Les investissements des milliardaires dans les industries polluantes comme les énergies fossiles et le ciment sont deux fois plus élevés que la moyenne des 500 entreprises de l’indice boursier américain Standard and Poor. Les investissements de seulement 125 milliardaires émettent 393 millions de tonnes de CO2 par an, autant que les émissions territoriales françaises.

 

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Les investissements des milliardaires ont le pouvoir de façonner l’économie

 

Oxfam publie aujourd’hui le rapport Les milliardaires du carbone : les émissions liées aux investissements des personnes les plus riches du monde basé sur une analyse détaillée des investissements de 125 des milliardaires les plus riches dans certaines des plus grandes entreprises du monde et des émissions carbone liées à ces investissements. Ces milliardaires détiennent collectivement 2 400 milliards de dollars de participations dans 183 entreprises.

Ce chiffre est sous-estimé, car les émissions de carbone publiées par les entreprises sous-estiment systématiquement le niveau réel de leur impact carbone. L’intégralité des émissions des entreprises n’ont pu être pris en compte dans l’étude par manque de transparence de la part de ces dernières.

« Les chiffres sont astronomiques : le patrimoine financier de ces 125 milliardaires à une empreinte carbone équivalente au territoire français. » explique Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer acteurs privés et climat chez Oxfam France et co-auteur du rapport.

 « La responsabilité des milliardaires et notamment de leurs émissions d’investissement sont peu prises en compte dans les politiques climatiques. Or, pour garantir une transition écologique socialement juste, le changement de logiciel est simple : le poids de la transition écologique doit être transféré des consommateurs les plus précaires, qui polluent le moins, aux producteurs les plus riches, qui polluent le plus et ont les moyens de transformer ces outils de production. » poursuit Alexandre Poidatz.

 

 « Les émissions liées au mode de vie ostentatoire des milliardaires (yacht, jet privés, etc.) sont socialement inacceptable, mais ce n’est que la face visible de l’iceberg. Lorsqu’on s’intéresse à l’impact de leur patrimoine financier alors on change de dimension : leurs émissions sont un million de fois plus élevé qu’un individu moyen » déclare Alexandre Poidatz.

 

Des investissements colossaux et très carbonés

 

Plusieurs études ont déjà montré que, contrairement à la moyenne de la population, les investissements des personnes les plus riches du monde sont responsables de 70% de leurs émissions. Oxfam a utilisé des données publiques pour calculer les « émissions d’investissement » de milliardaires, lors qu’ils possèdent plus de 10% de participation dans une entreprise, en leur attribuant une part des émissions reportées des entreprises dans lesquelles ils ont investi, proportionnellement à leurs parts.

Le rapport montre aussi que les milliardaires ont en moyenne 14% de leurs investissements dans des industries polluantes comme l’énergie et les matières comme le ciment, c’est deux fois plus que la moyenne des investissements dans l’indice de référence boursier américain Standard and Poor 500. Pire, alors que la transformation écologique est un enjeu majeur, un seul milliardaire dans tout l’échantillon avait des investissements dans une entreprise d’énergies renouvelables.

Les choix d’investissement des milliardaires façonnent l’avenir de notre économie, par exemple en soutenant des infrastructures à forte intensité carbone, cela nous enferme dans des trajectoires d’émissions élevées pour les décennies à venir. Le rapport montre que si les milliardaires dans l’échantillon déplaçaient leurs investissements vers un fond avec des standards sociaux et environnementaux plus élevés, cela réduirait jusqu’à quatre fois l’intensité de leurs émissions.

 

Quels outils pour orienter les investissements ?

 

« Il faut taxer et réglementer les super riches pour qu’ils renoncent aux investissements polluants qui détruisent la planète. Les gouvernements doivent également mettre en place des régulations ambitieuses et des politiques qui contraignent les entreprises à être plus responsables et transparentes dans la déclaration et la réduction drastique de leurs émissions », explique Alexandre Poidatz.

Oxfam a estimé dans une recherche récente qu’un impôt sur la fortune des super riches du monde entier pourrait rapporter jusqu’à 2,5 trillions de dollars par an, des ressources vitales qui pourraient aider les pays en développement – les plus touchés par la crise climatique – à s’adapter, à faire face aux pertes et dommages et à effectuer une transition juste vers les énergies renouvelables. D’après le programme pour l’environnement de l’ONU, les coûts de l’adaptation pour les pays en développement devraient s’élever à 300 milliards de dollars par an en 2030. L’Afrique à elle seule aurait besoin de 600 milliards de dollars entre 2020 et 2030. Oxfam demande également des taux d’imposition nettement plus élevés pour les investissements dans les industries polluantes afin de dissuader ces investissements, à travers la mise en place d’un ISF climatique.

