Liste noire des paradis fiscaux de l’UE: l’opacité et des critères insuffisants ne permettront pas de mettre fin à l’ère des paradis fiscaux

Réaction d’Oxfam à l’adoption de la part du Conseil des Ministres des Finances de l’UE des critères pour une liste européenne des paradis fiscaux. 

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam :

« L’UE a manqué une opportunité de marquer une réelle avancée dans la lutte contre l’évasion fiscale, en adoptant pour sa liste noire des paradis fiscaux tant attendue et controversée, des critères subjectifs et insuffisants. L’opacité règle la reste du jeu, car les Ministres des Finances de l’UE ont également décidé que cette liste de pays resterait confidentielle ».

« Aujourd’hui, les Etats membres ont montré à quel point ils sont en connivence avec les multinationales, ne parvenant pas à trouver un accord pour qu’un taux d’imposition zéro sur les sociétés soit considéré comme un critère pour identifier les paradis fiscaux. Cela implique que des pays qui réduisent la facture fiscale des multinationales peuvent donc se retrouver dans la liste noire, alors que des paradis fiscaux qui ne taxent pas les entreprises, comme les Îles Caïmans ou les Bermudes, ne pourront pas y figurer. Une conséquence du moins paradoxale. Sans ce critère clé, et sans une liste de pays publique, la liste noire de l’UE perdra ainsi une grande partie de sa valeur.

Pour que la liste noire de l’UE soit un outil efficace dans la lutte contre l’évasion fiscale et non seulement un gadget, elle doit se baser sur des critères objectifs et complets et doit impérativement inclure les mesures ou avantages fiscaux visant à permettre aux entreprises de réduire leur facture fiscale, notamment un taux zéro d’imposition des sociétés. »

« Les Etats membres doivent reconnaitre que leur souveraineté fiscale n’est pas endommagée par plus de coopération fiscale, mais au contraire par cette course à la concurrence fiscale sans relâche et au nivellement vers le bas des taux d’imposition. Cela ne fait qu’augmenter la pression sur les gouvernements pour réduire la facture fiscale des grandes entreprises, laissant les citoyens payer l’addition ». 

« Si la Commission européenne a mené un travail considérable pour mettre un terme aux paradis fiscaux, elle a clairement été bloquée par certains Etats membres. Alors qu’Oxfam soutient cette démarche proactive de la Commission européenne, nous ne pouvons toutefois pas soutenir une initiative qui n’est pas objective et ne permet pas de réellement s’attaquer aux paradis fiscaux auxquels les entreprises ont recours. »

« Les paradis fiscaux permettent aux grandes entreprises de se soustraire à l'impôt dans les différents pays où elles ont une activité économique, pénalisant l'ensemble des citoyens et en exacerbant ainsi davantage la pauvreté et les inégalités dans le monde entier ».

Contact

Eleonora Trementozzi : +33 7 69 17 49 63 / etrementozzi@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

  •  Les Ministres des Finances de l’UE ont approuvé aujourd’hui les critères de sélection des juridictions en dehors de l’UE, la liste des juridictions à examiner et les lignes directrices concernant la manière dont cet examen aura lieu. La version finale de la liste noire de l’UE devrait être publiée à la fin de l’année 2017.
  • Voir aussi le communiqué de presse d’Oxfamqui détaille les conditions qui permettraient à la liste noire des paradis fiscaux de l’UE d’être un outil véritablement efficace pour lutter contre l’évasion fiscale.
  • En mars 2015, Oxfam a publié « Pulling the Plug – How to stop corporate tax dodging in Europe and beyond », une note d’information qui examine les moyens de lutte contre l’évasion fiscale au sein de l’Union européenne. Elle explique en quoi il est vital pour l’UE qu’elle adopte aussi rapidement que possible une législation anti-évasion fiscale. 
     
  • En novembre 2015, Oxfam, TJN, GATJ et PSI ont publié le rapport “Still Broken”. Il révèle qu’en 2012, les multinationales américaines ont à elles seules artificiellement transféré entre 500 et 700 milliards de dollars, environ 25% de leurs profits, principalement dans des pays où ces bénéfices n’étaient pas taxés, ou taxés à un taux très bas. La plupart de cet argent se retrouve ainsi dans une poignée de pays, tels que Les Pays-Bas, le Luxembourg, l’Irlande, les Bermudes et la Suisse.
  • Selon le rapport d’Oxfam “Broken at the top”, les 50 plus grandes multinationales américaines détiennent plus de mille milliards de dollars dans les paradis fiscaux.
     
  • Le World Investment Reportde la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), estime que les pays en développement perdent chaque année au moins 100 milliards de dollars d’impôts, en raison de l’évasion fiscale des grandes entreprises. C’est l’équivalent du montant nécessaire pour fournir les soins de santé qui pourraient sauver la vie de 4 millions d'enfants par an et pour assurer la scolarisation de tous les enfants d’Afrique. 

Ce communiqué a été produit avec le soutien financier de la Commission européenne. Son contenu relève de la seule responsabilité d'Oxfam France et ne reflète pas nécessairement les positions de la Commission européenne et de ses services.