Liste noire des paradis fiscaux de l’UE : les gouvernements doivent s’engager pour adopter des critères efficaces

Les ministres des finances de l’UE se réuniront demain à Bruxelles pour discuter, et potentiellement adopter, les critères pour parvenir à une liste européenne des paradis fiscaux, accompagnés d’une liste de pays présélectionnés qui devront être évalués sur la base de ces critères.

Les gouvernements européens sont sur le point de trouver un accord sur une liste noire des paradis fiscaux. Cette liste pourrait enfin permettre de sanctionner au niveau international les paradis fiscaux auxquels les entreprises ont recours. Oxfam salue cette étape importante – qui représente une nette amélioration par rapport aux autres listes – y compris par rapport à la future liste noire du G20 – mais insiste sur la nécessité d’inclure des critères objectifs et complets qui ne se limitent pas à l’opacité des systèmes fiscaux et permettent d’identifier clairement les paradis fiscaux. Oxfam appelle ainsi les Etats membres à faire en sorte que les critères soient suffisamment solides pour que cette liste noire soit un outil efficace dans la lutte contre l’évasion fiscale. Oxfam reste ainsi un préoccupée sur différents points :

  • L’UE a déjà précisé que la liste n’inclura pas de pays membres. Cela signifie que plusieurs Etats membres de l’UE identifiés par Oxfam comme étant des paradis fiscaux, parmi lesquels les Pays-Bas, la Belgique, l’Irlande et le Luxembourg, ne figureront pas sur cette liste.
     
  • De nombreux leaders européens voudraient également exclure la Suisse, sous prétexte de son engagement avec l’Union européenne sur les questions relatives à la transparence fiscale. Cela en dépit du fait que la Suisse est de manière évidente un paradis fiscal auquel les entreprises ont recours.
     
  • La liste noire de l’UE pourrait également exclure des paradis fiscaux notoires, comme par exemple les Bermudes, si les Etats membres ne s’accordent pas pour inclure un taux d’imposition zéro parmi les critères clés. Une recherche réalisée par Oxfam illustre au contraire que les multinationales américaines ont réalisé 80 milliards de dollars de bénéfices aux Bermudes en 2012, plus que les bénéfices réalisés au Japon, en Chine, en Allemagne et en France combinés. 

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam :

« Les paradis fiscaux fournissent l'ensemble des échappatoires qui permettent aux grandes entreprises de se soustraire à l'impôt dans les différents pays où elles ont une activité économique, pénalisant ainsi l'ensemble des citoyens. En effet, en privant les pays de ressources nécessaires pour investir dans l’éducation, la santé, la création d’emplois, les paradis fiscaux exacerbent ainsi davantage la pauvreté et les inégalités dans le monde entier ».

« Pour que la liste noire de l’UE soit un outil efficace dans la lutte contre l’évasion fiscale et non seulement un gadget, les gouvernements ne peuvent pas se permettre d’en faire une coquille vide. Des listes noires de ce type peuvent être efficaces uniquement si elles sont basées sur des critères objectifs et complets. Parmi ceux-ci doivent impérativement figurer les mesures ou avantages fiscaux visant à permettre aux entreprises de réduire leur facture fiscale, notamment un taux zéro d’imposition des sociétés, des niveaux élevés de secret financier, des incitations fiscales injustes et improductives et le manque de mesures efficaces pour prévenir le transfert de bénéfices vers d’autres paradis fiscaux ».

Contact

Eleonora Trementozzi : +33 7 69 17 49 63 / etrementozzi@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

  • Les ministres des finances de l’UE, qui se rencontreront à Bruxelles ce mardi, devraient approuver les critères de sélection des juridictions en dehors de l’UE, la liste des juridictions à examiner et les lignes directrices concernant la manière dont cet examen aura lieu. La version finale de la liste noire de l’UE devrait être publiée à la fin de l’année 2017.
     
  • Les ministres des finances se réuniront également pour discuter d’une avancée vers une assiette commune consolidée sur l'impôt des sociétés (ACCIS) – l’ensemble de règles communes pour calculer les bénéfices qui devront être taxés par les Etats membres. Si cette proposition est certainement un pas en avant dans la lutte contre la concurrence fiscale au sein de l’UE, elle ne s’attaquera toutefois pas au dangereux nivellement par le bas des taux d’imposition sur les sociétés.
     
  • En mai 2016, Oxfam a publié le rapport « The Netherlands: a tax haven ». A travers une analyse des données de la Commission européenne, ce rapport constate que les Pays-Bas, tout comme la Belgique, Chypre et le Luxembourg, sont les paradis fiscaux les plus attractifs pour les entreprises.
     
  • En mars 2015, Oxfam a publié « Pulling the Plug – How to stop corporate tax dodging in Europe and beyond », une note d’information qui examine les moyens de lutte contre l’évasion fiscale au sein de l’Union européenne. Elle explique en quoi il est vital pour l’UE qu’elle adopte aussi rapidement que possible une législation anti-évasion fiscale. 
     
  • En novembre 2015, Oxfam, TJN, GATJ et PSI ont publié le rapport “Still Broken”. Il révèle qu’en 2012, les multinationales américaines ont à elles seules artificiellement transféré entre 500 et 700 milliards de dollars, environ 25% de leurs profits, principalement dans des pays où ces bénéfices n’étaient pas taxés, ou taxés à un taux très bas. La plupart de cet argent se retrouve ainsi dans une poignée de pays, tels que Les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Irlande, les Bermudes et la Suisse.
     
  • Alors que la Suisse va progressivement supprimer ses régimes préférentiels existants pour les multinationales étrangères, ceux-ci seront remplacés par un taux général d'imposition inférieur, une patent box, et d'autres incitations fiscales.
     
  • En étudiant les données publiques de plus de 200 entreprises, dont les 100 plus grandes au monde et les partenaires stratégiques du Forum économique mondial, Oxfam a constaté que 9 sur 10 sont présentes dans au moins un paradis fiscal.
     
  • Selon le rapport d’Oxfam “Broken at the top”, les 50 plus grandes multinationales américaines détiennent plus de mille milliards de dollars dans les paradis fiscaux.
     
  • Le World Investment Reportde la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), estime que les pays en développement perdent chaque année au moins 100 milliards de dollars d’impôts, en raison de l’évasion fiscale des grandes entreprises. C’est l’équivalent du montant nécessaire pour fournir les soins de santé qui pourraient sauver la vie de 4 millions d'enfants par an et pour assurer la scolarisation de tous les enfants d’Afrique. 

Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.