Dans son nouveau rapport « 2020 : les vrais chiffres des financements climat », Oxfam révèle que la valeur réelle des financements fournis par les pays développés afin d’aider les pays en développement à faire face à la crise climatique pourrait ne représenter qu’un tiers de ce qu’ils ont déclaré. L’analyse d’Oxfam est publiée en amont d’un rapport de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) sur les progrès réalisés par les pays développés afin d’atteindre l’objectif de mobiliser 100 milliards de dollars de financements climat par an d’ici 2020 [1].

Selon les dernières données disponibles, les bailleurs de fonds ont déclaré 59,5 milliards de dollars de financements climat par an en moyenne en 2017-2018 [2]. Cependant, la valeur réelle des financements climat pourrait ne représenter qu’entre 19 et 22,5 milliards de dollars par an, déduction faite des remboursements de prêts, des intérêts et autres surestimations faites [3]. De nombreux bailleurs ont par exemple tendance à comptabiliser comme financements climat des projets dont l’action climatique n’est en fait qu’une partie d’un projet de développement plus vaste.

Sur la totalité des financements climat publics déclarés, un montant astronomique – 47 milliards de dollars, soit 80% – a été fournie sous forme de prêts ; et environ la moitié de ces financements (soit 24 milliards de dollars) étaient non concessionnels, c’est-à-dire offerts selon des termes peu généreux. Selon les calculs d’Oxfam, la « part dons », qui correspond à la vraie valeur des prêts, déduction faite des remboursements et intérêts, représentait moins de la moitié des chiffrés déclarés.

Par ailleurs, l’analyse soulève plusieurs points préoccupants quant à la façon dont les pays développés allouent les financements climat. Sur la totalité des financements climat publics déclarés en 2017-2018, Oxfam estime que :

·        Environ un cinquième (20,5 %) des financements ont été alloués aux pays les moins avancés et seulement 3 % aux petits États insulaires en développement, qui sont pourtant les plus gravement menacés par le changement climatique et ont le moins de ressources pour y faire face.

·        Seuls un quart (25 %) environ des financements ont été consacrés à aider les pays à s’adapter aux impacts de la crise climatique tandis qu’environ deux tiers (66 %) des fonds ont servi à aider les pays à réduire leurs émissions. Il faut cependant noter que les financements pour l’adaptation ont considérablement augmenté, passant de 9 milliards par an en 2015-2016 à 15 milliards de dollars par an en 2017-2018.

 

Selon Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat à Oxfam France : « les financements climat constituent une bouée de sauvetage pour les communautés confrontées à un nombre sans précédent de canicules, tempêtes et inondations dévastatrices. Même en pleine lutte contre la pandémie de COVID-19, les gouvernements ne doivent pas perdre de vue la menace grandissante que constitue le changement climatique et au contraire respecter leurs engagements. »

Si la France a fait des progrès significatifs en augmentant ses financements pour l’adaptation, elle fait figure de très mauvaise élève en ce qui concerne l’octroi de subventions puisqu’elle n’a fourni que 3,3% de ses financements climat sous cette forme (moyenne 2017-2018). A titre de comparaison, le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède ont fourni la vaste majorité de leurs financements climat sous forme de subventions [4].

« Le recours excessif aux prêts, tel que pratiqué par la France, est un scandale sans nom. Les pays les plus pauvres du monde, dont la plupart sont déjà confrontés à des niveaux intenables d’endettement, ne devraient pas être contraints de contracter des prêts pour faire face à une crise climatique dont ils ne sont pas responsables. », déplore Armelle Le Comte.

La COP26, qui aura lieu à Glasgow en novembre 2021, sera l’occasion pour les pays développés de définir une nouvelle voie pour les financements climat après 2020. Pour ce faire, ils devront s’entendre sur de nouvelles normes de comptabilisation solides et un objectif spécifique pour le financement de l’adaptation.

« Les pays développés doivent dès maintenant fournir davantage de financements climat sous forme de subventions, davantage de financements pour l’adaptation et privilégier les pays les plus vulnérables. La France doit prendre sa part de l’effort et annoncer de nouveaux objectifs financiers pour la période 2020-2025 », conclut Armelle Le Comte.

 

Notes aux rédactions :

La version complète du rapport « 2020 : les vrais chiffres des financements climat. Où en est-on de l’engagement des 100 milliards de dollars ? » est disponible ici.

L’analyse est publiée en amont de la mise à jour de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE) des estimations et des analyses des financements climat fournis et mobilisés par les pays développés attendue dans les prochaines semaines.

Il s’agit du troisième rapport de la série d’Oxfam sur les vrais chiffres des financements climat. Les financements climat publics déclarés sont passés de 44,5 milliards de dollars par an en 2015 et 2016 (OCDE) à environ 59,5 milliards de dollars par an en 2017 et 2018. L’estimation d’Oxfam de l’assistance nette spécifique au climat affiche une augmentation plus légère de 15 à 19,5 milliards de dollars par an en 2015 et 2016 à 19 à 22,5 milliards de dollars par an en 2017 et 2018.

[1] En 2009, les pays développés se sont engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an de financements climat d’ici 2020 afin d’aider les pays en développement à s’adapter aux impacts du changement climatique et à réduire leurs émissions. Lors de la COP26 à Glasgow l’année prochaine, les pays devront entamer des négociations sur un ou plusieurs objectifs afin de remplacer celui des 100 milliards, effectif(s) à partir de 2025.

[2] Le chiffre de 59,5 milliards de dollars est une moyenne des financements climat déclarés en 2017 et 2018 par les gouvernements des pays développés, les banques multilatérales de développement, les fonds multilatéraux pour le climat et d’autres organisations auprès de la CCNUCC et de l’OCDE, et comptant pour l’objectif des 100 milliards de dollars. Il s’agit des chiffres disponibles les plus récents.

[3] Le chiffre de 19 à 22,5 milliards de dollars avancé par Oxfam comprend l’estimation de la part dons des financements climat déclarés et non la valeur nominale des prêts et instruments autres que des subventions. Il tient compte également des surestimations des financements climat lorsque l’action climatique représente seulement un élément d’un projet de développement plus large.

[4] Selon les estimations d’Oxfam, la France a fourni 96,6% de ses financements climat sous forme de prêts (moyenne 2017-2018) – dont 16,1% sous forme de prêts non concessionnels, c’est-à-dire selon des termes insuffisamment généreux pour être admissibles au titre de l’aide publique au développement (APD). Entre 2015-16 et 2017-18, les financements pour l’adaptation ont presque doublé passant de 552 millions de dollars à 1 milliard de dollars. Sur les 4,7 milliards de dollars déclarés par la France, Oxfam estime la part dons à seulement 1,3 milliards de dollars – soit 27%.

Contact presse

Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat et énergie, Oxfam France : alecomte@oxfamfrance.org / 06-85-13-89-58