Lutter contre les inégalités, le défi de ce siècle

Sept personnes sur dix vivent dans un pays dans lequel l’écart entre les riches et les pauvres est plus grand qu’il y a 30 ans, et le nombre de milliardaires dans le monde a plus que doublé depuis la crise financière.

Dans un nouveau rapport publié aujourd’hui, Oxfam souligne que l’accroissement vertigineux des inégalités pourrait faire reculer les résultats de plusieurs dizaines d’années de lutte contre la pauvreté.

En se fondant sur de nouvelles recherches et des exemples concrets, l’ONG démontre l'ampleur du problème des inégalités économiques extrêmes et révèle les multiples dangers qu'il représente partout dans le monde. Elle identifie les deux puissantes forces motrices qui ont conduit à l'augmentation rapide des inégalités dans de nombreux pays : le capitalisme sauvage et la mainmise des élites sur le monde politique.

Dans le monde entier, la prospérité bénéficie non pas aux couches inférieures de la population, mais aux plus riches dont la fortune extraordinaire s’accroît toujours plus rapidement. Le patrimoine cumulé des 85 personnes les plus riches, qui possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale, comme l’a révélé Oxfam en janvier dernier, a augmenté de 668 millions de dollars par jour entre 2013 et 2014. Cela équivaut à un gain de près d’un demi-million de dollars par minute.

Du FMI au Forum économique mondial, du Pape au président Obama, de plus en plus de voix s’accordent pour reconnaître que les inégalités constituent un défi fondamental de notre époque et que l’inaction est néfaste tant sur le plan économique que social. Malgré ces belles paroles, peu de mesures concrètes ont été prises.

"Ces inégalités, qui freinent la croissance économique, augmentent la criminalité et anéantissent les espoirs et les ambitions de milliards de personnes, sont le résultat de choix politiques et économiques. L’extrême richesse va de pair avec l’influence et la mainmise sur le pouvoir, par exemple, grâce à de nombreuses années de règles faussées, comme des règles fiscales permettant aux personnes, aux entreprises les plus riches ou aux financiers qui spéculent sur l’économie réelle, d'éviter de payer leur juste part ", souligne Nicolas Vercken d’Oxfam France.

"En France, les 1% les plus riches possèdent autant que les 70% les moins aisés de la population, soit 46 millions de personnes ! Les fortunes cumulées des familles Bettencourt et Arnault représentent presque autant que ce que possèdent les 20 millions de Français les plus pauvres, soit un tiers de la population. Et ces inégalités s’aggravent, menaçant le pacte social mais aussi la croissance elle-même", ajoute Nicolas Vercken.

"En Europe, les mesures d’austérité mises en place dans le but d’équilibrer les budgets, suite au sauvetage des banques à hauteur de 4 500 milliards d’euros, ont surtout eu pour effet d’aggraver la pauvreté et les inégalités. Les seules personnes à bénéficier de l'austérité sont les 10% les plus riches de la population européenne, qui ont vu leur fortune s'accroître."

Mais le rapport rappelle également que ces inégalités ne sont pas inévitables, et que les règles peuvent être changées, pour s'assurer que les plus riches paient leur juste part d’impôts, consacrer plus de dépenses publiques pour la santé et l’éducation, afin de donner une chance aux populations défavorisées.

Il présente en détails des expériences prouvant que des changements positifs sont possibles.

Par exemple, si l’on instaurait aujourd’hui un impôt de 1,5 % sur les fortunes des milliardaires du monde, les recettes annuelles pourraient permettre de scolariser tous les enfants sur cette planète et d’offrir une couverture santé universelle dans les pays les plus pauvres.

"La richesse croit, mais surtout dans les couches supérieures de la population, et cette concentration de la richesse, et du pouvoir, se poursuivra sans une action politique volontaire et décisive de réduction des inégalités. Nous ne devrions pas laisser une doctrine économique bornée et l’intérêt de quelques personnes fortunées et puissantes nous aveugler."

Si les trois personnes les plus riches du monde dépensaient un million de dollar chaque jour, il leur faudrait à chacune environ 200 ans pour épuiser leur fortune. Une telle situation extrême n’est cependant pas l’apanage des pays riches. Aujourd’hui, on compte 16 milliardaires en Afrique subsaharienne, où 358 millions de personnes vivent dans l’extrême pauvreté, et les inégalités en Afrique du Sud sont aujourd’hui plus importantes qu’elles ne l’étaient à la fin de l’apartheid.

Quelques chiffres

  • Le rendement moyen de la fortune des milliardaires est d’environ 5,3 %. Entre mars 2013 et mars 2014, la fortune de Bill Gates a augmenté de 13 %, passant de 67 à 76 milliards de dollars. Cela représente un gain de 24 millions par jour, soit 1 million de dollars à chaque heure qui passe.
  • En enrayant la récente augmentation des inégalités, l’Inde pourrait permettre à 90 millions de personnes de sortir de l’extrême pauvreté d’ici 2019.
  • Au Kenya, le maintien du niveau d’inégalité actuel risquerait de faire basculer sous le seuil de pauvreté, d’ici 2019 également, 3 millions de personnes de plus qu’en cas de légère diminution des inégalités.
  • Au Ghana, par exemple, les familles les plus pauvres devraient consacrer 40 % de leurs revenus pour envoyer un seul enfant dans une école à bas coût, ce qui souligne l’importance de la gratuité de l’enseignement pour toutes et tous.
  • Chaque année, le poids des frais de santé fait basculer 100 millions de personnes dans la pauvreté. Entre 2009 et 2014, au moins un million de femmes sont mortes en couches, faute de services de santé suffisants. Pendant ce temps, les frais de scolarité continuent d’exclure de trop nombreux enfants.
  • Les inégalités touchent aussi le domaine de la justice climatique : les 7% les plus riches de la population mondiale (un demi-milliard de personnes) sont responsables de 50% des émissions mondiales de CO2, tandis que la moitié la plus pauvre du monde n’émet elle que 7% des émissions mondiales. Il est indispensable que le coût de la facture climatique, pour s’adapter aux changements climatiques et les prévenir, soit payé d’abord par les principaux responsables des émissions de CO2.

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Magali Rubino
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