Le rapport montre que de nombreuses entreprises ne sont pas sur la bonne voie dans l’établissement de leurs plans de transition climatique, notamment en se cachant derrière des plans de décarbonation qui ne sont ni fiables, ni réalistes, avec la promesse d’atteindre la cible de la neutralité carbone seulement en 2050. Moins d’un tiers des 183 entreprises étudiées par Oxfam travaillent avec la Science Based Targets Initiative. Seuls 16 % ont fixé un objectif de neutralité carbone.

 

 

Le secteur privé : un enjeu pour la COP27

 

Respect de l’Accord de Paris, fléchage des flux financiers vers des biens et services décarbonés : la baisse des émissions du secteur privé sera un sujet essentiel lors de la COP27 qui s’ouvre ce lundi 7 novembre à Sharm-el-Sheikh. La responsabilité des milliardaires et des plus riches dans la transition zéro carbone des entreprises doit être partie intégrante des discussions, étant donné leur forte contribution aux émissions et leur influence majeure au sein de ces entreprises.

En amont des délibérations de la COP 27, Oxfam appelle les gouvernements à mettre en place :

  • Des régulations et des politiques qui contraignent les entreprises à suivre une trajectoire de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre, basés sur la science.
  • Un ISF climatique, soit une taxe sur la fortune des plus riches et une majoration supplémentaire à taux élevé sur la richesse investie dans les industries polluantes. Cela permettrait de récolter des milliards, qui pourraient être utilisés pour aider les pays à s’adapter aux impacts violents du dérèglement climatique et aux pertes et dommages qu’ils subissent.

« Alors que tous les dirigeants du monde sont réunis à la COP27, afin de maintenir l’objectif de 1,5 °C de réchauffement, l’humanité doit réduire ses émissions de carbone de manière significative, ce qui nécessite des changements radicaux dans la manière dont les investisseurs et les entreprises mènent leurs modèles économiques, ainsi que dans les politiques publiques. Les milliardaires ont un rôle important à jouer dans cette transformation. » déclare Alexandre Poidatz.

 

Notes pour les éditeurs :

 

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Oxfam a commencé par établir une liste des 220 personnes les plus riches du monde selon l’indice Bloomberg des milliardaires et a travaillé avec le fournisseur de données Exerica pour identifier a) le pourcentage de participation de ces milliardaires dans des entreprises b) les émissions des scopes 1 et 2 de ces entreprises. Pour calculer les portefeuilles d’investissement de chaque milliardaire, nous avons utilisé l’analyse de Bloomberg, qui fournit une ventilation détaillée des sources de richesse des milliardaires. Le scope 3 n’a malheureusement pas été pris en compte dans notre étude car 76% des entreprises de notre échantillon (604) ne divulguent pas leurs scopes 3. La note méthodologique (en anglais) est disponible sur demande ainsi que la base de données complète.

 

Les données récentes des recherches d’Oxfam avec le Stockholm Environment Institute montrent que les 1% les plus riches de l’humanité sont responsable de deux fois plus d’émissions que les 50% les plus pauvres (empreinte de consommation), et que, en 2030, leur empreinte carbone sera 30 fois plus importante que le niveau compatible avec l’objectif de réchauffement à 1,5°C de l’Accord de Paris.

 

En mars 2022, Oxfam France et Greenpeace France ont déjà publié un rapport qui montrait que, avec au moins 152 millions de tonnes équivalent CO2 en une année, le patrimoine financier des 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50 % de la population française.

 

Les normes de comptabilisation des gaz à effet de serre du protocole GHG, largement utilisées dans le monde, définissent les trois catégories d’émissions de gaz associées aux entreprises comme ce qui suit : le scope 1 correspond aux émissions directes des opérations de l’entreprise. Le scope 2 correspond aux émissions indirectes, qui ont lieu ailleurs. Le scope 3 correspond à toutes les autres émissions indirectes, ce qui inclut toutes les émissions depuis la chaîne d’approvisionnement au déplacement des employés, en passant par l’utilisation des produits vendus par les consommateurs.