Alors que Total va proposer à ses actionnaires, réunis en Assemblée générale ce vendredi 28 mai, de changer de nom pour devenir « Total Energies », sous-entendu un groupe multi-énergies, Oxfam décrypte, dans une nouvelle analyse « Climat : Total passe au décodeur » [1], les incohérences entre la communication verte de Total et ses orientations stratégiques.

 

L’analyse d’Oxfam France montre que, tout en cherchant à tout prix à verdir son image de marque – le groupe dédie à cet effet près d’un tiers de son budget de communication, soit 52 millions de dollars par an – à l’horizon 2030, Total produira deux fois plus d’énergies fossiles que ce que recommande le GIEC. La stratégie de Total est incompatible avec l’Accord de Paris, qui prévoit de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C d’ici la fin du siècle.

 

Caroline Avan, chargée de plaidoyer industries extractives chez Oxfam explique : « L’Agence Internationale de l’Energie le dit désormais clairement [2] : un réchauffement limité à 1,5° n’est pas compatible avec de nouveaux projets extractifs. Pourtant, Total produira deux fois plus d’énergies fossiles à l’horizon 2030 que ce que recommande le GIEC ! [3] Selon le PDG de Total, 50 millions de barils de pétrole seront toujours produits par jour dans le monde en 2050. Or pour suivre le scenario du GIEC, il faudrait en produire au maximum 11 millions au milieu du siècle, soit cinq fois moins ! ».

 

Dans sa publication, Oxfam France met en lumière l’écart considérable entre la communication « verte » du groupe et ses investissements réels. En 2018, Total n’avait investi que 271 millions d’euros dans ses projets renouvelables [4], soit 1,9% de ses investissements bruts totaux. Pour 1 unité d’électricité produite à partir de renouvelables, Total produit 447 unités d’hydrocarbures. En 2050, ce ratio sera de à 1 pour 25 – ou seulement 4%.  Résultat, entre 2026 et 2030, près de 80% des investissements resteront toujours alloués aux énergies fossiles. 

 

Pour Caroline Avan : « Le pétrole est la machine à cash du groupe, lui permettant de maintenir sa politique de dividendes. En 2019, la rémunération du PDG de Total, Patrick Pouyanné, dépendait à près de 36% de la satisfaction des actionnaires, et elle était à seulement 2% basée sur un critère de réduction des émissions de CO2 : rien d’étonnant à privilégier les dividendes plutôt que la planète ! ».

 

Oxfam France a calculé que si Total avait dédié en 2018 seulement un tiers de l’équivalent de son dividende à la transition écologique, l’entreprise aurait pu atteindre le niveau d’investissement minimum requis dans la transition écologique [5].

 

Pour Caroline Avan « Les belles paroles et les jolies campagnes de publicité sont du temps perdu face à l’urgence climatique. L’autorégulation des entreprises ne suffit plus. C’est aux gouvernements de fixer des règles contraignantes aux grandes entreprises qui ont une responsabilité considérable dans la crise climatique. ».

 

Oxfam France demande à Total de planifier dès aujourd’hui une transition juste en vue de la fin de l’exploitation des énergies fossiles. Alors que la loi climat, qui vient d’être adoptée, est silencieuse à cet égard, l’ONG appelle aussi instamment les gouvernements – autant au niveau national qu’européen – à obliger les grandes entreprises à se doter d’objectifs climat compatibles avec la trajectoire à 1,5° et à communiquer de façon transparente sur leurs empreintes carbone, leurs plans de transition et leurs investissements.

 

Notes aux rédactions :

[1] : Consulter le rapport

[2] : Dernier rapport de l’AIE : https://www.iea.org/reports/net-zero-by-2050

[3] : Dans le premier scénario du GIEC, qui maximise les synergies avec les objectifs de développement durable.

[4] : source Carbone Disclosure Project : https://www.cdp.net/en/research/global-reports/doubling-down

[5] : idem

Droit de réponse de Total

L’Etude Complète