La faim extrême a plus que doublé ces six dernières années dans dix des pays les plus sensibles aux risques climatiques. En moins de 18 jours, les profits des entreprises des énergies fossiles suffiraient à financer la totalité des appels humanitaires de l’ONU pour 2022.

Tandis que débute l’Assemblée Générale des Nations-Unies et à deux mois de la COP27, Oxfam publie un rapport révélant que la faim aiguë a augmenté de 123 % au cours des six dernières années dans dix des pays les plus exposés aux risques climatiques.

Le rapport d’Oxfam intitulé La faim dans un monde qui se réchauffe révèle que dix des pays les plus sensibles aux risques climatiques, à savoir la Somalie, Haïti, Djibouti, le Kenya, le Niger, l’Afghanistan, le Guatemala, Madagascar, le Burkina Faso et le Zimbabwe, ont été frappés par des phénomènes météorologiques extrêmes de manière répétée au cours des deux dernières décennies.
Aujourd’hui, dans ces pays, 48 millions de personnes souffrent gravement de la faim (contre 21 millions en 2016). Parmi elles, 18 millions sont au bord de la famine.

À titre d’exemple :

  • La Somalie est confrontée à la pire sécheresse qu’elle ait jamais connue. D’après les estimations, la famine éclatera dans les deux villes de Baidoa et Buur Hakaba. Un million de personnes ont été contraintes de fuir leur foyer en raison de la sécheresse. La Somalie se classe à la 172e place sur 182 pays dans l’Indice mondial d’adaptation face aux changements climatiques.
  • Au Niger, 2,6 millions de personnes souffrent aujourd’hui de la faim aiguë (ce qui représente une augmentation de 767 % par rapport à 2016). La production céréalière a chuté de près de 40 % : les chocs climatiques récurrents, joints aux conflits en cours, ont rendu les récoltes de plus en plus difficiles. La production des denrées alimentaires de base comme le millet et le sorgho risque de s’effondrer encore de 25 % si le réchauffement mondial dépasse les 2 °C.
  • Le Burkina Faso a enregistré une hausse vertigineuse de la faim qui a été multipliée par 13 depuis 2016. En juin 2022, le nombre de personnes souffrant de faim extrême s’élevait à 3,4 millions, en raison des conflits armés et de l’aggravation de la désertification des cultures et des terres pastorales. Un réchauffement climatique à plus de 2 °C entrainerait une réduction supplémentaire de 15 % à 25 % de la production céréalière.
  • Au Guatemala, une sécheresse sévère a entrainé la perte de près de 80 % des récoles de maïs et dévasté les plantations de café.

Guillaume Compain, chargé de plaidoyer climat et énergie chez Oxfam France, déclare :
« Cet été nous l’a encore démontré : les catastrophes climatiques s’enchaînent partout dans le monde et menacent la sécurité alimentaire de plus en plus de personnes ».

Une situation symptomatique des inégalités climatiques mondiales

La faim due aux événements climatiques est une preuve criante des inégalités mondiales. Les pays les moins responsables de la crise climatique sont ceux qui en subissent le plus les conséquences et ceux qui ont le moins de ressources pour y faire face. Responsables de seulement 0,13 % des émissions mondiales historiques de carbone (1750-2020), les dix pays les plus sensibles aux risques climatiques se situent dans le dernier tiers du classement des pays les mieux préparés pour faire face aux changements climatiques.
En revanche, les pays industrialisés et polluants comme ceux du G20, qui contrôlent 80 % de l’économie, sont responsables de plus des trois quarts des émissions mondiales de carbone.

Les dirigeant·es de ces pays continuent de soutenir des entreprises polluantes florissantes. Au cours des 50 dernières années, les entreprises du secteur des énergies fossiles ont enregistré en moyenne 2,8 milliards de profits par jour. Moins de 18 jours de leurs profits permettraient de financer la totalité des appels humanitaires de l’ONU pour 2022, qui s’élèvent à 49 milliards de dollars.

Selon Guillaume Compain :
« Ce sont les plus vulnérables, pourtant très peu responsables de la crise climatique, qui paient le prix fort de notre inaction collective ».
« Les catastrophes climatiques portent le coup de grâce à des populations déjà fortement éprouvées par les crises économiques, souvent par des conflits internes et se remettant encore difficilement de la pandémie de Covid ».

La nécessité d’engagements réels et puissants de la part des Etats

Des changements politiques majeurs sont nécessaires afin de gérer la double crise du climat et de la faim. Si des mesures de grande ampleur ne sont pas prises immédiatement, la faim continuera à monter en flèche.

« Avec l’Assemblée générale des Nations-Unies qui s’ouvre, mais aussi avec la COP27 en novembre, les leaders mondiaux ont l’opportunité d’enfin tenir leurs promesses : réduire véritablement les émissions et soutenir les pays plus vulnérables dans leurs mesures d’adaptation ainsi que dans la réparation des dommages causés par les catastrophes climatiques », explique Guillaume Compain. « Réformer profondément nos systèmes alimentaires et énergétiques et faire preuve de solidarité internationale répondent à la fois à une nécessité pratique et à un impératif moral ».

