Demain, mardi 6 octobre, les ministres des finances de l’Union européenne vont mettre à jour la liste noire européenne des paradis fiscaux, lors de la réunion de l’ECOFIN.

Pour Oxfam, la liste actuelle [1] témoigne du manque de courage politique de l’Union européenne car cette liste continue à donner carte blanche aux principaux paradis fiscaux de la planète comme les Bahamas, les Bermudes, les Iles Vierges britanniques mais aussi aux paradis fiscaux européens : les Pays-Bas, Malte, le Luxembourg, l’Irlande et Chypre.

Selon un projet de texte du Conseil de l’Union européenne, les îles Caïmans, pourtant considéré comme un paradis fiscal notoire, pourraient être retirées de la liste.

Oxfam vient de publier deux études de cas qui montre comment les paradis fiscaux alimentent l’évasion fiscale des multinationales.

1/ Dans un rapport « L’argent du pétrole : le jeu trouble des Pays-Bas en Ouganda » [2], Oxfam révèle comment les Pays Bas sont toujours un des premiers paradis fiscaux en Europe et un pays de « transit » pour les multinationales, au travers de sociétés boîtes aux lettres. Par exemple, convention fiscale entre les Pays-Bas et l’Ouganda donne aux filiales néerlandaises de la multinationale pétrolière française TOTAL et de son partenaire CNOOC des avantages fiscaux spéciaux :

  • A moins d’être renégociée, cette convention pourrait permettre à TOTAL et à son partenaire CNOOC d’éviter un impôt estimé à 245 millions d’euros (287 millions de dollars) en Ouganda sur une période de 25 ans. La perte de recettes fiscales réduira le financement disponible pour les services publics tels que les soins de santé dans un pays qui a l’un des taux de mortalité maternelle les plus élevés au monde
  • 95% de tous les investissements néerlandais en Ouganda proviendraient en fait d’un pays tiers.
  • Les Pays-Bas possèdent plus de 14 000 de sociétés-écrans. 80 % de tous les investissements aux Pays-Bas sont immédiatement réorientés vers d’autres pays [3]

Pour Caroline Avan, chargée de plaidoyer chez Oxfam France : « Ces règles fiscales injustes ont un coût humain car elles vont priver l’Ouganda de près de 300 millions de dollars de recette fiscales, au bénéfice de Total et de son partenaire CNOOC. Et ce chiffre n’est qu’une estimation partielle. Un Ougandais sur cinq vit dans une pauvreté extrême avec un accès limité aux services essentiels. L’Union européenne doit faire pression sur les Pays-Bas et les autres paradis fiscaux européens. La présence de ce type de traités fiscaux ne peut plus être tolérée ! ».

Caroline Avan poursuit : « Les critères d’évaluation utilisés par l’Union européenne sont beaucoup trop faibles puisqu’ils passent outre de nombreuses pratiques fiscales dommageables, comme les taux d’imposition à 0 % ou très faibles sur les sociétés qui permettent aux multinationales de ne pas payer leur juste part d’impôt. Par ailleurs, comment cette liste peut être crédible si elle exclue d’emblée les pays européens ? Alors que la concurrence fiscale dommageable est une pratique de plus en plus répandue en Europe, les gouvernements se refusent à agir avec fermeté contre les paradis fiscaux situés à l’intérieur des frontières de l’Union européenne ».

2/ Une nouvelle analyse d’Oxfam révèle que le Danemark a accordé 89 millions d’euros d’aides d’État aux entreprises liées à des paradis fiscaux qui ne figurent pas sur la liste noire de l’UE à la fin du mois de juin – malgré l’interdiction de verser des aides aux entreprises ayant recours aux paradis fiscaux. Sur 500 principaux bénéficiaires d’aides d’État au Danemark, 131 détiennent 2 319 filiales basées dans des paradis fiscaux tels que le Luxembourg et les Pays-Bas.

