Réunions annuelles de la Banque mondiale et du FMI : les pays débattent de décisions vitales qui pourraient enrayer la pandémie de COVID-19 et éviter une catastrophe économique de 9 200 milliards de dollars

Les pays riches doivent ouvrir la voie à la production de masse et bon marché de vaccins contre la COVID-19 afin de protéger chaque être humain et éviter une catastrophe économique mondiale qui pourrait coûter jusqu’à 1 700€ par personne dans les pays riches cette année, et 1 000€ à chaque Français-e prévient aujourd’hui Oxfam.

Cependant, des réunions cruciales auront lieu cette semaine qui pourraient éviter ce scénario catastrophe. Les réunions de printemps de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) se tiendront du 5 au 11 avril, lors desquelles les gouvernements doivent s’accorder pour une nouvelle émission de droits de tirage spéciaux qui pourrait injecter 650 milliards de dollars supplémentaires dans l’économie mondiale pour faire face aux effets dévastateurs de la pandémie. La pénurie mondiale chronique de vaccins qui génère des différends commerciaux et des chocs économiques entre les pays sera également à l’agenda.

Ensemble, ces deux initiatives pourraient contribuer grandement à assurer la protection de la santé publique et à stimuler la relance économique dont les pays et les populations du monde entier ont cruellement besoin. Des actions urgentes sont nécessaires alors que la COVID-19 continue de flamber, de muter et de tuer, tout en semant le chaos dans l’économie.

Oxfam exhorte les membres du FMI à valider de toute urgence l’émission de droits de tirage spéciaux à hauteur de 650 milliards de dollars, une somme qui permettrait aux pays à faible revenu de quasiment doubler leurs dépenses de santé pendant un an. Une décision en ce sens est très attendue et constituerait l’aboutissement des pressions exercées par la société civile et d’autres parties prenantes sur les pays membres pour faire les bons choix.

Oxfam avertit cependant que l’approche actuelle de production et de distribution mondiales des vaccins contre la COVID-19 est loin de répondre aux besoins et appelle à mettre fin à l’ « apartheid vaccinal » qui voit les pays riches vacciner une personne par seconde alors que de nombreux pays en développement n’ont pas encore administré la moindre dose.

La Chambre de commerce internationale estime que, d’après l’évolution actuelle, les inégalités vaccinales pourraient exposer le monde à des pertes économiques de plus de 9 200 milliards de dollars (selon le scénario le plus pessimiste), les pays riches subissant la moitié de ces pertes. Sur la base des résultats de cette étude, Oxfam calcule que ces pertes sont équivalentes à :

  • Les États-Unis pourraient perdre en 2021 jusqu’à près de 2 300€ par habitant-e en dépenses des ménages, soit 1 100€ de plus que le montant du chèque de relance reçu récemment par chacun-e de l’administration Biden. Au total, la facture des inégalités vaccinales pourrait s’élever à 1 105 milliards d’euros de PIB pour les États-Unis.
  • Le Royaume-Uni s’expose à des pertes en dépenses par habitant-e jusqu’à 1 770€ et la France pourrait s’attendre à des pertes de 1 053€ par habitant-e en 2021.
  • Au Japon et en Italie, les pertes en dépenses des ménages par habitant-e sur 2021 pourraient s’élever à 1 233€ et à 1 271€, respectivement.
  • Les Canadien-nes pourraient perdre 1 682€ cette année en dépenses en raison des inégalités vaccinales.

Pour Sandra Lhote-Fernandes, porte-parole d’Oxfam France : « Les pays riches, y compris la France et l’Union européenne, défendent les intérêts de l’industrie pharmaceutique au détriment des autres entreprises et de leurs économies au sens large. Ils condamnent tout le monde, y compris leurs propres citoyens et citoyennes, à en subir les conséquences. Ils se tirent une balle dans le pied, ça n’a pas de sens. »

« Alors que la nouvelle administration américaine considérerait l’éventualité de soutenir la levée des brevets sur les vaccins contre la Covid-19, la France continue à défendre les intérêts de l’industrie pharmaceutique. Nous demandons à Emmanuel Macron d’être du bon côté de l’histoire et de faire primer l’intérêt de l’humanité sur les profits des grands groupes pharmaceutiques » affirme Sandra Lhote-Fernandes.

Oxfam appelle de toute urgence les gouvernements de tous les pays à soutenir la levée des monopoles pharmaceutiques et de la propriété intellectuelle, afin d’amorcer un déploiement à très grande échelle de la vaccination. Pourtant, les pays les plus riches figurent parmi ceux qui freinent ou s’opposent actuellement aux mouvements initiés par l’Inde et l’Afrique du Sud au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) pour une suspension temporaire des brevets sur les technologies vaccinales liées au Covid-19 dans le cadre des Accords sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC).

