’Accord de Paris. Les États doivent impérativement prendre en compte les inégalités d’émissions de carbone dans leurs efforts de réduction de CO2. »

Pour Oxfam, les leaders mondiaux doivent s’efforcer de réduire davantage les émissions de carbone à l’horizon 2030, conformément à leur juste part de l’effort mondial, et s’assurer que les personnes les plus riches fassent les réductions les plus drastiques. Les personnes les plus riches ont le pouvoir d’accélérer considérablement l’action climatique, à la fois en ayant des modes de vie plus respectueux de l’environnement et en mettant leur influence politique et financière au service d’une économie juste et durable.

 

Contact presse :

Elise Naccarato / enaccarato@oxfamfrance.org / + 33 (0) 6 17 34 85 68

 

Notes aux rédactions :

    1. L’étude « Les inégalités des émissions en 2030 : l’empreinte carbone par habitant.e et l’objectif du 1,5 °C»
    2. L’étude a été commandée par Oxfam et rédigée par Tim Gore de l’IEEP, sur la base de recherches menées conjointement par l’IEEP et l’Institut de Stockholm pour l’environnement.
    3. L’étude est basée sur une analyse de l’impact des « contributions déterminées au niveau national » (NDC en anglais) soumises jusqu’en septembre 2021 sur les émissions par habitant liées à la consommation des différents groupes de revenu au niveau mondial.
    1 % les plus riches = 70 tonnes CO2 par habitant·e à l’horizon 2030 = 30 fois le niveau d’émissions requis pour ne pas dépasser la limite du 1,5 °C (soit 2,3 tonnes)
    10 % les plus riches (monde) = 21 tonnes CO2 par habitant·e à l’horizon 2030 = 9 fois le niveau d’émissions requis pour ne pas dépasser la limite du 1,5 °C (soit 2,3 tonnes)
    40 % du milieu (monde) = 5 tonnes CO2 par habitant·e à l’horizon 2030 = 2 fois le niveau d’émissions requis pour ne pas dépasser la limite du 1,5 °C (soit 2,3 tonnes)
    50 % les plus pauvres (monde) = 1 tonne CO2 par habitant·e à l’horizon 2030 = 0,43 fois le niveau d’émissions requis pour ne pas dépasser la limite du 1,5 °C (soit 2,3 tonnes) = moins de la moitié
  1. D’après le rapport sur l’écart des émissions de carbone publié en 2021 par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), les émissions mondiales totales doivent chuter à environ 18 gigatonnes de CO2 (soit 25 gigatonnes de CO2e) d’ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, afin d’avoir une chance raisonnable de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Cela équivaut à environ 2,3 tonnes de CO2 par personne et par an d’ici 2030.
  2. D’après les estimations, la population mondiale en 2030 sera d’environ 7,9 milliards de personnes. Sur ce total, 80 millions de personnes feront partie des 1 % les plus riches, 800 millions des 10 % les plus riches, 3,4 milliards des 40 % du milieu et 4 milliards des 50 % les plus pauvres.
  3. En parité de pouvoir d’achat du dollar en 2011, le revenu annuel des personnes appartenant à la catégorie des 1 % les plus riches devra en 2030 être supérieur à 172 000 dollars, celui des 10 % les plus riches supérieur à 55 000 dollars, celui des 40 % du milieu supérieur à 9 800 dollars, et celui de la moitié la plus pauvre de la population mondiale inférieur à 9 800 dollars.
  4. Le présent communiqué se base sur le rapport publié conjointement l’année dernière par Oxfam et l’Institut de Stockholm pour le climat, selon lequel les 1 % les plus riches du monde sont responsables de plus du double des émissions de CO2 que les 50 % les plus pauvres entre 1990 et 2015.
  5. Lors d’un voyage dans l’espace, les émissions de carbone par passager/ère sont estimées à au moins 75 tonnes, d’après un rapport publié récemment par Lucas Chancel. Un milliard des personnes les plus pauvres émettent moins d’une tonne de CO2 par an.
  6. L’institut pour une politique européenne de l’environnement (IEEP) est un laboratoire d’idées spécialisé dans la durabilité qui collabore avec des parties prenantes issues des institutions européennes, des organisations internationales, des milieux académiques, ainsi que de la société civile et du monde de l’industrie. L’équipe d’économistes, de scientifiques et d’avocat·e·s qui y travaillent publient des études fondées sur des données factuelles et des analyses de politiques.
  7. L’Institut de Stockholm pour l’environnement est une organisation de recherche et de politique à but non lucratif spécialisée dans les questions liées à l’environnement et au développement.