Pendant la crise, les plus grands supermarchés mondiaux ont distribué 98% des bénéfices à leurs actionnaires au détriment des femmes qui travaillent dans ce secteur

 

Dans un nouveau rapport intitulé « Pas tout-te-s à la même enseigne », Oxfam montre comment la pandémie a creusé les inégalités dans les chaînes d’approvisionnement mondiales des supermarchés en enrichissant les grandes fortunes de la planète au détriment des travailleuses.

A l’international

Selon Oxfam, les principaux supermarchés côtés en bourse, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et aux Pays Bas, ont distribué 98% des bénéfices réalisés pendant la crise à leurs actionnaires et augmenté leurs dividendes de 123 % entre 2019 et 2020 [1]. Dans le même temps, les femmes du monde entier, qui travaillent dans ces chaînes d’approvisionnement, ont vu leurs revenus stagner, voire baisser, et elles sont toujours en proie à des discriminations et à une violation de leurs droits [2].

En France

En France, la grande distribution alimentaire affiche aussi des résultats exceptionnels en cette période de crise : en 2020, le secteur enregistre une croissance de 6,3% du chiffre d’affaires alors qu’en 2019 les ventes avaient progressé de moins de 1%.

Le groupe Carrefour, côté en bourse, a vu ses bénéfices augmenter de 107% entre 2019 et 2020 et a augmenté ses dividendes de 114%. Mais les inégalités abyssales continuent à prospérer au sein du groupe puisque le PDG, Alexandre Bompard, gagne 430 fois plus que le salaire moyen de son entreprise. Les primes COVID versées aux salariés de Carrefour ne représentaient que l’équivalent de 2% des salaires du groupe.

 

Le rapport d’Oxfam montre comment la crise a enrichi les dirigeants des supermarchés dont la rémunération est souvent fortement liée à la performance financière de l’entreprise et à la satisfaction des actionnaires :

  • La capitalisation boursière des supermarchés cotés a augmenté de 101 milliards de dollars entre mars et décembre 2020, contre une augmentation de 75 milliards de dollars en 2019.
  • La richesse de la famille Walton, qui possède Walmart, a augmenté de 3 millions de dollars par heure l’année dernière.
  • 67% de la rémunération du PDG de Carrefour est basée sur des critères de performance financière.

Les femmes dans les chaînes d’approvisionnement alimentaires

Les femmes sont plus durement touchées par la crise car surreprésentées dans les emplois peu qualifiés et mal payés des grandes chaînes d’approvisionnement, et notamment alimentaires.

  • En 2018, il fallait plus de 4 000 ans à une ouvrière travaillant dans une usine de transformation de crevettes en Thaïlande pour gagner ce que le directeur général d’un supermarché américain gagne en moyenne en un an. Ce chiffre est passé à plus de 5 700 ans en 2020.
  • Au Brésil, les productrices de café gagnent 16 % de moins que leurs homologues masculins alors qu’elles ont en moyenne un niveau d’éducation plus élevé. Dans les chaînes d’approvisionnement en fruits de mer en Thaïlande, elles gagnent près d’un tiers de moins que leurs homologues masculins. [3]
  • En France, 76% des employé·e·s de caisse sont des femmes. Entre 2017 et 2019, 55% des employé·e·s de caisse étaient à temps partiel. 37% gagnaient moins de 1 250 euros net par mois, 77% moins de 1 500 euros net, et le salaire net médian était de 1 300 euros net par mois.

Caroline Avan, porte-parole d’Oxfam France, déclare :

« Alors que la crise sanitaire a mis l’économie à terre, les plus grands supermarchés du monde, qui ont généré des profits colossaux depuis mars 2020, préfèrent augmenter la rémunération des actionnaires et des dirigeants plutôt que de protéger celles qui produisent ces richesses. C’est choquant et indécent.