« Les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la France, le Japon et l’Italie s’exposent à des pertes de 2 300 milliards de dollars de PIB, à moins de cesser de défendre les intérêts d’une poignée de grandes sociétés pharmaceutiques qui veulent conserver la propriété intellectuelle sur les vaccins, alors que ce statu quo est perdant pour tout le monde. C’est incompréhensible, » poursuit Sandra Lhote-Fernandes.

Les inégalités vaccinales frappent encore plus durement les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire :

  • L’Inde pourrait perdre jusqu’à 668 milliards d’euros, soit plus de 27 % de son PIB, en raison des inégalités vaccinales.
  • L’Afrique du Sud pourrait perdre 24 % de son PIB, soit l’équivalent de près de 743€ par personne en dépenses des ménages en 2021.
  • Les Philippines, quant à elles, pourraient être privées de 18 % de leur PIB cette année en raison des inégalités vaccinales, ce qui équivaut à environ 382€ par habitant-e en dépenses des ménages.

« Cela rappelle de manière brutale que les inégalités vaccinales ont un réel impact économique sur chacune et chacun d’entre nous, alors même que nos dirigeant-e-s ont la solution sous les yeux. Les plus riches disposent des ressources nécessaires pour mieux affronter la situation, mais la crise n’épargnera aucun être humain sur Terre, et le prix à payer sera nettement plus lourd pour les plus pauvres », précise Sandra Lhote-Fernandes.

« Un vaccin pour toutes et tous est possible à condition que les membres de l’OMC renoncent à la propriété intellectuelle de ces entreprises comme le demandent l’Inde, l’Afrique du Sud et près de 100 autres pays, et si la science et la technologie des vaccins sont partagées par le biais du groupement d’accès aux technologies contre la COVID-19 (C-Tap) de l’OMS. Les pays du monde entier, notamment ceux du G20, se réunissent cette semaine pour discuter de la crise sanitaire et économique mondiale. C’est le moment idéal pour faire des avancées décisives », conclut Sandra Lhote-Fernandes.

Concernant l’émission de nouveaux droits de tirage spéciaux, Nadia Daar déclare : « Les droits de tirage spéciaux sont le moyen le plus rapide et le plus sûr pour distribuer les liquidités requises aux pays en développement qui, contrairement aux pays les plus riches, n’ont tout simplement pas les moyens de déployer des plans de secours faramineux pour lutter contre la COVID-19 afin de relancer l’économie et de dynamiser les systèmes de soins de santé. Mais surtout, il s’agit de sommes que les pays n’auront jamais à rembourser, évitant ainsi une aggravation de leur endettement. »

« L’émission de nouveaux droits de tirage spéciaux peut être très rapide. Pour rappel, quelques mois seulement ont été nécessaires pour injecter des droits de tirage spéciaux à hauteur de 250 milliards de dollars dans l’économie mondiale en 2009. Si les Réunions de printemps débouchent sur des avancées suffisantes, cet argent pourrait sauver des vies et des moyens de subsistance dans les pays en développement avant la fin de l’été. »

Des droits de tirage spéciaux de 650 milliards de dollars permettraient de renflouer d’environ 22 milliards de dollars les réserves des pays les plus pauvres dans le monde et de 228 milliards de dollars celles des pays à revenu intermédiaire. S’il s’agit là d’une bouée de sauvetage salutaire, cela reste nettement insuffisant. D’après le FMI, les pays à revenu faible devront débourser 200 milliards de dollars sur cinq ans uniquement pour lutter contre la pandémie. « Les pays riches doivent de toute urgence réaffecter leurs droits de tirage spéciaux pour soutenir les pays à faible revenu, agir sur l’annulation de la dette et intensifier leurs engagements en matière d’aide publique au développement, notamment en réapprovisionnant l’Association internationale de développement de la Banque mondiale », conclut Nadia Daar.

CONTACT
Sandra Lhote-Fernandes | slhote@oxfamfrance.org | +33 6 64 54 65 60

NOTES AUX RÉDACTIONS

  • Les Réunions de printemps 2021 de la Banque mondiale et du FMI se tiendront en distanciel du 5 au 11 avril. Les ministres des Finances du G20 et les Gouverneurs de la Banque centrale se réuniront les 7 et 8 avril. Le Comité monétaire et financier international (CMFI) discutera des droits de tirage spéciaux le 8 avril.
  • Une étude mandatée en janvier 2021 par la Fondation de recherche de la Chambre de commerce internationale (CCI) a révélé que l’économie mondiale pourrait accuser des pertes de 9 200 milliards de dollars si les gouvernements n’assurent pas l’accès des pays en développement aux vaccins contre la COVID-19.
  • Taux de vaccination par pays : Our World in Data, dernière visite le 29 mars 2021, et classement des pays selon la Banque mondiale. Calculs par Oxfam.
  • Télécharger le rapport « Behind the Numbers » d’Oxfam qui fournit des données à jour sur les dépenses, la redevabilité et les mesures de reprise incluses dans les prêts accordés par le FMI pour lutter contre la COVID-19.