Selon Oxfam, un impôt de seulement 1 % sur les profits annuels moyens des entreprises du secteur des énergies fossiles générerait 10 milliards de dollars, soit de quoi couvrir la plupart des déficits de financement des appels humanitaires de l’ONU liés à l’insécurité alimentaire.

L’annulation de la dette des États vulnérables permettrait aussi aux gouvernements de libérer des ressources pour investir dans la lutte contre les changements climatiques.

Contact presse

Guillaume Compain, Chargé de campagne agriculture et sécurité alimentaire
gcompain@oxfamfrance.org / 06 85 26 01 08

Notes aux rédactions

  • Télécharger le rapport d’Oxfam : « La faim dans un monde qui se réchauffe».
  • A découvrir aussi la note « Cartes sur tables : Dix mythes à déconstruire sur les causes de la crise alimentaire mondiale » publiée par Oxfam en septembre.
  • Le FSIN a commencé à publier des rapports mondiaux sur les crises alimentaires en 2017. La population totale en situation d’insécurité alimentaire de niveau IPC 3+ dans ces dix pays en 2016 (voir GRFC 2017, p. 21) était de 21,3 millions, tandis qu’elle atteignait 47,5 millions en 2021 (voir GRFC 2022, pp. 30 – 33). Elle a donc augmenté de 123 %.
  • Les calculs relatifs au nombre de personnes au bord de la famine dans les dix pays concernés sont basés sur le nombre de personnes se trouvant au niveau IPC 4 d’insécurité alimentaire et plus en 2021, d’après le rapport GRFC 2022, voir le manuel Comprendre la classification IPC (en anglais)
  • La liste des dix pays les plus exposés aux risques climatiques comprend les pays qui, depuis 2000, ont fait l’objet du plus grand nombre d’appels liés à des phénomènes météorologiques extrêmes, dans lesquels les risques climatiques ont joué un rôle majeur. Source : Le rapport L’heure des comptes publié par Oxfam en mai 2022. Voir la méthodologie décrite dans la note technique d’Oxfam intitulée UN Humanitarian Appeals linked to Extreme Weather, 2000-2021 et publiée en 2022.
  • Les chiffres concernant la multiplication par cinq des catastrophes climatiques sont tirés de l’Atlas de l’Organisation météorologique mondiale (OMM) de la mortalité et des pertes économiques dues à des phénomènes météorologiques, climatiques et hydrologiques extrêmes (1970-2019) (OMM-N°1267), Genève.
  • La somme des émissions de carbone historiques (cumul annuel entre 1750 et 2020) des dix pays les plus sensibles aux risques climatiques était de 2 milliards de tonnes de carbone, ce qui représente 0,13 % des émissions historiques mondiales, qui s’élevaient à environ 1690 milliards de tonnes de carbone. Source : Our World in Data reprenant les données du Global Carbon Project.
  • En 2020, la somme des émissions historiques de carbone des pays du G20 était de 1300 milliards de tonnes de carbone, ce qui représente 77% des émissions mondiales totales (1690 mille milliards de tonnes). Source : Our World in Data.
  • Ces dix pays se classent dans les derniers 34 % selon les calculs en percentiles de la Notre Dame Global Adaptation Initiative (ND-GAIN). Les scores ND-GAIN de 2020 sont tirés du site Internet de ND-GAIN.
  • Pour calculer les profits quotidiens moyens de l’industrie des énergies fossiles au cours des 50 dernières années, estimés à 2,8 milliards de dollars (soit une moyenne annuelle de 1 022 milliards de dollars), nous avons utilisé cet article (en anglais) du Guardian publié en 2022 : Revealed: oil sector’s ‘staggering’ $3bn-a-day profits for last 50 years. Sur la base de la moyenne quotidienne, nous avons calculé que moins de 18 jours de profits des entreprises de ce secteur permettraient de couvrir la totalité des appels humanitaires mondiaux des Nations Unies pour 2022, qui s’élèvent à 48,82 milliards de dollars. Nous avons utilisé la moyenne annuelle de 1 000 milliards de dollars pour calculer le rendement d’un impôt supplémentaire de 1 % sur les profits des entreprises du secteur des combustibles fossiles (10 milliards de dollars). The Guardian (2022). Revealed: oil sector’s ‘staggering’ $3bn-a-day profits for last 50 years.
  • L’appel humanitaire de l’ONU pour 2022 se trouve sur le site internet du  Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, consulté pour la dernière fois le 30 août 2022. La partie de l’appel consacrée à la sécurité alimentaire s’élève à 15,9 milliards de dollars. Sur cette somme, le déficit de financement était de 10,4 milliards au 8 septembre 2022