Journée Mondiale du Lait – 1er juin 2022

Communiqué conjoint d’Oxfam, APESS, APLI, AVSF, CFSI, Confédération Paysanne, Elevages sans frontières, GRET, SOS Faim.

Bruxelles, Paris et Ouagadougou, 1er Juin 2022 – A l’occasion de la célébration de la Journée Mondiale du Lait, l’Association pour la promotion de l’élevage au Sahel et en Savane (APESS) s’associe avec les acteurs de la Campagne européenne “N’Exportons Pas Nos Problèmes” pour alerter sur les menaces qui pèsent sur la filière lait local en Afrique de l’Ouest dont dépendent 48 millions de producteurs et productrices dans la région.

Depuis plusieurs années, des agroindustriels européens envahissent le marché en Afrique de l’Ouest avec du lait en poudre ré-engraissé avec de la matière grasse végétale (MGV), notamment l’huile de palme, et vendu jusqu’à 30 à 50% moins cher que le lait produit localement. Et l’UE exporte des volumes croissants de ce produit à bas coûts et aux qualités nutritives inférieures au lait[1]. En 2020, selon les derniers chiffres disponibles, l’UE a exporté pour 2,1 milliards d’euros de ces poudres, soit 56% du total des produits laitiers européens exportés vers l’Afrique de l’Ouest.[2] Cette faible compétitivité du lait local face aux produits importés est grandement favorisée par une trop large ouverture du marché domestique ouest africain des produits laitiers.

Pour faire face à cette concurrence et déployer le potentiel de la filière, les acteurs d’Afrique de l’Ouest ont obtenu l’adoption par les Etats et la CEDEAO d’une politique ambitieuse et de vastes plans d’investissements régionaux et nationaux. Il est urgent que ces plans soient mis en œuvre et que leur réalisation soit soutenue par la coopération européenne au développement.

Sécurité, Ukraine, Covid : les éleveurs laitiers africains particulièrement fragilisés

La dégradation du contexte sécuritaire au Sahel nuit terriblement aux initiatives économiques porteuses des acteurs de la région. Les mini laiteries notamment, vaste réseau de collecte et de transformation, proche des communautés agro-pastorales, sont particulièrement touchées. Frappés par les conflits et l’insécurité, les éleveurs ne peuvent plus circuler et nourrir leurs troupeaux, quand ils ne sont pas directement victimes de violence.

“Depuis plusieurs années, notre mini laiterie grandissait malgré la concurrence du lait importé, on parvenait à offrir un revenu à des dizaines de familles de pasteurs et productrices de lait, on a lancé la marque Fairefaso. Aujourd’hui, les effets du changement climatique, du COVID-19, de l’insécurité et des conflits intercommunautaires nous empêchent de fonctionner. Nous n’arrivons plus à collecter le lait, à rembourser nos crédits… Alors que les éleveurs ou les femmes avec qui nous travaillons sont parmi les plus fragiles. Il nous faut un plan d’urgence pour nous soutenir et nous permettre de jouer notre rôle dans l’autonomisation des jeunes et des femmes.”

Ibrahim Diallo, Laiterie Kossam Yadega/ Fairefaso – Ouahigouya, Burkina Faso.

Pour mémoire, avant le déclenchement de la guerre en Ukraine, le Burkina Faso était considéré comme la crise de déplacés internes à la croissance la plus rapide. Corrélée à l’insécurité mais aussi à d’autres facteurs (changement climatique, impact long du COVID), la situation alimentaire en Afrique de l’Ouest est particulièrement préoccupante pour la troisième année d’affilée, avec près de 30 millions de personnes nécessitant une assistance immédiate.[3]

Le retour du mythe d’une Europe nourricière

La filière est aussi touchée par les conséquences de la guerre en Ukraine. L’augmentation des prix, de l’aliment bétail notamment, touche des éleveurs qui ne bénéficient que de très peu d’aides, contrairement aux dispositifs d’appui déployés en Europe.

Face à cette fragilité des communautés et acteurs dépendant de la filière lait local, le discours porté par les industriels européens et certains politiques sur l’impérieuse nécessité pour l’Union européenne de nourrir le monde via des gains de productivité inquiète.

Si les différentes crises actuelles renforcent la dépendance de la région ouest-africaine aux importations, elles affaiblissent encore plus durablement la capacité des producteurs-trices et des transformateurs-trices à vivre dignement de leur activité et à contribuer à la mise sur le marché de produits sains, locaux et nutritifs.

En conclusion, les acteurs appellent :

  • la CEDEAO et les Etats de la région à accélérer la mise en oeuvre de la stratégie de l’Offensive lait
  • la CEDEAO et les Etats de la région à mettre en place rapidement des mécanismes d’appui aux acteurs des filières lait local confrontés à l’insécurité et à l’inflation des prix, notamment en soutenant l’accès à l’alimentation bétail et en déclarant un moratoire sur le remboursement des prêts bancaires.
  • la CEDEAO à rehausser le niveau du Tarif Extérieur Commun (TEC) lors de sa prochaine révision prévue en 2023 afin de protéger la filière lait local
  • l’UE à soutenir financièrement la mise en place de la stratégie de l’Offensive lait, les plans d’investissements afférents et des mécanismes de soutien rapide aux acteurs de la filière lait local
  • l’UE à maintenir ses engagements (Green Deal, F2F) et à éviter que les dispositifs de soutien à ses agriculteurs n’alimentent la concurrence déloyale envers la filière lait local

Contact presse :

  • Benoît De Waegeneer – SOS Faim/campagne N’exportons Pas Nos Problèmes – Belgique : bde@sosfaim.ong
  • Philippe Collin – AVSF France/campagne N’exportons Pas Nos Problèmes – France : collin@avsf.org +33 6 76 41 07 18
  • Hamidou TIEMOGO, Responsable Communication et Relations Extérieures APESS : +226 76 63 54 80 : hamidoutiemogo@gmail.com

[1] https://www.sosfaim.be/vivalait-et-vitalait-cest-pas-du-lait/

[2] https://agritrop.cirad.fr/600858/1/2021_09_13_Les_produits_low_cost_dans_linternationalisation_des_marches_agro_alimentaires.pdf

[3] https://www.food-security.net/app/uploads/2022/04/108-FNS-March2022.pdf