Partout, la crise a amplifié des inégalités systémiques entre les femmes et les hommes dans le monde du travail et le secteur de la grande distribution n’y échappe pas : les femmes y sont moins bien payées, cantonnées aux métiers les plus précaires et les plus pénibles et elles subissent des discriminations et des violences. Elles sont ainsi beaucoup plus impactées par la crise.

Il faut en finir avec cette logique de maximiser les gains des actionnaires et, au contraire, réorienter ces millions de bénéfices vers des investissements à long terme dans les chaînes d’approvisionnement afin de garantir des conditions de travail justes et un salaire décent aux femmes dans les chaînes d’approvisionnement. Sans régulation publique, les supermarchés continueront de perpétuer un modèle économique injuste et sexiste.

Pour que les inégalités mortifères cessent et pour que les femmes et les générations futures ne voient pas leur situation se dégrader, Oxfam demande aux gouvernements d’agir avec fermeté sur ces multinationales et d’adopter des plans de relance féministes.

Par exemple, une entreprise devrait être empêchée de verser des dividendes si elle ne verse pas un salaire décent à ses travailleurs et travailleuses. Une économie plus juste passe aussi par une revalorisation des métiers à prédominance féminine et par un écart maximum entre le salaire médian et le plus haut salaire au sein d’une même entreprise ».

A l’occasion du Forum Génération Égalité (30 juin – 2 juillet 2021), et dans les mois qui suivent, Oxfam demande à la France, qui co-préside ce sommet international, de promouvoir des mesures fortes pour corriger l’aggravation des inégalités entre les femmes et les hommes à travers le monde. Le plan de relance féministe promu par Oxfam contient notamment des mesures suivantes (dont trois issues du rapport « Pas tou·te·s à la même enseigne ») :

  • Contraindre les grandes entreprises à adopter de toute urgence une politique globale en matière d’égalité des sexes et des plans d’action pour garantir le respect des droits des femmes dans leurs propres activités et dans leurs chaînes d’approvisionnement.
  • Revaloriser des métiers à prédominance féminine et remédier à la sous-représentation des femmes à la tête des entreprises.
  • Soutenir une législation européenne sur le devoir de vigilance et la gouvernance d’entreprise durable contraignant les entreprises à respecter les droits humains, à commencer par l’égalité entre les hommes et les femmes sous peine de sanction juridique, et à investir suffisamment à long-terme dans les chaînes d’approvisionnement, au lieu de maximiser les versements aux actionnaires.
  • Empêcher les entreprises de verser des dividendes tant que des mesures n’ont pas été prises pour verser un salaire décent aux travailleurs et travailleuses de leurs principales chaînes d’approvisionnement. Moins de 1 % des dividendes versés par les supermarchés aux actionnaires en 2020 permettrait de payer un salaire décent à tous les travailleurs du plus grand État producteur de café du Brésil.

Contact presse :

Marika Bekier, responsable presse et influenceurs
mbekier@oxfamfrance.org / 06 24 34 99 31

Notes aux rédactions :

[1] Sur 2020, les grandes chaînes de supermarchés cotées en bourse – Ahold Delhaize, Albertsons, Costco, Kroger, Morrisons, Sainsbury’s, Tesco et Walmart – ont collectivement versé 22,3 milliards de dollars de dividendes à leurs riches actionnaires.
[2] De nouvelles recherches sur la répartition inégale de la valeur (entre 2005 et 2019) et sur les conditions de travail dans la production de café au Brésil, de riz basmati au Pakistan et de vin en Afrique du Sud, et une mise à jour de recherches antérieures sur la production de thé Assam en Inde et la production de fruits de mer en Thaïlande.
[3] Oxfam et ses partenaires ont enquêté et recueilli les témoignages de travailleurs et travailleuses et d’agriculteurs et agricultrices en Thaïlande, au Brésil, en Afrique du Sud, en Inde et au Pakistan. Découvrez ces témoignages dans le rapport.

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