Liste noire des paradis fiscaux : l’Union européenne passe du côté obscur

Le Conseil des ministres européens de l’économie et des finances (Ecofin) a décidé de retirer 8 Etats de la liste noire de paradis fiscaux publiée par l’Union Européenne le 5 décembre dernier. Malheureusement, les engagements pris par ces Etats pour se conformer aux critères fixés par l’Union européenne ne seront pas rendus publics.

Pour Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam : « L’Union européenne semble très pressée de retirer des Etats de la liste noire mais elle ne dit rien sur les raisons qui ont motivé cette décision et quels engagements concrets ont été pris par ces Etats. Ce manque de transparence décrédibilise l’action de l’Union européenne pour lutter contre l’évasion fiscale.

Cette décision des ministres européens des finances est d’autant plus regrettable que la Commission européenne avait appelé à plus de transparence dans le processus de décision et sur les engagements pris par les Etats déplacés de la liste noire à la liste grise. Sans transparence, impossible de demander des comptes aux paradis fiscaux et de vérifier s’ils ont véritablement mis en œuvre des réformes qui permettent de mettre un terme à l’évasion fiscale.

Dans le même temps, ce n’est un secret pour personne que l’Union européenne abrite en son sein des paradis fiscaux : 4 pays européens – l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et Malte – remplissent les propres critères de l’Union européenne.

Il faut en finir avec l’opacité et l’hypocrisie de l’Union européenne : elle doit rendre publics les engagements des Etats sortis de la liste noire et commencer par balayer devant sa porte en reconnaissant qu’il existe des paradis fiscaux au cœur même de l’Union européenne. Pour être crédible dans sa lutte contre l’évasion fiscale, la France doit aller plus loin en adoptant une liste plus ambitieuse de paradis fiscaux.»

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Contact presse : Pauline Leclère 07 69 17 49 63 pleclere@oxfamfrance.org

Notes aux rédactions

· La liste des 8 pays retirés de la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne sont : le Panama, la Corée du Sud, les Emirats arabes unis, la Tunisie, la Mongolie, Macao, les îles de la Grenade et la Barbade.

· La lutte contre l’évasion fiscale est au cœur de la campagne nationale « Contre les inégalités : pesons de tout notre poids » qu’Oxfam France vient de lancer pour sensibiliser sur l’aggravation des inégalités en France et dans le monde et interpeller Emmanuel Macron pour qu’il mettre en œuvre une loi contre les inégalités. Ce sujet sera largement discuté au Forum Economique Mondial de Davos qui s’ouvre aujourd’hui.

· Dans son dernier rapport « « Partager la richesse avec celles et ceux qui la créent », paru la veille de l’ouverture du Sommet de Davos, Oxfam révèle que 82 % des richesses engendrées l’année dernière ont profité aux 1 % les plus riches de la population mondiale, alors que les 3,7 milliards de personnes qui forment la moitié la plus pauvre de la planète n’en ont rien vu.

· En décembre 2017, l’Union européenne a publié, pour la première fois, une liste noire des paradis fiscaux. Cette liste comprend 17 juridictions mais omet des paradis fiscaux notoires comme la Suisse, les Bermudes, les îles Caïmans, Jersey, Guernesey ou encore Hong-Kong. L’Union européenne a aussi publié une « liste grise » qui comprend des paradis fiscaux notoires mais qui se sont engagés à faire des réformes.

· En novembre 2017, Oxfam a publié un rapport « Liste noire ou carte blanche à l’évasion fiscale » qui révèle que 35 pays répondent aux critères de l’Union européenne et devraient être listés, dont des paradis fiscaux notoires comme la Suisse et les Bermudes. Oxfam montre également que si l’UE appliquait ses propres critères aux États membres, au moins quatre pays européens figureraient sur cette liste : l’Irlande, le Luxembourg, Malte et les Pays-Bas.

· Une carte interactive des 39 pays répertoriés dans le rapport explique les raisons pour lesquelles ceux-ci doivent figurer sur la liste noire européenne des paradis fiscaux.

· A la suite de l’affaire des Paradise Papers, Oxfam a publié un plan d’action en cinq points décrivant les mesures que les gouvernements doivent prendre pour éviter de nouveaux scandales mondiaux. Il s’agit notamment d’établir une liste noire mondiale des paradis fiscaux, incluant les Pays-Bas et l’Irlande, deux protagonistes du scandale des Paradise Papers.

· L’Union européenne s’est engagée à élaborer une liste noire des paradis fiscaux à la suite de scandales, tels que les affaires des Panama Papers et des Lux Leaks, qui ont mis en lumière les pratiques des paradis fiscaux permettant aux grandes fortunes d’éviter de payer des milliards d’euros d’impôts.

· Les négociations pour établir la liste noire de l’UE ont eu lieu sans consultation, et tous les pays y participant ont refusé de répondre à la moindre question. Le processus a été confié à l’un des organes les plus secrets de Bruxelles, ledit Groupe « Code de Conduite », qui tient à préserver la confidentialité de ses travaux.

· 86% des européens sont en faveur d’une renforcement des règles pour lutter contre l’évasion fiscale contre 8% qui s’opposent à cette idée, selon le Standard Eurobarometer, publié en Juillet 2017.

· L’évasion fiscale coûte aux pays en développement 170 milliards de dollars par an : 70 milliards du fait de l’évasion fiscale des grandes fortunes et 100 milliards du fait des entreprises. 100 milliards de dollars suffiraient à scolariser 124 millions d’enfants et à sauver la vie de près de 8 millions de mères, de nouveaux-nés et d’enfants chaque année.