Contact presse :

Pauline Leclère pleclere@oxfamfrance.org 07 69 17 49 63

Notes aux rédactions :

[1] Depuis la dernière mise à jour, le 18 février 2020, les 12 pays sur la liste noire sont : Fidji (Océanie) ; Guam (Océanie, territoire des Etats-Unis) ; Îles Caïmans (Caraïbes, territoire du Royaume-Uni) ; Îles Vierges américaines (Caraïbes, territoire des Etats-Unis) ; Oman (péninsule arabique) ; Palaos (Océanie) ; Panama (Amérique centrale) ; Samoa (Océanie) ; Samoa américaines (Océanie, territoire des Etats-Unis) ; Seychelles (océan indien) ; Trinité-et-Tobago (Caraïbes) ; Vanuatu (Océanie).

[2] Le rapport « L’argent du pétrole : le jeu trouble des Pays Bas en Ouganda » est disponible sur ce lien : https://www.oxfamfrance.org/communiques-de-presse/largent-du-petrole-le-jeu-trouble-des-pays-bas-en-ouganda/

[3] Selon le bureau national néerlandais des statistiques.

La Commission européenne (CE) publie une liste noire révisée deux fois par an et s’est engagée à réviser les critères de la liste noire en 2021. La CE a publié des lignes directrices en juillet 2020, recommandant aux États membres d’interdire les entreprises ayant des liens avec les pays de la liste noire de l’UE de l’État d’accueil aide.

Selon un projet de texte du Conseil de l’Union européenne en date du 28 septembre 2020 vu par l’Agence Europe, les îles Caïmans et Oman seront retirées de la liste noire européenne des juridictions non coopératives à des fins fiscales, tandis que la Barbade et Anguilla seront ajoutés.

Selon Oxfam les pays suivants devraient être inclus sur la liste noire des paradis fiscaux de l’UE : Samoa américaines, îles Caïmans, Fidji, Guam, Oman, Palau, Panama, Samoa, Trinité-et-Tobago, îles Vierges américaines, Vanuatu, Seychelles, Royaume-Uni, Hongrie, Pays-Bas, Chypre, Malte, Irlande, Luxembourg, RAS de Hong Kong, îles Vierges britanniques, Bermudes, Singapour, Suisse, Maurice. La liste comprend les pays figurant sur la liste noire de l’UE, les États membres identifiés par la Commission européenne comme facilitant la planification fiscale agressive (semestre européen) et les 10 juridictions mentionnées par le FMI comme étant responsables des 85% des investissements directs étrangers fantômes. Dans l’analyse des plans de sauvetage des entreprises danoises, les Samoa américaines et les îles Vierges américaines n’ont pas pu être prises en compte car les données sur les structures des entreprises pour ces pays ne sont pas disponibles

En mai 2020, le Danemark a été le premier pays européen à introduire des réglementations refusant les aides publiques aux entreprises ayant une résidence fiscale ou à un propriétaire légal détenant une participation majoritaire dans l’entreprise résidant dans un pays figurant sur la liste noire de l’UE. Oxfam a évalué les 500 plus grandes entreprises bénéficiaires d’aides d’État au Danemark, qui représentent 30 pour cent des 943 millions d’euros engagés pour les aides d’État au 22 juin. 131 des entreprises avaient des liens avec des paradis fiscaux qui ne figurent pas sur la liste noire de l’UE. Les 500 entreprises faisaient partie de groupes composés de 16 059 personnes morales, dont un total de 2 319 étaient basées dans des paradis fiscaux qui ne figurent pas sur la liste noire européenne. 794 entités étaient basées dans des paradis fiscaux européens tels que les Pays-Bas (442) et le Luxembourg (176), et 1525 dans des paradis fiscaux non européens, dont le Royaume-Uni (1027) et la Suisse (188). L’analyse d’Oxfam est basée sur les données d’ORBIS.