Télécharger le rapport L’austérité : aussi une question de genre et le chapitre spécifique à la France Les femmes et les filles, variables d’ajustement du budget de la France.

Situation alarmante dans le monde
En raison des efforts quasi-universels déployés pour remettre leurs économies sur pied après la pandémie du Covid, et en essayant de maîtriser l’inflation, les gouvernements du monde entier exposent les femmes et les jeunes filles à des niveaux de pauvreté, de péril, de surmenage et de décès prématurés sans précédent
Le nouveau rapport d’Oxfam, intitulé L’austérité : aussi une question de genre et publié aujourd’hui, montre que quatre gouvernements sur cinq choisissent actuellement de mettre en œuvre des mesures d’austérité – coupant les budgets de services publics comme la santé, l’éducation et la protection sociale – plutôt que de chercher à mettre en place des taxes sur la fortune ou des taxes exceptionnelles (par exemple sur les superprofits). Plus de la moitié de ces gouvernements laissent déjà de côté les femmes et les filles en ne fournissant pas ou peu de services publics et sociaux répondant à des besoins genrés. Ils traitent les femmes et les filles comme des variables d’ajustement.

« La pauvreté et la précarité touchent bien plus les femmes que les hommes. Les femmes sont donc victimes d’une violence économique, et le manque d’investissement et de politiques publiques à la hauteur de cet enjeu contribue à aggraver le problème », affirme Sandra Lhote-Fernandes, Responsable de plaidoyer Santé et Genre à Oxfam France. « L’austérité est une forme de violence basée sur le genre ».

Oxfam estime que les politiques d’austérité contribuent à :
• Plus de femmes et de filles rejoignant les 1.7 milliards de personnes qui vivent déjà sous le seuil de pauvreté à 5.50 $ par jour ;
• Renforcer le « retour au travail » inégal des femmes qui, entre 2019 et 2012, n’ont bénéficié que de 21 % de tous les gains d’emploi prévus, nombre de ces emplois étant de plus en plus exploités et précaires ;
• Augmenter les responsabilités que les femmes se voient imposer en matière de soins, alors qu’elles ont déjà travaillé 512 milliards d’heures supplémentaires non rémunérées en 2020 ;
• Augmenter les difficultés d’accès des femmes et des filles à l’eau potable – alors que le manque d’eau potable tue déjà 800 000 d’entre elles tous les ans – et à la nourriture, étant donné l’augmentation brutale des prix ;
• Augmenter les violences, alors même qu’une femme sur dix a subi des violences physiques et sexuelles de la part d’un partenaire intime l’année passée. Selon une étude du PNUD, 85 % des pays ont fermé leurs services d’urgence pour les victimes de violences sexistes afin de réduire les budgets pendant le confinement.

Avec plus de 85% de la population mondiale qui devrait vivre sous des mesures d’austérité en 2023, cette situation déjà alarmante ne va qu’empirer alors même que les priorités des gouvernements sont clairement ailleurs : 2 % de ce que les gouvernements dépensent pour l’armée suffiraient à mettre fin aux violences interpersonnelles basées sur le genre dans 132 pays.

Et en France…
En France, le budget consacré à la lutte contre ces violences n’augmente pas suffisamment par rapport aux besoins.
Un appel sur trois au 39 19 n’a pas été pris en charge en 2020. Par ailleurs, le nombre de places d’hébergement pour les victimes devrait encore être multiplié par 2,4, précise Sandra Lhote-Fernandes.
Les femmes sont significativement plus hospitalisées que les hommes, notamment en lien avec la grossesse et l’accouchement. Or, en France, 10% des maternités sont en fermeture partielle, et 2/3 des maternités ont fermé depuis 40 ans. Les femmes et les personnes pouvant être enceintes sont donc sacrifiées par des politiques publiques qui sous-financent l’hôpital public en entraînant ainsi des fermetures de lits et de structures, ainsi qu’une dégradation des conditions de travail, explique Sandra Lhote-Fernandes.

Le rapport montre que les femmes sont doublement touchées par les réductions des services, de la protection sociale et des infrastructures : d’abord directement, par la hausse des prix ou la perte d’emplois, puis indirectement, parce qu’elles sont considérées comme les « amortisseurs » de la société et qu’on attend d’elles qu’elles survivent et prennent soin de tout le monde lorsque l’État se retire. Par exemple, malgré le terrible impact de l’inflation des prix des denrées alimentaires, et alors que plus de 60 % des personnes souffrant de la faim dans le monde sont des femmes, le FMI a demandé à neuf pays, dont le Cameroun, le Sénégal et le Surinam, d’introduire ou d’augmenter la taxe sur la valeur ajoutée qui s’applique souvent aux produits courants, y compris aux denrées alimentaires.

Le rapport souligne que les gouvernements poursuivent leurs politiques économiques dans une absence totale de données genrées à disposition. Moins de la moitié des données nécessaires au suivi du Cinquième Objectif de Développement Durable, « atteindre l’égalité de genre », sont disponibles.

Faire cesser ces violences économiques implique d’une part de sortir d’une logique austéritaire dont les femmes pâtissent souvent encore plus que les hommes, et d’autre part, d’adopter des budgets qui prennent en compte l’impact genré de ces décisions. Or, les décisions budgétaires, plus encore que les décisions politiques plus générales, sont prises par des hommes : dans les exécutifs régionaux, seules 11% des délégations des vice-présidences aux Finances et au Budget sont dirigées par des femmes, pour 100% des délégations aux Affaires Sociales et à la Santé, déclare Sandra Lhote-Fernandes.

Contact presse
Inès Slama, Chargée de campagne et de plaidoyer Migrations, Services Essentiels et Sahel à Oxfam France :
Mail : islama@oxfamfrance.org
Téléphone : 06 85 26 47 27